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26/09/2006 | FRANCE | N°06LY00892

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique -1ère chambre, 26 septembre 2006, 06LY00892


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 2 mai 2006, présentée pour M. Redzep X et Mme Dzemilje X, domiciliés à ..., par Me Lerein, avocat au barreau de Grenoble ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601575-0601585 en date du 14 avril 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation, d'une part, des arrêtés du 17 mars 2006, par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a ordonné leur reconduite

à la frontière et, d'autre part, des décisions distinctes du même jour fixant...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 2 mai 2006, présentée pour M. Redzep X et Mme Dzemilje X, domiciliés à ..., par Me Lerein, avocat au barreau de Grenoble ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601575-0601585 en date du 14 avril 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation, d'une part, des arrêtés du 17 mars 2006, par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a ordonné leur reconduite à la frontière et, d'autre part, des décisions distinctes du même jour fixant le pays dont ils ont la nationalité comme destination des reconduites ;

2°) d'annuler les arrêtés et les décisions susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) de surseoir à statuer et de saisir pour avis sur la situation médicale de M. X le médecin inspecteur de santé publique ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer leur situation administrative et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de trente jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 900 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2006 :

- le rapport de M. Vialatte, président ;

- et les conclusions de M. Besson, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X, ressortissants de Serbie, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification des décisions du préfet de la Haute-Savoie du 8 février 2006 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date des arrêtés attaqués, le 17 mars 2006, ils étaient dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X sont entrés en France à l'âge de trente-six ans, moins de deux ans et demi avant la date des mesures d'éloignement contestées et que rien ne les empêche de repartir ensemble dans leur pays d'origine où ils ne sont pas dépourvus d'attaches familiales ; qu'il ressort du certificat médical du 3 mars 2006 produit, qu'à la date des décisions de reconduite à la frontière litigieuses, la prise en charge de Mme X par le service de gynécologie du centre hospitalier de la région annecienne, aux fins de dispense d'un traitement de lutte contre l'infertilité avait pris fin ; qu'il n'est pas établi qu'une nouvelle démarche, notamment auprès d'un centre de fécondation in vitro, aurait été engagée ni qu'une prise en charge appropriée ne pourrait être réalisée en Serbie où Mme X avait déjà été suivie pour ce problème d'infertilité ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour des requérants en France, nonobstant leurs possibilités d'intégration et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, les arrêtés contestés n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ils ont été pris ; qu'ils n'ont, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas davantage entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (…) » et qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : «Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (…) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. » ;

Considérant, en premier lieu, que le certificat médical établi le 17 mars 2006 qui est produit à l'appui des allégations de M. X et qui évoque un état pathologique nécessitant un complément d'examen et un avis spécialisé au centre hospitalier régional d'Annecy ne saurait être regardé comme un justificatif établissant avec précision la gravité de la pathologie dont souffrirait l'intéressé et l'impossibilité dans laquelle il se trouverait de suivre un éventuel traitement approprié dans son pays d'origine ; que le principe du secret médical ne saurait être utilement invoqué pour permettre au requérant d'échapper à l'obligation qui lui incombe d'apporter la preuve de ses allégations ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer et de demander la saisine pour avis du médecin inspecteur de santé publique, le moyen tiré de la méconnaissance, par le préfet de la Haute-Savoie, s'agissant de la situation de M. X, des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que si Mme X peut être regardée comme justifiant, par les pièces médicales qu'elle produit, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale, elle n'établit pas que le défaut d'une telle prise en charge aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier, en Serbie, d'un suivi et d'un traitement appropriés et ne pourrait pas voyager sans risque vers ce pays ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par le préfet de la Haute-Savoie, s'agissant de la situation de Mme X, des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
Sur la décision distincte fixant le pays de destination

Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et en particulier des décisions fixant le pays de renvoi que le préfet de la Haute-Savoie se serait senti lié par les décisions de rejet de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et celles de la commission des recours des réfugiés et n'aurait pas procédé à un examen préalable de la situation personnelle des intéressés ; que ces derniers ne sauraient, en tout état de cause, utilement se prévaloir des énonciations contenues dans la circulaire du 30 octobre 2004 du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales qui sont dépourvues de caractère réglementaire ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant qu'en se bornant à évoquer la situation générale d'insécurité qui règnerait en Serbie, notamment pour la population d'origine albanaise, les requérants n'apportent pas les précisions et justifications de nature à établir la réalité des risques auxquels ils seraient personnellement exposés en cas de retour dans leur pays d'origine ; que c'est, par suite, à bon droit que le premier juge, qui ne s'est pas senti lié par les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la commission des recours des réfugiés, a écarté le moyen tiré de la méconnaissance, par les décisions fixant le pays dont les requérants ont la nationalité comme destination des reconduites, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. et Mme X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer la situation administrative de M. et Mme X et de délivrer à ces derniers une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. et Mme X, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.
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N° 06LY00892


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique -1ère chambre
Numéro d'arrêt : 06LY00892
Date de la décision : 26/09/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul VIALATTE
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : LEREIN AUDREY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-09-26;06ly00892 ?
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