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28/07/2006 | FRANCE | N°06LY00061

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 28 juillet 2006, 06LY00061


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 10 janvier 2006, présenté pour le PREFET DU RHONE, par Me Schmitt, avocat au barreau de Lyon ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0508018-0508020 en date du 9 décembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, d'une part, ses arrêtés du 21 novembre 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme Agrom X et, d'autre part, ses décisions distinctes du même jour fixant le p

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Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 10 janvier 2006, présenté pour le PREFET DU RHONE, par Me Schmitt, avocat au barreau de Lyon ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0508018-0508020 en date du 9 décembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, d'une part, ses arrêtés du 21 novembre 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme Agrom X et, d'autre part, ses décisions distinctes du même jour fixant le pays dont les intéressés ont la nationalité comme destination des reconduites ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juillet 2006 :

- le rapport de M. Chabanol, président ;

- les observations de Me Schmitt, avocat du PREFET DU RHONE ;
- les observations de Me Frery, avocat des époux X ;

- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité albanaise et Mme X, de nationalité moldave, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 17 août 2005 en ce qui concerne M. X et le 18 août 2005 en ce qui concerne Mme X, des décisions du PREFET DU RHONE du 9 août 2005 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date des arrêtés litigieux, le 21 novembre 2005, ils étaient dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que pour annuler les arrêtés ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme X, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon, après avoir relevé que les intéressés, dont les deux enfants sont nés sur le territoire national, parlent couramment le français et multiplient les démarches en vue de leur intégration, que M. X, qui fait l'objet d'un suivi médical régulier et rapproché en France, aurait été condamné à une peine privative de liberté en Albanie pour un crime qu'il n'aurait pas commis et qu'il risquerait d'être victime d'une vendetta et que Mme X, qui serait menacée en Moldavie, n'aurait plus de nouvelles de sa famille et est actuellement enceinte, s'est fondé sur le moyen tiré de ce que le PREFET DU RHONE aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences des mesures d'éloignement sur la situation personnelle des intéressés en raison des obstacles que rencontreraient ces derniers pour poursuivre leur vie familiale en Albanie ou en Moldavie ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier produites en première instance et non complétées devant la Cour et notamment de l'avis du 11 juillet 2005 du médecin inspecteur de santé publique, que l'état de santé de M. X ne pourrait faire l'objet d'un suivi médical approprié dans son pays d'origine et les intéressés n'apportent aucun justificatif susceptible d'étayer leurs allégations concernant les menaces et risques auxquels ils seraient personnellement exposés en cas de retour dans leur pays d'origine ; que, par suite, nonobstant les éventuelles capacités et volonté d'intégration des époux X, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, les arrêtés litigieux ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité moldave, est entrée en France le 26 juillet 2003 et que M. X, de nationalité albanaise, est arrivé sur le territoire national le 13 août 2003 ; qu'ils se sont mariés le 31 octobre 2003 et que deux enfants issus de cette union sont nés sur le territoire français le 2 novembre 2003 et le 23 avril 2005 ; qu'il ne ressort pas du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué que, nonobstant leur nationalité différente, M. et Mme X ne pourraient être légalement admissibles dans le même pays ; que, dans ces conditions, et en l'absence, ainsi qu'il vient d'être dit, d'obstacle avéré qui mettrait les époux X dans l'impossibilité de poursuivre leur vie familiale hors de France, les arrêtés litigieux n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis par ces décisions ; qu'ils n'ont ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (…) » ;

Considérant, ainsi qu'il a été énoncé ci-avant, que s'il ressort des pièces du dossier que l'état de santé M. X nécessite un suivi médical dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé n'établit pas qu'il ne pourrait, comme l'a relevé le médecin inspecteur de santé publique dans son avis du 11 juillet 2005, que les certificats médicaux produits par M. X en première instance ne permettent pas de remettre en cause, effectivement bénéficier d'une surveillance médicale appropriée dans son pays d'origine ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut, par suite, qu'être écarté ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-avant, que les allégations de M. et Mme X concernant les menaces et risques auxquels ils seraient personnellement exposés en cas de retour dans leur pays d'origine ne sont assorties d'aucune justification susceptible d'en établir la réalité ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses arrêtés ordonnant la reconduite à la frontière des intéressés et, par voie de conséquence, ses décisions fixant le pays de destination des reconduites ;

DECIDE :


Article 1er : Le jugement du 9 décembre 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.
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N° 06LY00061


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY00061
Date de la décision : 28/07/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: Mme VERLEY-CHEYNEL
Avocat(s) : DOMINIQUE SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-07-28;06ly00061 ?
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