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22/03/2007 | FRANCE | N°06LY00640

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 22 mars 2007, 06LY00640


Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2006, présentée pour Mme Shamam X, domiciliée ..., par Me Robin, avocat au barreau de Lyon ;

Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600926 du 24 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2006 par lequel le préfet du Rhône a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour par laquelle il a fixé l'Arménie comme pays de destination de la mesure d'éloigne

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2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté et la décision susmentio...

Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2006, présentée pour Mme Shamam X, domiciliée ..., par Me Robin, avocat au barreau de Lyon ;

Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600926 du 24 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2006 par lequel le préfet du Rhône a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour par laquelle il a fixé l'Arménie comme pays de destination de la mesure d'éloignement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté et la décision susmentionnés ;

3°) de condamner l'Etat à verser au conseil de la requérante une somme de 900 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2007 :

- le rapport de Mme Lorant, présidente ;

- les observations de Me Vernet, avocat de Mme X, et de M. Guinet, représentant le préfet du Rhône ;
- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête, qui contient des moyens d'appel, répond aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;


Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré » ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : « … l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : … 4º La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente » ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2º à 4º de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet » ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité arménienne, est entrée régulièrement en France le 30 septembre 2004 munie d'un visa de 90 jours ; qu'elle s'est maintenue sur le territoire national au-delà de la durée de validité de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; que le préfet, après avoir refusé de l'admettre provisoirement au séjour au motif que sa demande était dilatoire et l'avoir informée de son droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office, a transmis à l'office français de protection des réfugiés et apatrides, selon la procédure d'examen prioritaire, la demande de l'intéressée tendant à bénéficier de l'asile, laquelle a été rejetée par une décision de l'office en date du 4 octobre 2005 ; qu'un arrêté de reconduite à la frontière pouvait être pris à l'encontre de la requérante, laquelle ne conteste pas s'être objectivement trouvée dans le cas précité de recours abusif aux procédures d'asile, sous réserve qu'il ne soit pas mis à exécution avant la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'en l'espèce cet arrêté a été pris postérieurement à la décision de rejet de l'office ; que si l'arrêté préfectoral litigieux se fonde à tort sur le 1° précité de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que la requérante est entrée régulièrement en France, il a pu néanmoins être pris légalement dès lors qu'il se fonde également sur le 2° du même article et qu'il est constant qu'à la date de cet arrêté, le 8 février 2006, Mme X s'était maintenue au-delà de la durée de validité de son visa et n'était pas titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; qu'ainsi Mme X se trouvait dans le cas où, en application du 2° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;


Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre (…) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. (…) » ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des deux certificats médicaux produits par la requérante, qui, même postérieurs de quelques jours à l'arrêté litigieux, apportent un éclairage sur son état de santé depuis son entrée en France, que l'intéressée, qui réside habituellement en France depuis 2004, présente un symptôme anxio-dépressif grave et des troubles neurologiques dont le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le préfet ne critique pas utilement la mention de l'un des certificats selon laquelle elle ne pourra bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, corroborée par un rapport de l'organisation suisse de l'aide aux réfugiés d'où il résulte que le système de santé en Arménie ne peut faire face aux besoins de la population ; que par suite l'arrêté de reconduite attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions précitées ;


Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite litigieux ainsi que par voie de conséquence la décision du même jour fixant l'Arménie comme pays de destination ;


Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que Mme X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, dès lors, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761 ;1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocate de Mme X, Me Robin, renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, au profit de Me Robin, la somme de 900 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 24 février 2006 est annulé.
Article 2 : L'arrêté de reconduite à la frontière en date du 8 février 2006 et la décision du même jour fixant l'Arménie comme pays de destination sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à Me Robin une somme de 900 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Robin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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N° 06LY00640


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nicole LORANT
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : ROBIN CATHERINE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Date de la décision : 22/03/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06LY00640
Numéro NOR : CETATEXT000018310462 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-03-22;06ly00640 ?
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