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08/02/2007 | FRANCE | N°06LY00778

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 5ème chambre, 08 février 2007, 06LY00778


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 14 avril 006, présenté pour le PREFET DU RHONE, par Me Tomasi, avocat au barreau de Lyon ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601931 en date du 31 mars 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 28 mars 2006, ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mouloud X ainsi que sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destinatio

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Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 14 avril 006, présenté pour le PREFET DU RHONE, par Me Tomasi, avocat au barreau de Lyon ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601931 en date du 31 mars 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 28 mars 2006, ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mouloud X ainsi que sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite à la frontière et a mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre des frais exposés par le demandeur et non compris dans les dépens ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de M. X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;




Il soutient que le fondement juridique de l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux est régulier ; que M. X n'établit pas qu'il séjournerait de façon continue en France depuis 1999 et qu'en tout état de cause, ce séjour aurait été irrégulier ; qu'il ne remplit aucune des conditions pour bénéficier, de plein droit, d'un titre de séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé alternait travail illégal et période d'inactivité ; qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie et que ses allégations selon lesquelles il n'entretiendrait aucune relation avec les membres de sa famille restés dans son pays d'origine sont en contradiction avec ses propres déclarations concernant une visite récente en France de sa mère ; qu'il est célibataire et ne vit pas avec la ressortissante algérienne titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans qu'il aurait épousé religieusement mais dont il a déclaré ignorer l'adresse lors de son interpellation ; que la mesure d'éloignement litigieuse ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mai 2006, présenté pour M. Mouloud X, domicilié 19 rue Roposte à Lyon (69003), par Me Guidicelli, avocat au barreau de Lyon, qui conclut au rejet du recours du PREFET DU RHONE et demande la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Il soutient qu'il établit séjourner de façon continue en France depuis le 24 mars 1999 ; qu'il n'a plus de relations avec les membres de sa famille restés en Algérie ; qu'il est parfaitement intégré en France, pays dont il maîtrise la langue, où il n'a cessé de travailler et où il loue un appartement au titre duquel il paye la taxe d'habitation ; qu'il vit en concubinage, depuis plus d'un an, avec une ressortissante algérienne titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans qu'il a épousée religieusement le 31 mars 2005 et avec laquelle il projette de se marier civilement au mois d'août 2006, date à laquelle ils envisagent de faire résidence commune ; qu'il remplit les critères de la circulaire ministérielle du 12 mai 1998 modifiée le 19 décembre 2002 ; que la mesure d'éloignement prise à son encontre méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;




Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2007 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- les observations de M. Guinet, pour le préfet du Rhône ;

- et les conclusions de M. Pourny, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 23 février 2004, de la décision du PREFET DU RHONE du 16 février 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 28 mars 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DU RHONE, le 28 mars 2006, à l'encontre de M. X, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que cette mesure d'éloignement méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. X, âgé de trente-huit ans, est célibataire et sans enfant et n'est par dépourvu d'attaches familiales en Algérie où résident notamment sept de ses frères et soeurs ainsi que sa mère, avec laquelle il a conservé des relations, dès lors qu'il ressort de ses propres déclarations qu'elle lui a récemment rendu visite en France ; que s'il allègue vivre en concubinage depuis plus d'un an avec une ressortissante algérienne, titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans, qu'il envisagerait d'épouser au mois d'août 2006, il n'établit pas, en se bornant à produire une attestation de cette personne, l'existence d'une communauté de vie ni la réalité et le caractère stable et durable de cette relation, alors qu'il est par ailleurs constant que les intéressés ont des domiciles distincts ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X, tant devant le Tribunal administratif de Lyon que devant la Cour ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : «(…) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : / (…) 5) au ressortissant algérien (…) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus » ;

Considérant que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés ; que M. X ne peut donc utilement se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, la mesure d'éloignement prise à son encontre n'a pas méconnu les dispositions équivalentes du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que M. X ne saurait utilement se prévaloir des énonciations contenues dans les circulaires ministérielles du 12 mai 1998 et du 19 décembre 2002 qui sont dépourvues de caractère réglementaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 28 mars 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ainsi que, par voie de conséquence, sa décision distincte du même jour désignant l'Algérie comme pays de destination de cette reconduite et a mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. X, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens et, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X une somme quelconque au titre des frais exposés par le PREFET DU RHONE et non compris dans les dépens ;

DECIDE :


Article 1er : Le jugement du 31 mars 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon et le surplus de ses conclusions présenté devant la Cour sont rejetés.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du PREFET DU RHONE est rejeté.
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N° 06LY00778

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY00778
Date de la décision : 08/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : JEAN PAUL TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-02-08;06ly00778 ?
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