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16/07/2007 | FRANCE | N°06LY02201

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 16 juillet 2007, 06LY02201


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 6 novembre 2006, présentée pour Mme Tifa X épouse Y, domiciliée ... par Me Lerein, avocat au barreau de Grenoble ;

Mme Tifa X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604753 en date du 20 octobre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 6 octobre 2006 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa reconduite à la frontière et, d

'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont elle a la...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 6 novembre 2006, présentée pour Mme Tifa X épouse Y, domiciliée ... par Me Lerein, avocat au barreau de Grenoble ;

Mme Tifa X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604753 en date du 20 octobre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 6 octobre 2006 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trente jours, sous astreinte de deux cents euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de neuf cents euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juillet 2007 :

- le rapport de M. Chabanol, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité bosnienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du préfet de la Haute-Savoie du 9 mars 2006 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 6 octobre 2006, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X est entrée irrégulièrement en France le 23 mai 2005, dix mois seulement avant le refus de séjour qui lui a été opposé, et est dépourvue d'attaches familiales sur le territoire français, hormis ses deux filles mineures avec lesquelles elle est arrivée ; que, par suite, la décision du 9 mars 2006 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme X, qui a été prise après examen préalable de la situation personnelle de l'intéressée au regard, tant de sa vie privée que de sa vie familiale, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;




En ce qui concerne les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. » ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que si Mme X fait valoir qu'elle n'a plus de contact avec son frère et son époux, dont elle est séparée, et qui sont restés en Bosnie-Herzégovine, que ses parents sont décédés, qu'elle bénéficie d'une promesse d'embauche et que ses enfants sont parfaitement intégrés dans la société française où ils ont trouvé un équilibre affectif et obtiennent de bons résultats scolaires, il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme X et ses enfants se trouvaient sur le territoire national depuis moins d'un an et demi à la date de l'arrêté attaqué et que rien ne s'oppose à ce que Mme X emmène ses enfants avec elle en Bosnie-Herzégovine, pays où ils ont déjà vécu, dont ils parlent la langue et où ils pourront poursuivre leur scolarité ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté de reconduite à la frontière contesté, qui a été précédé d'un examen préalable de la situation personnelle de l'intéressée, ne porte pas au droit de Mme X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, non plus que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que les stipulations du préambule et des articles 9-1 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; que Mme X ne peut donc utilement s'en prévaloir pour demander l'annulation de l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ;

Considérant que, si Mme X soutient qu'elle peut prétendre à la régularisation de sa situation administrative, dès lors qu'elle remplit l'ensemble des conditions prévues par les circulaires du ministre de l'intérieur des 31 octobre 2005 et 13 juin 2006, elle ne saurait, en tout état de cause, utilement se prévaloir des énonciations contenues dans ces circulaires qui sont dépourvues de caractère réglementaire ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si Mme X soutient qu'elle n'a plus de famille en Bosnie-Herzégovine et qu'en cas de retour dans ce pays, elle serait placée en situation de précarité, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, la réalité des menaces et risques qui pèseraient sur sa personne en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision du préfet de la Haute-Savoie du 6 octobre 2006 fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DECIDE :


Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
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N° 06LY02201


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY02201
Date de la décision : 16/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Daniel CHABANOL
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : LEREIN AUDREY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-07-16;06ly02201 ?
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