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08/02/2007 | FRANCE | N°06LY01248

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 5ème chambre, 08 février 2007, 06LY01248


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 13 juin 2006, présentée pour Mme Amira X, domiciliée ..., par Me Lerein, avocat au barreau de Grenoble ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0602210 du 17 mai 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 7 avril 2006 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de desti

nation ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 13 juin 2006, présentée pour Mme Amira X, domiciliée ..., par Me Lerein, avocat au barreau de Grenoble ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0602210 du 17 mai 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 7 avril 2006 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 850 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2007 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- et les conclusions de M. Raisson, commissaire du gouvernement ;


Sur le refus de séjour et l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...). » ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : « (…) l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / (…) 4° La demande d'asile (…) constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (…) » et qu'aux termes de l'article L. 742-6 dudit code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, ressortissante de la Bosnie-Herzégovine, s'est vu refuser le bénéfice de l'asile par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mars 2005, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 28 septembre 2005 ; que, par décision du 25 novembre 2005, le préfet de la Haute-Savoie lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire national ; que l'intéressée a alors formé, le 14 décembre 2005, une seconde demande d'asile auprès de l'OFPRA, qui l'a rejetée le 27 décembre 2005 ; que par décision du 27 décembre 2005, le préfet de la Haute-Savoie lui a refusé la délivrance d'une nouvelle autorisation provisoire de séjour, sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la requérante a élevé un second recours devant la commission de recours des réfugiés ; que la seconde demande formée auprès de l'office invoquait des faits de militantisme politique qui n'étaient pas allégués précédemment, alors qu'à les supposer établis, ils se seraient rapportés à une période antérieure à la première demande et n'auraient pu être ignorés de la requérante qui en était l'acteur ; que le recours à la procédure prioritaire d'examen était donc justifié ; que, dans le cadre de cette procédure, l'intéressée pouvait se voir refuser un titre de séjour, même provisoire, et faire l'objet d'une procédure de reconduite dès la notification de la décision de l'office sans que l'administration ait à attendre l'issue de son recours devant la commission de recours des réfugiés ; que Mme X, qui ne peut par suite utilement alléguer que les décisions de refus de séjour et de reconduite ont été prises alors que la procédure d'examen de son recours par la commission des recours était encore pendante, se trouvait ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 7 avril 2006, dans le cas où, en application des dispositions précitées des articles L. 511-1 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que, si Mme X soutient qu'elle peut prétendre à la régularisation de sa situation dès lors qu'elle remplit l'ensemble des conditions prévues par la circulaire du ministre de l'intérieur du 31 octobre 2005, elle ne peut pas, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions de cette circulaire qui est dépourvue de caractère réglementaire ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant que Mme X, entrée irrégulièrement en France en novembre 2004 à l'âge de 27 ans, accompagnée de son fils, alors âgé de 8 ans, fait valoir que son frère semble avoir quitté la Bosnie-Herzégovine, que son père est décédé depuis 1993, qu'elle n'a plus de contact avec son ex-époux qui était violent avec elle et que son fils est soigné en France où il est scolarisé et parfaitement intégré ; que, toutefois, Mme X et son fils, se trouvaient sur le territoire national depuis seulement un an à la date du refus de séjour contesté et d'un an et demi à celle de l'arrêté attaqué ; que les documents médicaux produits par Mme X ne permettent pas d'établir que l'état de santé de son enfant nécessiterait un traitement et une prise en charge dont il ne pourrait pas bénéficier en Bosnie-Herzégovine ; que rien ne s'oppose à ce que Mme X emmène son fils avec elle, alors même qu'il est scolarisé en France depuis janvier 2005 et serait bien intégré ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside sa mère ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le refus de séjour contesté et l'arrêté attaqué ne portent pas au droit de Mme X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris ; qu'ainsi, ces décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. » ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant, ainsi qu'il l'a été dit ci-dessus qu'il n'est pas établi que l'enfant de Mme X ne pourrait pas bénéficier en Bosnie-Herzégovine des traitements que nécessiterait son état de santé ; que, d'autre part, il n'est démontré ni que cet enfant ne puisse pas être scolarisé dans son pays d'origine ni qu'il ne pourrait pas quitter la France avec sa mère ; que le refus de séjour contesté et l'exécution de l'arrêté attaqué n'auront pour effet de priver l'enfant de la présence de sa mère ; que, par suite, ces décisions ne méconnaissent pas les stipulations précitées de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : «(…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.» et que ce dernier texte énonce que «Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.» ; que ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de prévenir un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant que Mme X fait valoir que, née en République Srpska, elle dût se réfugier en Fédération en 1992 lorsque la guerre a éclaté, que son père a été tué sur le front en 1993 et son frère victime d'agression, qu'elle a été menacée et agressée en raison de son appartenance et de ses activités politiques par des membres d'un autre parti, a, en vain, tenté de déposer une plainte auprès des forces de l'ordre et sollicité la protection de l'Office du Haut représentant (OHR), qu'elle a fait l'objet d'une convocation en octobre 2005 par le ministère des affaires intérieures et d'une mise en examen en novembre 2005 pour avoir perturbé une campagne électorale d'août à octobre 2004 et déconsidéré des personnalités politiques, que son récit est corroboré par les informations recueillies sur la Bosnie-Herzégovine et par les autres éléments versés au dossier et que sa demande de réexamen de son droit à l'asile est pendante devant la commission des recours des réfugiés ; que, toutefois, dans le cadre de la procédure d'examen prioritaire par l'OFPRA, le préfet n'avait pas, ainsi qu'il a été dit plus haut, à attendre que la commission se soit prononcée sur le cas de Mme X ; que ni le récit des évènements la concernant fait par Mme X, ni les pièces produites ne permettent d'établir la réalité des craintes alléguées ; que, par suite, la requérante, dont, par ailleurs, les demandes d'asile ont, ainsi qu'il l'a été dit ci-dessus, été examinées par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et par la commission des recours des réfugiés, et qui ne démontre pas que sa vie ou sa liberté serait menacée ou qu'elle serait personnellement exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Bosnie Herzégovine, n'est pas fondée à soutenir que la décision du préfet de la Haute-Savoie du 7 avril 2006 fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
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N° 06LY01248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY01248
Date de la décision : 08/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : LEREIN AUDREY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-02-08;06ly01248 ?
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