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28/07/2006 | FRANCE | N°06LY00577

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 28 juillet 2006, 06LY00577


Vu, I/ le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 mars 2006, sous le n° 06LY00577, présenté par le PREFET DE L'YONNE ;

Le PREFET DE L'YONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600474-0600475 en date du 21 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté du 8 février 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Agron X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif ;


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Vu, I/ le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 mars 2006, sous le n° 06LY00577, présenté par le PREFET DE L'YONNE ;

Le PREFET DE L'YONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600474-0600475 en date du 21 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté du 8 février 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Agron X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif ;

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Vu, II/ le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 mars 2006, sous le n° 06LY00578, présenté par le PREFET DE L'YONNE ;

Le PREFET DE L'YONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600474-0600475 en date du 21 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté du 8 février 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Mérita X ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juillet 2006 :

- le rapport de M. Chabanol, président de la Cour ;

- les observations de Me Rodrigues, avocat des époux X ;

- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;

Vu la note en délibéré présentée pour M. et Mme X ;


Considérant que les recours susvisés du PREFET DE L'YONNE sont dirigés contre un même jugement et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme X, de nationalité serbo-monténégrine, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 12 août 2005, des décisions du même jour du PREFET DE L'YONNE leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date des arrêtés ligieux, le 8 février 2006, ils étaient dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que pour annuler les arrêtés de reconduite à la frontière pris par le PREFET DE L'YONNE à l'encontre de M. et Mme X le 8 février 2006, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Dijon a jugé que ces mesures d'éloignement méconnaissaient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les intéressés, qui sont entrés irrégulièrement en France le 25 février 2003, sont les parents de cinq enfants, dont quatre sont scolarisés et le cinquième est né en France, que Mme X est enceinte de son sixième enfant et que les intéressés allèguent, sans contredit, que l'ensemble des membres de leur famille résident en France et qu'ils n'ont pas conservé d'attaches familiales au Kosovo ; qu'il ressort toutefois des pièces des dossiers que M. et Mme X sont arrivés sur le territoire national moins de trois ans avant la date des arrêtés de reconduite à la frontière pris à leur encontre et que rien ne fait obstacle à ce qu'ils repartent ensemble, accompagnés de leurs enfants mineurs, dans leur pays d'origine où quatre de leurs cinq enfants sont nés et où il n'est pas établi qu'ils n'auraient pas conservé des attaches familiales ; que si Mme X était enceinte de plus de six mois à la date des mesures d'éloignement, aucune des pièces médicales produites ne fait état d'une grossesse pathologique ou de risque d'accouchement prématuré et de l'impossibilité pour elle de supporter, à la date de la décision attaquée, un voyage sans danger pour sa grossesse ; que si M. X produit un certificat médical, établi d'ailleurs plus de deux mois après les mesures d'éloignement litigieuses, indiquant qu'il souffre d'anxiété et d'insomnies nécessitant un traitement et si le cinquième enfant des époux X, âgé de quatorze mois à la date des mesures d'éloignement, est d'une santé fragile et a dû faire l'objet de plusieurs hospitalisations pour bronchiolites et troubles digestifs, il ne ressort pas des pièces des dossiers que l'état de santé du père ou de son fils nécessitait, à la date des mesures de reconduite à la frontière, un suivi et des soins dont le défaut pouvait entraîner pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne pourraient être réalisés en Serbie-Monténégro ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de M. et Mme X en France, nonobstant la scolarisation, au demeurant peu avancée, des enfants du couple et la circonstance que la famille dispose d'un logement autonome et M. X d'une promesse d'embauche, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, les arrêtés litigieux n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ils ont été pris ; qu'ils n'ont, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Dijon a annulé, pour ce motif, les arrêtés litigieux ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. et Mme X, tant devant le Tribunal administratif de Dijon que devant la Cour ;

Considérant que pour les motifs précédemment exposés, le PREFET DE L'YONNE, dont il ressort des mentions des arrêtés de reconduite à la frontière litigieux qu'il a procédé à un examen préalable de la situation personnelle et familiale de M. et Mme X, n'a pas apprécié de manière manifestement erronée les conséquences que des mesures de reconduite à la frontière pouvaient avoir sur la situation personnelle des intéressés ;

Considérant que le moyen tiré des risques encourus dans le pays d'origine est inopérant à l'encontre des arrêtés de reconduite à la frontière, lesquels ne fixent pas le pays de destination des reconduites ;

Sur les décisions distinctes fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;


Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant qu'en se bornant, d'une part, à alléguer qu'ils auraient subi des persécutions dans leur pays d'origine du fait de leur appartenance à la communauté rom et qu'ils auraient notamment fait l'objet de violences et auraient été dépossédés de leur habitation qui aurait été pillée et brûlée et, d'autre part, à faire état de la situation générale de cette communauté au Kosovo et de ce que certains des membres de leur famille auraient obtenu le statut de réfugié, M. et Mme X, dont les demandes d'admission au statut de réfugié ont par ailleurs été rejetées, tant par l'office français de protection des réfugiés et apatrides que par la commission des recours des réfugiés, n'établissent pas la réalité des menaces et risques auxquels ils seraient personnellement exposés en cas de retour en Serbie-Monténégro ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, par suite, qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'YONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Dijon a annulé ses arrêtés du 8 février 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme X ;

Sur les conclusions de M. et Mme X aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE L'YONNE de délivrer à M. et Mme X une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer leur situation administrative doivent être rejetées ;






Sur les conclusions de M. et Mme X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. et Mme X, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;


DECIDE :


Article 1er : Le jugement du 21 février 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Dijon et le surplus de leurs conclusions devant la Cour sont rejetés.
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY00577
Date de la décision : 28/07/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Daniel CHABANOL
Rapporteur public ?: Mme VERLEY-CHEYNEL
Avocat(s) : SANDRINE RODRIGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-07-28;06ly00577 ?
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