Vu le recours, enregistré le 26 janvier 2006, présenté pour le PREFET DU RHONE, par Me Schmitt, avocat au barreau de Lyon ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0508625-0508626 du 27 décembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses arrêtés du 7 décembre 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Makhlouf X et de Mme Samira X et les décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination des mesures d'éloignement ;
2°) de rejeter les demandes présentées devant le Tribunal administratif par M. et Mme X ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juillet 2006 :
- le rapport de M. Chabanol, président de la Cour ;
- les observations de Me Schmitt, avocat du PREFET DU RHONE ;
- les observations de Me Bidault, avocat de M. et Mme X ;
- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3º Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…). » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X, entrés en France accompagnés de leurs deux enfants mineurs en décembre 2000 sous couvert d'un visa de 30 jours, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 15 octobre 2003, des décisions du PREFET DU RHONE du 14 octobre 2003 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'ils se trouvaient ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête ;
Considérant que si M. et Mme X font valoir que leur famille est parfaitement intégrée, que M. X bénéficie d'une promesse d'embauche, que leurs enfants sont régulièrement scolarisés et qu'ils vivent chez les parents de Mme X, il ressort cependant des pièces du dossier que les requérants ne sont pas dépourvus d'attaches familiales en Algérie où résident les parents, les trois frères et les quatre soeurs de M. X ainsi que les trois frères et les trois soeurs de Mme X ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour de M. et Mme X qui sont l'un et l'autre dépourvus de titre de séjour, et de ce que rien ne s'oppose à ce qu'ils repartent ensemble avec leurs enfants dans leur pays d'origine, les arrêtés litigieux n'ont pas porté au droit de M. et Mme X au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris, quelque digne d'intérêt que soit la situation de M. et Mme X ; que, dans ces conditions, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler les arrêtés litigieux ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X ;
Sur la légalité externe des arrêtés de reconduite à la frontière :
Considérant que les arrêtés attaqués, qui comportent l'indication des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement, sont suffisamment motivés ;
Sur le légalité interne des arrêtés de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que si les enfants de M. et Mme X nés en septembre 1998 et octobre 2001 sont scolarisés en France, il n'est pas établi ni même soutenu qu'ils ne pourraient pas l'être en Algérie ; que les époux X font tous deux l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, de sorte que rien ne s'oppose, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à ce qu'ils repartent avec leurs enfants dans leur pays d'origine ; qu'ainsi, les décisions contestées, qui n'auront pas pour effet de séparer M. et Mme X de leurs enfants, n'ont pas, compte tenu d'autre part du très jeune âge des enfants, méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention susmentionnée ;
Considérant, d'une part, que si M. et Mme X soutiennent qu'ils vivent chez les parents de Mme X et leur apportent un soutien indispensable compte tenu de leur âge et de leur état de santé, ils n'établissent cependant ni que leur présence est indispensable à leurs côtés, ni que l'une des soeurs de Mme X, résidant en France, est dans l'impossibilité de les assister ; que, d'autre part, si M. X produit un certificat médical qui atteste qu'il souffre de troubles anxio-dépressifs, il ne ressort pas de ce certificat et des autres pièces du dossier que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que, dans ces conditions, le PREFET DU RHONE n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité des conséquences de ses mesures sur la situation personnelle des intéressés ;
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination des mesures de reconduites à la frontière :
Considérant que si les requérants allèguent craindre pour leur sécurité en cas de retour en Algérie en raison des menaces dont M. X, alors agent de police, a fait l'objet de la part de groupes terroristes, les intéressés, dont les demandes d'asile territorial et les demandes d'admission au statut de réfugié ont d'ailleurs été rejetées, n'apportent cependant pas, au soutien de leurs allégations, de justification probante de nature à établir la réalité des risques auxquels ils seraient personnellement exposés en cas de retour dans leur pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de destination des reconduites seraient contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé les arrêtés susmentionnés du 7 décembre 2005 ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 27 décembre 2005 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Lyon sont rejetées.
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N° 06LY00197