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16/07/2007 | FRANCE | N°06LY02055

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 16 juillet 2007, 06LY02055


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 5 octobre 2006, présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;
Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604124 en date du 5 septembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé, d'une part, son arrêté du 22 août 2006 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. X et, d'autre part, la décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité c

omme destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présen...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 5 octobre 2006, présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;
Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604124 en date du 5 septembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé, d'une part, son arrêté du 22 août 2006 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. X et, d'autre part, la décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le premier juge ;

3°) d'ordonner le remboursement de la somme de 800 euros versée par l'Etat à M. X au titre des frais irrépétibles de première instance ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juillet 2007 :

- le rapport de M. Chabanol, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité serbe, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE du 13 juillet 2006 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 22 août 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, entré irrégulièrement sur le territoire français le 25 juillet 2004, a épousé une ressortissante française le 17 septembre 2005, soit onze mois seulement avant l'arrêté attaqué du 22 août 2006 ; qu'il n'est pas dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de M. X en France et nonobstant le fait que son frère a bénéficié d'une régularisation, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite, cet arrêté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté en date du 22 août 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X, tant devant le Tribunal administratif de Grenoble que devant la Cour ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 3 février 2006 du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs du département : « Délégation de signature est donnée à M. Dominique Fetrot, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Savoie, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions (…) relevant des attributions de l'Etat dans le département (…) » sous réserve de certaines exceptions dont ne relèvent pas les arrêtés de reconduite à la frontière ; que les décisions « relevant de l'attribution de l'Etat dans le département » comprennent, sauf s'il en est disposé autrement par l'arrêté portant délégation de signature, les décisions préfectorales en matière de police des étrangers ; que ces dispositions précitées, suffisamment précises, donnaient, dès lors, à M. Fetrot compétence pour signer l'arrêté du 22 août 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté doit être écarté ;

Considérant que l'arrêté litigieux, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière, est suffisamment motivé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : « La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (…) » et qu'aux termes de l'article L. 313-11 dudit code : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 7°) A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories (…) qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus » ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen du respect, par la mesure d'éloignement, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. X ne remplit pas les conditions fixées au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE du 13 juillet 2006 serait irrégulière faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour doit donc être écarté ;

Considérant que pour les mêmes motifs, d'une part, ce refus de séjour, qui a été pris après examen préalable de la situation personnelle de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et, d'autre part, l'arrêté de reconduite à la frontière n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences qu'entraînerait cette mesure sur la situation personnelle de M. X ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;
Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si M. X se prévaut de la situation générale d'insécurité qui règnerait dans la région du Kosovo, où il aurait lui-même été victime d'agressions, il n'établit pas la réalité des menaces et risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent, par suite, qu'être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 22 août 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. X ainsi que sa décision distincte du même jour fixant le pays de renvoi ;


Sur les conclusions du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE tendant à obtenir au profit de l'Etat le remboursement de la somme versée à M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance :

Considérant que le préfet, qui a le pouvoir d'émettre un titre exécutoire à l'effet d'obtenir le remboursement des sommes mises en première instance à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, n'est pas recevable à demander à la Cour d'ordonner la restitution des sommes ainsi versées ;


Sur les conclusions de M. X présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;




Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. X :

Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer la situation administrative de M. X et de délivrer à ce dernier une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées ;




DECIDE :


Article 1er : Le jugement n° 0604124 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble en date du 5 septembre 2006 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Grenoble et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est rejeté.
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N° 06LY02055


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY02055
Date de la décision : 16/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Daniel CHABANOL
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : CLEMENTINE FRANCES ET AUDREY LEREIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-07-16;06ly02055 ?
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