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24/10/2006 | FRANCE | N°06LY00591

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6eme chambre - formation a 3, 24 octobre 2006, 06LY00591


Vu, I, sous le n° 06LY00591, la requête, enregistrée le 21 mars 2006, présentée pour M. Z... , élisant domicile chez Me Isabelle Y...
X...
..., par Me Faure X... ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502083 du 25 novembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 10 novembre 2005 par laquelle le préfet du Cantal a fixé la Géorgie comme pays de destination de la reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler,

pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre...

Vu, I, sous le n° 06LY00591, la requête, enregistrée le 21 mars 2006, présentée pour M. Z... , élisant domicile chez Me Isabelle Y...
X...
..., par Me Faure X... ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502083 du 25 novembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 10 novembre 2005 par laquelle le préfet du Cantal a fixé la Géorgie comme pays de destination de la reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale, et à tout le moins de réexaminer sa situation dans un délai de 8 jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard en lui délivrant un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'il a personnellement exposés et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au profit de son conseil qui s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

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Vu les jugements et les décisions attaqués ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 octobre 2006 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de M. concernent la situation administrative d'un même ressortissant étranger ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens des requêtes ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'office statue sur les demandes d'asile dont il est saisi. (…) L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2º à 4º de l'article L. 741-4, ou qui se sont vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document. ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) ; 2º L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. (…) ; 3º La présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ; 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 dudit code : L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la commission des recours. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français. ; et qu'aux termes de l'article L. 742-6 : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Z... , de nationalité géorgienne, entré en France en décembre 2003, a vu sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 juin 2004, confirmée par une décision de la commission des recours des réfugiés du 27 juillet 2005 ; que par décision du 28 août 2005 le préfet du Cantal lui a refusé le séjour en France et l'a invité à quitter le territoire national dans le délai d'un mois ; que l'intéressé a demandé le 13 septembre 2005 le réexamen de sa demande d'asile ; que le préfet du Cantal, sans se prononcer explicitement sur l'admission au séjour de l'intéressé, a transmis à l'office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure prioritaire susmentionnée sa demande, sur laquelle l'office a pris une nouvelle décision de rejet le 23 septembre 2005 ; que M. a exercé un recours contre cette décision devant la commission des recours des réfugiés le 16 octobre 2005 ; que par les décisions litigieuses du 10 novembre 2005, le préfet du Cantal a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé son pays d'origine comme pays de destination ;

Considérant que le préfet du Cantal fait valoir que la demande de réexamen n'avait pas été présentée régulièrement par M. , qui ne se serait pas déplacé personnellement en préfecture, et ne tenait de ce fait aucun droit au maintien en France ; que, toutefois, il est constant que le préfet a transmis ladite demande à l'office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure prioritaire ; que, dans ces conditions, le préfet du Cantal doit être regardé comme ayant entendu refuser l'admission au séjour de l'intéressé pour l'un des motifs mentionnés aux 2º à 4º de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, d'une part, que si, devant la Cour, le préfet du Cantal soutient que la Géorgie figurant sur la liste des pays d'origine sûrs, il aurait pu légalement opposer à M. un refus d'admission provisoire au séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait nécessairement pris la même décision pour ce motif ;

Considérant, d'autre part, que le requérant s'est prévalu, à l'appui de sa demande de réexamen, de documents dont il n'est pas discuté qu'il les a reçus postérieurement à la première décision de la commission des recours des réfugiés ; que la production desdits documents a d'ailleurs conduit l'office français de protection des réfugiés et apatrides à lui opposer un refus tiré, non de l'absence de faits nouveaux depuis la précédente décision de la commission des recours des réfugiés, mais de ce qu'il n'établissait pas être en droit de bénéficier de la convention de Genève ; que, dans ces conditions sa nouvelle demande d'asile ne relevait pas, contrairement à ce que soutient le préfet du Cantal, des exceptions mentionnées au 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. tenait ainsi des dispositions rappelées ci-dessus, le droit à se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la commission des recours des réfugiés, qu'il avait saisie, ait statué sur son recours contre la décision de l'OFPRA en date du 23 septembre 2005 ; que dès lors le préfet du Cantal ne pouvait légalement décider, par l'arrêté litigieux du 10 novembre 2005, de le reconduire à la frontière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2005 par lequel le préfet du Cantal a décidé sa reconduite à la frontière ainsi que de la décision du même jour fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonctions :

Considérant qu'à la suite d'une annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. n'est pas fondé à demander qu'il soit enjoint au préfet du Cantal de lui délivrer un titre de séjour ; qu'en revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Cantal de délivrer à M. une autorisation provisoire de séjour, et de lui prescrire de se prononcer sur la situation de l'intéressé dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. , bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, ne justifie pas avoir personnellement exposé des frais, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ; que ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre de tels frais ne peuvent être accueillies ;

Considérant que l'avocat de M. demande sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, pour son propre compte, une telle condamnation ; que, l'Etat étant dans la présente instance la partie perdante, il y a lieu de faire droit à cette demande, sous réserve que Me Faure X... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements n° 0502082 et 0502083 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 25 novembre 2005 et les décisions du 10 novembre 2005 par lesquelles le préfet du Cantal a décidé la reconduite à la frontière de M. et a fixé le pays de destination, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Cantal de délivrer à M. une autorisation provisoire de séjour et de statuer sur la situation de l'intéressé dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Faure X..., en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Faure X... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. est rejeté.

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N° 06LY00591...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 06LY00591
Date de la décision : 24/10/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LORANT
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : FAURE CROMARIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-10-24;06ly00591 ?
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