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03/07/2007 | FRANCE | N°03LY01559

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 03 juillet 2007, 03LY01559


Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 29 août 2003 et 12 janvier 2004, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON, par Me Le Prado, avocat ;

Il demande à la Cour :

1°) d'annuler ou de réformer le jugement n° 013143 du 26 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser d'une part à Mme X une indemnité de 150 000 euros, avec intérêts à compter du 14 avril 2003, en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 11 novembre 1996, et d'autre part à la Caisse

primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, avec intérêts de droit, la somme...

Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 29 août 2003 et 12 janvier 2004, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON, par Me Le Prado, avocat ;

Il demande à la Cour :

1°) d'annuler ou de réformer le jugement n° 013143 du 26 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser d'une part à Mme X une indemnité de 150 000 euros, avec intérêts à compter du 14 avril 2003, en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 11 novembre 1996, et d'autre part à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, avec intérêts de droit, la somme de 85 906,45 euros, montant de ses frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation, la somme de 22 437,60 euros au titre des arrérages, échus au 28 mars 2003, de la rente servie à Mme X et la somme de 12 138,34 euros au titre du capital constitutif de cette rente, ainsi que la somme de 60 919,86 euros en remboursement de frais de prothèse, et la somme de 760 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) de ramener à de plus justes proportions les indemnisations allouées à Mme X et à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mars 2007 :

- le rapport de M. Berthoud, président ;

- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par jugement du 26 juin 2003, le Tribunal administratif de Dijon se fondant notamment sur les résultats d'une expertise ordonnée avant-dire droit, a condamné le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON à réparer le préjudice corporel résultant des conséquences dommageables de l'ostéosynthèse subie par Mme X le 10 novembre 1996 dans cet établissement en vue de réparer une fracture du col du fémur, survenue le même jour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en relevant qu'il résultait de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que contrairement à ce qui était soutenu en défense, l'état de santé de Mme X trouvait son origine exclusive dans l'absence de diagnostic d'une capsulite rétractile antérieure de la hanche lors de l'intervention opératoire initiale du 10 novembre 1996 qui aurait dû impliquer, compte tenu des techniques connues des chirurgiens orthopédiques et de l'âge de la patiente, la pose d'une prothèse totale de hanche, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement en tant qu'il retenait l'entière responsabilité du centre hospitalier, quel que soit par ailleurs le bien-fondé des motifs susmentionnés ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté en appel qu'en pratiquant le 10 novembre 1996 une ostéosynthèse, alors que, compte tenu de la nature de la fracture, de l'âge de la victime, née en 1945, et des techniques médicales disponibles, il aurait fallu poser dès l'origine une prothèse totale de la hanche, les praticiens du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON ont commis une faute qui a compromis les chances de guérison de Mme X, eu égard à l'inefficacité de l'ostéosynthèse pratiquée et à la manifestation d'une capsulite rétractile de la hanche, qui constitue, comme le relève l'expert, la conséquence directe de cette indication opératoire erronée ; que Mme X a subi, le 19 janvier 1997, une intervention chirurgicale, effectuée au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON, en vue de la pose d'une prothèse totale de la hanche, puis devant la persistance de fortes douleurs de la hanche et d'un fléchissement de la hanche et du genou, deux autres interventions réalisées à la clinique Sainte-Marthe les 30 mai et 9 décembre 1997, pour changer le cotyle de la prothèse puis le pivot fémoral ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment du rapport de l'expert et de ses observations complémentaires, que les soins reçus dans ce dernier établissement, s'ils n'ont pas amélioré l'état de la patiente, auraient aggravé les conséquences de l'indication opératoire erronée mise en oeuvre lors de l'intervention du 10 novembre 1996 ; que par suite, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Dijon, qui n'était pas tenu de surseoir à statuer en attendant les résultats d'une action judiciaire engagée par Mme X contre un praticien de la clinique Sainte-Marthe, a regardé sa responsabilité comme entièrement engagée à raison du préjudice imputable à cette indication erronée ;

