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11/07/2006 | FRANCE | N°02LY01264

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6eme chambre - formation a 3, 11 juillet 2006, 02LY01264


Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 25 juin et 29 juillet 2002, présentés pour M. Yves X et Mme Marie -Thérèse X, domiciliés ..., Mme Sandrine X épouse Y, domiciliée ... et Mlle Isabelle X, domiciliée ..., par le cabinet Coubris ;

Les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9900717 du 28 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon à réparer les préjudices qu'ils ont subi en raison des conséquences dommageables de l'intervention chirur

gicale subie par M. Yves X le 14 septembre 1989 à l'hôpital neurologique et neu...

Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 25 juin et 29 juillet 2002, présentés pour M. Yves X et Mme Marie -Thérèse X, domiciliés ..., Mme Sandrine X épouse Y, domiciliée ... et Mlle Isabelle X, domiciliée ..., par le cabinet Coubris ;

Les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9900717 du 28 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon à réparer les préjudices qu'ils ont subi en raison des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale subie par M. Yves X le 14 septembre 1989 à l'hôpital neurologique et neurochirurgical Pierre Wertheimer de Lyon ;

2°) de condamner les Hospices civils de Lyon à verser respectivement à M. X, à son épouse et à chacune de ses deux filles les sommes de 124 398 euros, 30 498 euros et 15 244 euros avec intérêts à compter du recours introductif d'instance ;

3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon le paiement aux requérants de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les frais d'expertise ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2006 :

- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'un diagnostic de spondylolisthésis de la vertèbre lombaire L5 sur la vertèbre soudée du sacrum SI, émis en avril 1989, à la suite d'un accident du travail survenu en février 1988, M. Yves X a subi le 14 septembre 1989, à l'hôpital neurologique et neurochirurgical Pierre Wertheimer de Lyon, une intervention chirurgicale visant à l'obtention d'une décompression radiculaire et comportant notamment un encastrement en force entre les vertèbres de deux greffons à base de corail d'origine naturelle ; qu'après une deuxième intervention, en février 1990, nécessitée par une suppuration sous-cutanée, ces greffons ont été retirés, lors d'une troisième opération, le 15 mars 1990, en raison d'un défaut d'inclusion ; qu'à la suite de radiographies ultérieures montrant une progression de l'ostéolyse avec un affaissement du corps de la vertèbre L5, M. X a subi, le 4 décembre 1990, à la Clinique Sainte-Anne à Lyon, une nouvelle intervention visant à mettre en place un greffon osseux autogène prélevé au niveau de son tibia ; qu'il a enfin subi le 30 mars 1994 une autre intervention destinée à remédier à l'instabilité persistante de sa charnière lombosacrée, résultant d'une mauvaise position en cyphose de la vertèbre L5 ; que M. X, son épouse et ses deux filles ont recherché devant le Tribunal administratif de Lyon la responsabilité des Hospices civils de Lyon à raison des conséquences dommageables de l'intervention subie en avril 1989 ; que par le jugement attaqué, en date du 28 mai 2002, les premiers juges, estimant que cette responsabilité n'était pas engagée en l'absence de faute, ont rejeté leur demande, ainsi que les conclusions à fin de remboursement de ses débours présentées par la Caisse primaire d'assurance maladie de Lyon ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par les Hospices civils de Lyon :

Considérant, en premier lieu, que si la requête sommaire des consorts X, qui ont acquitté le droit de timbre alors prévu par l'article L. 411-1 du code de justice administrative, ne comportait pas toutes les indications exigées par les dispositions de l'article R. 411-1 du même code, les requérants ont produit dans le délai d'appel un mémoire ampliatif, enregistré le 29 juillet 2002, lequel comportait l'exposé détaillé des faits, moyens et conclusions, conformément à ces dispositions ; que par suite, la fin de non-recevoir opposée par les Hospices civils de Lyon à cette requête doit être écartée ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, relatif aux recours des caisses primaires d'assurance maladie en cas d'accident du travail occasionné par la faute d'un tiers à un assuré social : « Si la responsabilité du tiers auteur de l'accident est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément...» ; que l'article L. 455-2 du même code dispose : « Dans les cas prévus aux articles (…) L. 453-1 et L. 454-1, la victime ou ses ayants droit doivent appeler la caisse en déclaration de jugement commun ou réciproquement… » ;

Considérant que compte tenu, d'une part, du lien qu'établissent ces dispositions entre la détermination des droits de la victime et celle des droits de la caisse et, d'autre part, de l'obligation qu'elles instituent de mettre en cause la caisse de sécurité sociale à laquelle est affiliée la victime en tout état de la procédure afin de la mettre en mesure de poursuivre le remboursement de ses débours par l'auteur du dommage, une caisse régulièrement mise en cause en première instance mais qui n'a pas interjeté appel dans les délais de jugement rejetant aussi bien ses conclusions que celles de la victime tendant à la condamnation de l'auteur du dommage est néanmoins recevable à reprendre ses conclusions tendant au remboursement de ses frais, augmentés le cas échéant des prestations nouvelles servies depuis l'intervention du jugement de première instance, lorsque la victime a elle-même régulièrement exercé cette voie de recours ; qu'il suit de là que, contrairement à ce qui est soutenu en défense, la Caisse primaire d'assurance maladie de Lyon est recevable à demander, par un mémoire enregistré après l'expiration du délai d'appel, le remboursement des débours résultant pour elle de l'intervention subie par son assuré à la suite de l'accident du travail dont il a été victime ;

