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22/03/2007 | FRANCE | N°06LY01450

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 22 mars 2007, 06LY01450


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 7 juillet 2006, présenté pour le PREFET DU RHONE, par Me Schmitt, avocat au barreau de Lyon ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603462 du 9 juin 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 7 juin 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Amadou Haffage X et les décisions du même jour prescrivant son maintien en rétention administrative et fixant le pays de d

estination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée de...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 7 juillet 2006, présenté pour le PREFET DU RHONE, par Me Schmitt, avocat au barreau de Lyon ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603462 du 9 juin 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 7 juin 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Amadou Haffage X et les décisions du même jour prescrivant son maintien en rétention administrative et fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Lyon par M. X ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu l'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2007 :

- le rapport de Mme Lorant, présidente ;

- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;


Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que le jugement attaqué a annulé l'arrêté du PREFET DU RHONE du 7 juin 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, au motif qu'en absence de notification d'un refus de titre de séjour, le préfet, qui ne pouvait pas se fonder sur un précédent refus de titre de séjour du 26 février 2004, ne pouvait légalement décider la reconduite à la frontière de l'intéressé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...). » ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, résultant de l'ordonnance du 24 novembre 2004 susvisée : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 3° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. Les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte (…) » ; que ces dernières dispositions reprennent celles de l'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité sénégalaise, entré régulièrement en France le 21 novembre 1990, s'est vu opposer le 26 février 2004 un refus de titre de séjour par décision du préfet des Bouches-du-Rhône, au motif qu'il ne justifiait pas d'une durée de résidence en France de plus de dix ans, exigée par les dispositions de l'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par une nouvelle demande du 26 juillet 2005, M. X a sollicité auprès du PREFET DU RHONE un titre de séjour en application des dispositions précitées l'article L. 313-11 3°, en se prévalant d'une résidence en France depuis 15 ans ;

Considérant que la seule circonstance que, lors de sa demande du 26 juillet 2005, M. X justifiait d'une durée supplémentaire de présence en France d'un an et cinq mois depuis le refus de séjour du 26 février 2004, ne peut être considérée comme constituant une modification de la situation de l'intéressé au regard de la durée de résidence habituelle en France exigée par les dispositions de l'article L. 313-11 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à la date de sa nouvelle demande, qui, ainsi qu'il a été rappelé ci ;dessus, reprennent les dispositions de l'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 fondant le refus de séjour du 26 février 2004 ; que, par suite, la décision implicite de rejet, née du silence gardé par le PREFET DU RHONE pendant plus de quatre mois à compter du dépôt par M. X, le 26 juillet 2005, reçu en préfecture le 29 juillet suivant, de sa demande de titre de séjour, constitue une simple décision confirmative du précédent refus de séjour du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 février 2004 ;

Considérant que si M. X soutient que le refus de séjour du 26 février 2004 ne lui a pas été notifié, il ressort des pièces du dossier que la notification de cette décision, assortie d'une invitation à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et mentionnant les voies et délais de recours, est revenue à la préfecture des Bouches-du-Rhône le 6 avril 2004 avec la mention « Non réclamé - retour à l'expéditeur » ; que, dès lors, la notification de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône, qui doit être réputée régulièrement intervenue le 16 mars 2004, date de la présentation de l'envoi recommandé au domicile de M. X, a fait courir le délai d'un mois fixé par l'invitation à quitter le territoire ; que M. X s'étant maintenu sur le territoire au-delà de ce délai, il se trouvait dans le cas où, en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DU RHONE pouvait décider sa reconduite à la frontière sur le fondement du refus de titre de séjour du 26 février 2004 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 7 juin 2006 pour les motifs susmentionnés ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif et la Cour ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par M. X ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, entré sur le territoire national en 1990, à l'âge de 25 ans, y est immédiatement revenu après l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière de février 2000, car n'ayant pu se réadapter à la vie au Sénégal ; qu'ainsi, même si la notion de résidence habituelle au sens des dispositions du 3° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ci-dessus rappelées ne peut être retenue, il vit en France depuis plus de 15 ans et bénéficie d'une promesse d'embauche ; que, par suite, nonobstant la circonstance que l'intéressé ne justifie d'aucun lien familial en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a déclaré que résidaient son père et sa mère, M. X est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention susmentionnée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé son arrêté du 7 juin 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Amadou Haffage X et les décisions du même jour prescrivant son maintien en rétention administrative et fixant le pays de destination de la reconduite ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. » et qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas » ;

Considérant, qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu seulement d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour à M. Amadou Haffage X, et de se prononcer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sur la situation de celui-ci ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. Amadou Haffage X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que dès lors, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Proust, avocat de M. X, renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à verser à Me Proust une somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour à M. Amadou Haffage X, et de se prononcer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sur la situation de celui-ci.
Article 3 : L'Etat, ministre de l'intérieur, versera à Me Proust une somme de 800 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
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N° 06LY01450


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY01450
Date de la décision : 22/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nicole LORANT
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : DOMINIQUE SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-03-22;06ly01450 ?
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