Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 31 mars 2006, présentée pour M. Michel X, domicilié ...), par Me Calvet-Baridon, avocat au barreau de Lyon ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600463 en date du 7 février 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 20 janvier 2006, par lequel le préfet de la Loire a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;
2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2006 :
- le rapport de M. Vialatte, président ;
- les observations de Me Calvet-Baridon avocat de M. X ;
- et les conclusions de M. Besson, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) 6° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé (…)» ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant de la République Démocratique du Congo, entré en France le 27 juin 1998, a vu sa demande d'admission au statut de réfugié rejetée par la commission des recours des réfugiés le 20 mai 2005 ; qu'une invitation à quitter le territoire du 10 juin 2005 lui a été notifiée le 16 juin 2005 ; que, n'ayant pas obtempéré à cette invitation, il a fait l'objet, le 20 janvier 2006, d'un arrêté de reconduite à la frontière ; que si, en l'absence de décision de refus ou de retrait de titre de séjour, le préfet de la Loire ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer la reconduite à la frontière de M. X, c'est à bon droit que le premier juge a substitué d'office, comme fondement légal de l'arrêté de reconduite à la frontière contesté, les dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'à la date de l'intervention de la mesure d'éloignement, l'autorisation provisoire de séjour de M. X était expirée, que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver l'intéressé de garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une et l'autre des deux dispositions sus-rappelées ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort du jugement attaqué que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a répondu au moyen soulevé par M. X et tiré de ce qu'il se serait vu délivrer une autorisation provisoire de séjour par le préfet de la Loire, lors du dépôt, le 5 décembre 2005, de sa demande de titre de séjour ; qu'il suit de là que ledit jugement n'est pas entaché d'omission à statuer sur ce point ; que sa réponse n'est pas davantage entachée d'insuffisance de motivation ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories (…) qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus » et qu'aux termes de l'article 4 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié : « Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de carte de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise. (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le document qui a été délivré à M. X, le 5 décembre 2005, pour attester du dépôt de sa demande de carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ne saurait être regardé comme constituant un récépissé valant autorisation provisoire de séjour au sens des dispositions précitées de l'article 4 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié ; que M. X, qui est entré en France le 27 juin 1998 à l'âge de trente ans, qui est célibataire et sans enfant et qui n'établit ni la réalité ni l'ancienneté de la vie commune avec une ressortissante française qu'il allègue ni l'absence de toutes attaches familiales dans son pays d'origine, n'entrait pas dans la catégorie des étrangers visés par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni dans aucune autre catégorie d'étrangers devant se voir attribuer de plein droit un titre de séjour ; que, dès lors, la circonstance que le préfet de la Loire, qui n'avait pas obligation de surseoir à l'édiction d'un arrêté de reconduite à la frontière jusqu'à ce qu'il ait statué sur cette demande de titre de séjour, ne lui aurait pas délivré le récépissé prévu à l'article 4 précité du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié n'entache pas d'illégalité l'arrêté de reconduite à la frontière contesté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant que si M. X fait valoir qu'il résidait sur le territoire national depuis plus de sept ans à la date de la mesure d'éloignement contesté et qu'il y avait poursuivi des études universitaires, obtenant, en 2002, un diplôme d'études supérieures spécialisées actions de prévention sanitaires et sociales, l'existence et l'ancienneté de la vie maritale avec une ressortissante française alléguées ne sont pas démontrées et M. X, qui est célibataire et sans enfant et est entré en France à l'âge de trente ans, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision distincte fixant le pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;
Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ; qu'il appartient à l'administration d'apprécier les risques encourus par un étranger dans le pays vers lequel elle envisage de l'éloigner indépendamment des décisions prises à l'égard de l'intéressé par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, la commission des recours des réfugiés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi d'ailleurs que des décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la commission de recours des réfugiés des 4 avril 2001, 24 juillet 2002, 12 mai 2004 et 20 mai 2005, que M. X peut encore craindre d'être menacé en cas de retour dans la région du Kivu, à l'est de la République Démocratique du Congo ; que cependant les faits qui sont à l'origine de ces menaces datent de 1998 et se plaçaient dans un contexte de graves conflits dans cette région, alors que depuis la situation a évolué vers une normalisation ; que les affirmations de M. X concernant des représailles dont auraient été victimes des membres de sa famille ne sont pas établies ; que dans ces circonstances M. X n'établit pas être réellement menacé s'il s'établit dans une région de la République Démocratique du Congo autre que le Kivu ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2006 fixant la République Démocratique du Congo comme pays de destination de la reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les conclusions de M. X ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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N° 06LY00681