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22/03/2007 | FRANCE | N°06LY01234

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 22 mars 2007, 06LY01234


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 12 juin 2006, présentée pour M. Oumar X, domicilié ..., par Me Lerein, avocat au barreau de Grenoble ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602201 en date du 17 mai 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 14 avril 2006, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la déc

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 12 juin 2006, présentée pour M. Oumar X, domicilié ..., par Me Lerein, avocat au barreau de Grenoble ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602201 en date du 17 mai 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 14 avril 2006, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 700 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2007 :

- le rapport de Mme Lorant, présidente ;

- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : « (…) l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 4° La demande d'asile (…) constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (…) » et qu'aux termes de l'article L. 742-6 dudit code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement (…) ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité guinéenne, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 5 mars 2005 ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision du 22 avril 2005 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 16 décembre 2005 ; que par décision du 10 janvier 2006, notifiée le 20 janvier 2006, le préfet de la Haute-Savoie lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français ; que, par décision du 14 mars 2006, notifiée le même jour, le préfet de la Haute-Savoie a, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, suite au dépôt, par l'intéressé, d'une demande de réexamen de sa situation au titre de l'asile ; que l'office français de protection des réfugiés et apatrides a, par décision du 22 mars 2006, rejeté cette demande de réexamen ; que M. X, qui s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision de refus de titre de séjour du 10 janvier 2006 précitée, se trouvait ainsi, à la date de l'arrêté contesté, le 14 avril 2006, dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que M. X entend, pour la première fois en appel, invoquer, par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, l'illégalité de la décision de refus d'autorisation provisoire de séjour du 14 mars 2006, notifiée le même jour ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier et qu'il n'est pas allégué que cette décision, qui comporte l'énoncé des voies et délais de recours dont elle pouvait faire l'objet, aurait été contestée dans le délai de deux mois à compter de cette notification ; qu'elle était ainsi devenue définitive le 12 juin 2006, date à laquelle M. X a invoqué par voie d'exception, pour la première fois en appel, l'illégalité de cette décision de refus d'admission provisoire au séjour ; que M. X n'est donc pas recevable à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la mesure d'éloignement en litige ;

Considérant que si M. X soutient que l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée lors du dépôt de sa première demande d'admission au statut de réfugié ne mentionnait pas clairement et expressément le délai qui lui était accordé pour saisir l'office français de protection des réfugiés et apatrides et ne lui avait pas permis de saisir cet organisme dans le délai légal, il ne ressort, en tout état de cause, pas des pièces du dossier que le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides aurait regardé la première demande d'asile déposée par M. X auprès de cet organisme comme tardive et aurait, pour ce motif, refusé de l'enregistrer ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que si le requérant soutient qu'il ne pourrait mener une vie privée normale qu'en France, où il serait bien intégré et où il aurait trouvé la sécurité et la quiétude, il ressort des pièces du dossier que M. X, qui est célibataire et dépourvu d'attaches familiales en France, est entré sur le territoire français un an seulement avant la mesure d'éloignement en litige et a conservé des attaches familiales en Guinée où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans et où il exerçait la profession de commerçant ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que si, dans le dernier état de ses écritures, M. X soutient qu'il doit pouvoir bénéficier d'un titre de plein droit sur le fondement de l'article L. 313-11-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est suivi médicalement en France, qu'il ne pourra bénéficier de ces traitements en Guinée et que l'arrêt de ces traitements aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'ayant fait état par courrier adressé aux services préfectoraux du 3 mars 2006, accompagné de certificats médicaux, de son état de santé précaire, le préfet devait solliciter l'avis du médecin inspecteur de la DDASS, le seul certificat médical produit qui se borne à faire état d'insomnie, d'angoisse et de céphalées, ne permet pas de regarder M. X comme justifiant d'éléments suffisamment précis sur la nature et la gravité des troubles dont il souffre pour que le préfet ait été tenu de saisir le médecin inspecteur de la DDASS dans la perspective de la délivrance d'un titre sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que le moyen tiré des risques qu'il encourrait en cas de retour en Guinée est, en tout état de cause, inopérant à l'encontre de l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière qui ne fixe pas le pays de destination ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si M. X soutient que sa vie, sa liberté et sa sécurité seraient menacées en cas de retour en Guinée, pays qu'il a dû quitter alors qu'il possédait un emploi et une famille, après qu'il ait été arrêté et détenu durant une semaine par les autorités guinéennes, en décembre 2004, pour avoir participé à des mouvements sociaux et qu'il ait réussi à s'évader de son lieu de détention, grâce à la complicité d'un gardien et qu'il serait toujours activement recherché par les autorités de son pays, ni le récit du requérant ni les pièces qu'il produit à l'appui de ses affirmations, lesquelles ne présentent pas un caractère probant suffisant, ne permettent de tenir pour établie la réalité des faits allégués et des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision fixant la Guinée comme pays de destination de la reconduite à la frontière, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;





DECIDE :


Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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N° 06LY01234


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY01234
Date de la décision : 22/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nicole LORANT
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : LEREIN AUDREY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-03-22;06ly01234 ?
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