La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/09/2006 | FRANCE | N°06LY00888

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique -1ère chambre, 26 septembre 2006, 06LY00888


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 2 mai 2006, présentée pour M. Adem X, domicilié ..., par Me Grenier, avocat au barreau de Dijon ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600884 en date du 10 avril 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 28 mars 2006, par lequel le préfet de l'Yonne a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distinct

e du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la r...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 2 mai 2006, présentée pour M. Adem X, domicilié ..., par Me Grenier, avocat au barreau de Dijon ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600884 en date du 10 avril 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 28 mars 2006, par lequel le préfet de l'Yonne a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

--------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2006 :

- le rapport de M. Vialatte, président ;

- et les conclusions de M. Besson, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du 14 octobre 2005 du préfet de l'Yonne lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 28 mars 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision du 14 octobre 2005 de refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : « La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 dudit code : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée en France ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française (…) ; 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (…) 7°) A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories (…) qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d' autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus » et qu'aux termes de l'article L. 313-12 du même code : « (…) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision par laquelle le préfet de l'Yonne a refusé à M. X le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », la communauté de vie entre l'intéressé et son épouse française avait cessé et les allégations du requérant selon lesquelles il aurait alors continué de contribuer aux charges du ménage ne sont, en tout état de cause, pas justifiées par les pièces qu'il produit ; que le requérant ne pouvait donc prétendre au bénéfice des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 312 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur : «L'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari. Néanmoins, celui-ci pourra désavouer l'enfant en justice, s'il justifie de faits propres à démontrer qu'il ne peut en être le père. » ; qu'aux termes de l'article 313-1 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : « La présomption de paternité est écartée quand l'enfant, inscrit sans indication du nom du mari, n'a de possession d'état qu'à l'égard de la mère. » et qu'aux termes de l'article 313-2 dudit code, dans sa rédaction alors en vigueur : « Lorsque la présomption de paternité est écartée dans les conditions prévues aux articles précédents, la filiation de l'enfant est établie à l'égard de la mère comme s'il y avait eu désaveu admis en justice. Chacun des époux peut demander que les effets de la présomption de paternité soient rétablis, en justifiant que, dans la période légale de la conception, une réunion de fait a eu lieu entre eux, qui rend vraisemblable la paternité du mari. L'action est ouverte à l'enfant pendant les deux années qui suivent sa majorité. » ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'enfant de son épouse française qui a été conçu et est né pendant son mariage avec cette dernière a été inscrit à l'état civil sans l'indication du nom du requérant, lequel ne fait pas état d'une action ayant rétabli les effets de la présomption de paternité ; que la présomption de paternité doit donc être écartée, en application des dispositions précitées de l'article 313-1 du code civil ; que, par suite, le requérant ne pouvait, en tout état de cause, prétendre au bénéfice des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. X soutient qu'il a quitté la Turquie au cours de l'année 1996 et qu'après avoir séjourné en Allemagne, il est entré, en l'an 2000, en France, où vivent régulièrement, depuis l'année 1989, son père et depuis 2000, sa mère et ses frères et soeurs mineurs, qu'il travaille sur le territoire national depuis 2003 et vit maritalement, depuis le mois d'août 2005, avec une ressortissante française, veuve, mère d'une fille souffrant d'une insuffisance rénale et à laquelle il apporte un soutien affectif et psychologique, il n'est pas établi, d'une part, que l'ensemble de ses attaches familiales se situeraient sur le territoire national, trois de ses frères et soeurs, qui étaient déjà majeurs, n'ayant pas bénéficié du regroupement familial intervenu au cours de l'année 2000 et, d'autre part, que sa présence aux côtés de sa compagne française, par ailleurs mère de trois filles majeures, et avec laquelle il ne vivrait, en tout état de cause, maritalement que depuis deux mois à la date de la décision de refus de séjour litigieuse, serait indispensable à celle-ci ; que dans ces conditions, la décision du 14 octobre 2005 du préfet de l'Yonne n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision de refus de renouvellement de titre de séjour du 14 octobre 2005 du préfet de l'Yonne serait irrégulière faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour doit être écarté ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de l'exception d'illégalité de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté de reconduite contesté méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'il serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si le requérant soutient que sa vie serait menacée en cas de retour en Turquie où il aurait été victime de menaces et de racket de la part de séparatistes kurdes, agissements contre lesquels les autorités turques n'auraient pu le protéger, il n'apporte aucune précision ni justification au soutien de ses allégations susceptible d'établir la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; que le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision fixant la Turquie comme pays de destination de la reconduite, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut, par suite, qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. X, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
1

2
N° 06LY00888


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique -1ère chambre
Numéro d'arrêt : 06LY00888
Date de la décision : 26/09/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul VIALATTE
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-09-26;06ly00888 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award