Sur l'étendue du préjudice indemnisable :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que si la patiente avait bénéficié d'une prothèse totale de la hanche dès la première intervention, son état aurait sans doute été consolidé au bout de six mois, le pourcentage d'incapacité permanente partielle s'établissant ensuite entre 5 et 10 %, sans aucun retentissement sur la vie professionnelle ou familiale, tandis que les souffrances endurées et le préjudice esthétique auraient été limités respectivement à 2/7 et 1/7 ; qu'à la suite de la faute commise en ne mettant pas en place d'emblée cette prothèse, Mme X, qui a subi, ainsi qu'il a été dit, trois opérations chirurgicales après l'intervention initiale, et dont l'état est regardé comme consolidé seulement depuis le 10 novembre 1999, ne peut ni reprendre ses activités professionnelles antérieures, ni se déplacer à pied sans cannes béquilles, ni conduire une voiture, et doit être assistée pour certains gestes de la vie quotidienne par des membres de sa famille ; que cependant, si l'expert a évalué à 45 % l'incapacité partielle permanente dont elle demeure affectée et respectivement à 5/7 et 4/7 les souffrances endurées et le préjudice esthétique subis par l'intéressée, il résulte de ses conclusions qu'une réponse médicale appropriée aurait seulement empêché l'aggravation, au demeurant importante, des séquelles de la fracture dont elle a été victime ; qu'ainsi, c'est à tort que le Tribunal administratif de Dijon a pris en compte, pour évaluer le préjudice indemnisable, non pas seulement ladite aggravation, mais l'ensemble de ces séquelles ;

Considérant, par ailleurs, que si l'obligation pour la caisse de renouveler une fois tous les 15 ans la prothèse posée lors de la deuxième intervention subie a un caractère certain, cette obligation est dépourvue de tout lien direct avec la faute commise, en l'espèce, par le centre hospitalier ;

Sur la réparation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : « Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice. » ; qu'il résulte de ces dispositions, applicables à la présente instance alors même que cette dernière est relative à des dommages survenus avant leur entrée en vigueur, que le recours subrogatoire des caisses est limité aux seules indemnités mises à la charge du responsable du dommage qui réparent des préjudices ayant donné lieu, pour des postes déterminés, au versement de prestations, le recours des caisses ne pouvant en principe s'exercer sur des indemnités réparant des préjudices à caractère personnel ; qu'il convient cependant, pour évaluer les droits de la victime, de tenir compte, pour chaque poste de préjudice en litige, des prestations dont elle a bénéficié de la part de la caisse et qui peuvent être regardées comme prenant en charge le préjudice correspondant ;

En ce qui concerne Mme X :

Considérant, en premier lieu, que Mme X, qui était employée sous le régime du contrat à durée indéterminée, a subi, du fait de l'impossibilité d'exercer son activité professionnelle durant la période d'incapacité temporaire totale, des pertes de revenus qui peuvent être estimées au total à 57 818,47 euros, mais qui ont été compensées, à concurrence de 22 818,47 euros, par les indemnités journalières versées par la caisse en application du 5° de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale ; que par ailleurs, compte tenu des précisions apportées par l'expert sur les séquelles en lien direct avec la faute du service public hospitalier, il sera fait une juste appréciation des troubles physiologiques dans les conditions d'existence imputables à cette faute, lesquels comprennent notamment la réduction de sa capacité de travail et de gain, en les évaluant à 40 000 euros ; que cependant ces troubles sont indemnisés, à concurrence de 34 575,94 euros, par la rente d'invalidité versée par la caisse en application de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale, dont au 28 mars 2003 les arrérages échus s'élevaient à 22 437,60 euros et le capital constitutif à 12 138,34 euros ; qu'il suit de là qu'au titre des pertes de revenus et des troubles physiologiques dans ses conditions d'existence imputables à la faute du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON et non réparés par les prestations de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, Mme X a droit seulement aux sommes de 35 000 euros et 5 424,06 euros, soit au total 40 424,06 euros ;

