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26/09/2006 | FRANCE | N°06LY00903

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique -1ère chambre, 26 septembre 2006, 06LY00903


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 3 mai 2006, présentée pour M. Abdelghani X, domicilié ..., par Me Frances, avocat au barreau de Grenoble ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601341 en date du 31 mars 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 14 mars 2006, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décis

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 3 mai 2006, présentée pour M. Abdelghani X, domicilié ..., par Me Frances, avocat au barreau de Grenoble ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601341 en date du 31 mars 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 14 mars 2006, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation administrative dans le délai de trente jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 900 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2006 :

- le rapport de M. Vialatte, président ;

- et les conclusions de M. Besson, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 23 août 2005, de la décision du préfet de l'Isère du 19 août 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 14 mars 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

Considérant que la décision du 19 août 2005 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à M. X un titre de séjour a été notifiée à l'intéressé le 23 août 2005 ; qu'elle comportait l'indication des voies et délais de recours et qu'il n'est pas établi ni même allégué qu'elle aurait fait l'objet d'un recours gracieux ou contentieux ; qu'elle est donc devenue définitive ; que, par suite, M. X n'est pas recevable à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la mesure d'éloignement prise à son encontre ;

Sur les autres moyens tirés de la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui est célibataire et sans enfant, est entré en France moins de quatre ans avant la date de la mesure d'éloignement contestée et qu'il n'établit pas ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans ; que s'il a poursuivi des études universitaires en France au cours des années 2002 à 2005, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces études auraient été poursuivies en 2006 ; que sa relation avec une ressortissante française qu'il aurait rencontrée au mois de mai 2004 est récente et qu'aucune vie maritale n'est établie ni même alléguée ; que si un dossier de mariage a été retiré à la mairie, à une date non précisée, il n'est pas établi ni même allégué qu'il aurait été déposé, à la date de la mesure d'éloignement contestée, laquelle ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme ayant pour objet ou pour effet de faire obstacle au projet de mariage du requérant ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour du requérant en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : «(…) le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (…) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (…) » et qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (…) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. » ;
Considérant que M. X n'établit pas, par les pièces médicales qu'il produit, que l'affection dermatologique dont il serait atteint nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'il ne pourrait bénéficier, en Algérie, d'un traitement médical approprié ; que s'il établit que les troubles psychiatriques dont il souffre nécessitent une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'affection psychiatrique dont il est atteint serait insusceptible de faire l'objet d'un traitement approprié en Algérie ; que, notamment, s'il expose que les médicaments qui lui sont administrés en France ne sont pas commercialisés en Algérie, où, au surplus, les molécules correspondantes ne seraient pas disponibles, il n'établit pas qu'il ne pourrait disposer dans ce pays d'un accès effectif à des médicaments équivalents à ceux qui lui sont prescrits et à des structures sanitaires aptes à lui prodiguer les soins que requiert son état de santé et, par suite, bénéficier, en Algérie, de soins adaptés aux maux dont il souffre ; que les éventuelles difficultés de prise en charge des dépenses médicales sont sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement ; que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent donc être écartés ;
Sur la décision distincte fixant le pays de destination

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;



Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant que si le requérant soutient qu'il a servi dans l'armée nationale populaire algérienne en tant que sous-lieutenant chargé de lutter contre les opérations des terroristes islamistes jusqu'en 1999 et qu'il a fait l'objet de menaces et de racket de la part de groupes islamistes, dont certains membres auraient été remis en liberté il y a quelques mois, les attestations qu'il produit, dont la plupart se bornent à reproduire les faits relatés par l'intéressé lui-même, ne peuvent suffire à établir la réalité des risques qu'il encourrait personnellement en cas de retour en Algérie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer la situation administrative de M. X doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. X, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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N° 06LY00903


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique -1ère chambre
Numéro d'arrêt : 06LY00903
Date de la décision : 26/09/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul VIALATTE
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : CLEMENTINE FRANCES ET AUDREY LEREIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-09-26;06ly00903 ?
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