Sur la prescription quadriennale :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'état de M. X puisse être regardé comme consolidé avant le 1er janvier 1995 ; que dès lors, le délai de prescription quadriennale opposable aux intéressés, qui ne pouvait commencer à courir avant cette consolidation, n'était pas expiré le 15 février 1999 lorsque les consorts X ont saisi le Tribunal administratif de Lyon d'une demande à fin d'indemnité ;

Sur la responsabilité du service public hospitalier :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, le nouveau régime de responsabilité institué par les articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique s'applique aux accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés à compter du 5 septembre 2001, mais non aux procédures en cours relatives à des accidents médicaux qui, comme en l'espèce, sont consécutifs à des actes réalisés avant cette date ; que par suite, c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas fait d'office application de ce régime ;

Considérant cependant qu'il résulte de l'instruction, notamment des correspondances échangées entre les praticiens qui ont eu à connaître du cas de M. X, dont la teneur n'est pas contredite par le rapport de l'expert, que les complications qui ont suivi l'intervention chirurgicale du 14 septembre 1989 et qui se sont traduites, après une infection apparemment superficielle de la cicatrice opératoire, par le défaut d'inclusion des greffons en matériel inerte encastrés dans les vertèbres du patient, rendant nécessaires les interventions des 15 mars et 4 décembre 1990, ont été causées par une spondylodiscite infectieuse, sans doute associée à une réaction inflammatoire au matériel biocoral utilisé pour ces greffons ; que s'il n'est pas établi que le choix, pour une telle greffe, de ce matériel inerte aurait par lui-même fait courir au patient des risques inutiles, il résulte de l'instruction que M. X, qui n'était pas porteur de cette infection avant son entrée à l'hôpital Pierre Wertheimer, a été contaminé dans cet établissement à la suite de l'intervention subie le 14 septembre 1989 ; que le fait qu'une telle infection ait pu se produire révèle, alors même que toutes les précautions requises auraient été prises, une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier ; que les consorts X sont, dès lors, fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a écarté la responsabilité des Hospices civils de Lyon à raison des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale dont s'agit et à demander, par voie de conséquence, l'annulation de ce jugement ;

Sur la réparation due à M. X :

Considérant que si, après l'accident du travail dont il avait été victime en février 1988, M. X demeurait atteint de séquelles importantes, et notamment de douleurs vives dans les membres inférieurs, les complications survenues à la suite de l'intervention du 14 septembre 1989 ont entraîné une aggravation de cette incapacité permanente partielle que l'expert évalue à 7 % ; que si M. X ne peut se prévaloir d'une perte de revenus directement imputable à la faute du service public hospitalier, il sera fait une juste appréciation des troubles supplémentaires, de toute nature, qu'il a subis dans ses conditions d'existence, en raison notamment des nouvelles interventions chirurgicales qu'il a dû supporter du fait des complications initiales, en les évaluant à 30 000 euros ; que les souffrances physiques importantes et le préjudice esthétique très modéré directement imputables à la faute commise par le centre hospitalier peuvent être évalués à 13 000 euros ; qu'ainsi, la somme que les Hospices civils de Lyon doivent être condamnés à verser à M. X en réparation du préjudice supporté par ce dernier s'établit à 43 000 euros ;

Sur les droits de la Caisse primaire d'assurance maladie de Lyon :

Considérant que la Caisse primaire centrale d'assurance maladie de Lyon justifie de débours s'élevant à 40 269,72 euros au titre des indemnités journalières et frais médicaux, pharmaceutiques, et d'hospitalisation qu'elle a exposés entre le 13 mars 1990 et le 4 décembre 1991, en raison des complications survenues à la suite de l'intervention du 14 septembre 1989 ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner les Hospices civils de Lyon à verser à la caisse cette dernière somme, accompagnée des intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2002, date d'enregistrement de sa demande devant le Tribunal, ainsi que la somme de 760 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par le sixième alinéa de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur les préjudices personnels invoqués par l'épouse et les enfants de M. X :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence subis par l'épouse de M. X qui sont imputables à la faute du service public hospitalier en condamnant les Hospices civils de Lyon à lui verser une indemnité de 2 000 euros ;

Considérant, en revanche, que les enfants majeurs de M. X ne justifient à cet égard d'aucun préjudice personnel dont ils seraient fondés à demander réparation ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 000 francs (457,37 euros) à la charge des Hospices civils de Lyon ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Considérant qu' en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon, partie tenue aux dépens, le versement respectif à M. et Mme X d'une part, à la Caisse primaire d'assurance maladie de Lyon d'autre part, des sommes de 2 000 euros et 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Lyon en date du 28 mai 2002 est annulé.

Article 2 : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à verser respectivement à M. Yves X et à Mme Marie-Thérèse X les sommes de 43 000 euros et 2 000 euros.

Article 3 : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à verser à la Caisse primaire centrale d'assurance maladie de Lyon la somme de 40 269,72 euros, accompagnée des intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2002, ainsi qu'une somme de 760 euros.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée en référé sont mis à la charge des Hospices civils de Lyon.

Article 5 : Les Hospices civils de Lyon verseront respectivement à M. et Mme X d'une part, à la Caisse primaire d'assurance maladie de Lyon d'autre part, les sommes de 2 000 euros et 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 02LY01264


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02LY01264
Date de la décision : 11/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Joël BERTHOUD
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : CABINET COUBRIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-07-11;02ly01264 ?
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