Considérant, en second lieu, qu'il sera fait une juste appréciation des troubles personnels dans les conditions d'existence causés à Mme X par la faute du service public hospitalier en les évaluant à 40 000 euros ; que la réparation des souffrances endurées et du préjudice esthétique également imputables à cette faute doit être fixée respectivement à 8 000 euros et 4 000 euros ; qu'ainsi, Mme X peut prétendre, au titre de ses préjudices personnels, à une somme de 52 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON est fondé à demander que le principal de l'indemnité globale qu'il a été condamné à verser à Mme X par l'article 1er du jugement attaqué soit ramené de 150 000 euros à 92 424, 06 euros, ladite somme portant intérêts dans les conditions fixées par ce jugement ;

En ce qui concerne la Caisse primaire d'assurance maladie :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation exposés pour le compte de Mme X du fait de la faute du service public hospitalier s'élèvent à 63 087,98 euros ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, qui a intégralement supporté ces dépenses de santé, a droit à leur remboursement ; qu'en revanche, ses frais futurs résultant du renouvellement d'une prothèse, non imputables à la faute commise par l'hôpital, ne peuvent donner lieu à indemnisation; qu'il s'ensuit que c'est à tort que par l'article 4 du jugement attaqué, le Tribunal a condamné le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON à verser à ce titre un capital de 60 919,86 euros et que les conclusions incidentes de la caisse tendant à la majoration de cette indemnité ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant, en second lieu, que la caisse primaire d'assurance maladie peut également prétendre au remboursement d'une somme de 22 818,47 euros au titre des indemnités journalières perçues par Mme X et d'une somme de 22 437,60 euros au titre des arrérages, échus au 28 mars 2003, de la rente d'invalidité qui lui est servie ; que par suite, le Tribunal, alors même qu'il a fait masse des dépenses de santé supportées par la caisse et des indemnités journalières qu'elle a versées, lesquelles relèvent des pertes de revenus compensées par cette dernière, n'a pas fait une évaluation excessive des débours correspondant aux postes de préjudice susmentionnés en condamnant le centre hospitalier à verser à la caisse les sommes de 85 906,45 euros et 22 437,60 euros, assorties des intérêts au taux légal demandés par la caisse ;

Considérant cependant que la caisse ne saurait prétendre au versement du capital constitutif de la rente d'invalidité, mais seulement au remboursement des arrérages venus ou venant à échéance postérieurement au 28 mars 2003, avec intérêts au taux légal au fur et à mesure des versements des arrérages à l'intimée ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens l'article 3 du jugement attaqué ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en se bornant à allouer à Mme X, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens, le Tribunal administratif de Dijon ne s'est pas livré, dans les circonstances de l'espèce, à une appréciation erronée ;

Considérant, par ailleurs, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme X et la Caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or bénéficient du versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le principal de l'indemnité que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON a été condamné à verser à Mme X par le jugement susvisé du Tribunal administratif de Dijon est ramené à 92 424,06 euros.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON est condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or non une somme de 12 138,34 euros correspondant au capital constitutif de la rente d'invalidité servie à Mme X, mais les arrérages échus ou à échoir de ladite rente depuis le 28 mars 2003. Ces sommes porteront intérêts au taux légal au fur et à mesure des versements à Mme X des arrérages correspondants.

Article 3 : Les articles 1er et 3 du jugement susvisé sont réformés en ce qu'ils ont de contraire aux articles 1er et 2 ci-dessus.

Article 4 : L'article 4 du jugement susvisé est annulé.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON, les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or tendant au remboursement de frais futurs de renouvellement de prothèse et les conclusions de ladite caisse et de Mme X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 03LY01559


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 03LY01559
Date de la décision : 03/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BERTHOUD
Rapporteur ?: M. Joël BERTHOUD
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : DIDIER LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-07-03;03ly01559 ?
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