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27/06/2006 | FRANCE | N°01LY02658

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 5, 27 juin 2006, 01LY02658


Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2001, présentée pour Mme Françoise X, domiciliée ..., représentée par son tuteur, M. Jean-Louis Y, par la SCP Audard-Schmitt et associés, avocats ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0001493-0002466 du 18 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes tendant :
- à l'annulation des décisions du directeur du centre hospitalier de Sens du 13 juillet 2000 de ne plus prendre en charge ses frais de séjour à la maison de retraite Les Vergers de la Co

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Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2001, présentée pour Mme Françoise X, domiciliée ..., représentée par son tuteur, M. Jean-Louis Y, par la SCP Audard-Schmitt et associés, avocats ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0001493-0002466 du 18 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes tendant :
- à l'annulation des décisions du directeur du centre hospitalier de Sens du 13 juillet 2000 de ne plus prendre en charge ses frais de séjour à la maison de retraite Les Vergers de la Coupée à Charnay-lès-Mâcon et exigeant qu'elle reverse les sommes payées à ce titre, du 3 juillet 1997 au 31 juillet 2000 ;
- à la décharge de la somme de 342 371,92 francs correspondant auxdits frais du 3 juillet 1997 au 31 juillet 2000, mise à sa charge par deux titres de recette émis le 24 juillet 2000 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées du directeur du centre hospitalier de Sens du 13 juillet 2000 et de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Sens à lui verser 8 000 francs, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 18 octobre 2005, fixant au 25 novembre 2005 la date de clôture de l'instruction ;

Vu l'ordonnance du 2 mars 2006 rouvrant l'instruction ;

Vu l'ordonnance du 23 mars 2006, fixant au 28 avril 2006 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le décret n° 47-1846 du 19 septembre 1947 ;

Vu le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 relatif au régime de retraite des tributaires de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;

Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2006 :

- le rapport de M. Clot, président-assesseur ;

- les observations de Me Curtil pour le centre hospitalier de Sens ;

- et les conclusions de M. Kolbert, commissaire du gouvernement ;


Considérant que Mme X, infirmière au centre hospitalier de Sens, a été victime le 31 décembre 1994 d'un accident de trajet ayant le caractère d'un accident de service, à la suite duquel elle reste atteinte d'une incapacité totale nécessitant l'assistance constante d'une tierce personne ; qu'elle a séjourné du 3 juillet 1997 au 28 février 2006, à la maison de retraite Les Vergers de la Coupée à Charnay-lès-Mâcon ; que le centre hospitalier de Sens a pris en charge les frais de son séjour dans cet établissement ; que par deux lettres n° 986 et 987 du 13 juillet 2000 adressées à M. Y en sa qualité de tuteur de Mme X, le directeur du centre hospitalier a décidé de cesser cette prise en charge et de demander le remboursement des sommes versées directement à la maison de retraite au titre des mois de juillet 1997 à juillet 2000 ; qu'il a émis à cette fin, le 24 juillet 2000, deux titres de recette d'un montant total de 342 371,92 francs ; que Mme X, représentée par M. Y, fait appel du jugement du 18 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation des décisions susmentionnées du 13 juillet 2000 et, d'autre part, à la décharge de la somme de 342 371,92 francs dont elle a été constituée débitrice ;

Sur la légalité de la décision n° 986 du 13 juillet 2000 :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : « Le fonctionnaire en activité a droit : (…) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (…) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (…) » ;

Considérant, d'autre part, qu'en vertu des articles 24 et 31 du décret du 9 septembre 1965 susvisé, alors en vigueur, les fonctionnaires hospitaliers qui se trouvent dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peuvent être radiés des cadres par anticipation et ont droit au versement d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services ; que selon l'article 28 du même texte, s'il est établi que l'agent est dans l'obligation d'avoir recours d'une manière constante à l'assistance d'une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie, il a droit à une majoration spéciale ; que ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'elles ne font cependant obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci ;



Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'accident survenu sur le trajet entre son domicile et son lieu de travail, dont elle a été victime le 31 décembre 1994, Mme X est atteinte de troubles qui entraînent un état de totale dépendance ; que par décision du directeur du centre hospitalier de Sens du 24 juin 1997, l'intéressée a été radiée des cadres et admise à faire valoir ses droits à pension de retraite pour invalidité, à compter du 19 janvier 1997 ; qu'outre cette pension, elle perçoit depuis cette date une rente viagère d'invalidité et la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne ; que cette dernière prestation est destinée à compenser les frais que nécessite l'état de dépendance de Mme X ; que l'accident susmentionné n'étant imputable ni à une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Sens, ni à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait, aucune disposition, notamment celles précitées de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, ni aucun principe, n'imposent à cet établissement public de prendre en charge les frais que l'intéressée a exposés pour son séjour à la maison de retraite Les Vergers de la Coupée ; que, par suite, le directeur de cet établissement a légalement refusé la prise en charge de ces frais par la décision en litige n° 986 du 13 juillet 2000 qui, n'ayant d'effet que pour l'avenir, ne porte retrait d'aucune décision créatrice de droits ;

Sur la légalité de la décision n° 987 du 13 juillet 2000 et le bien-fondé des titres de recette du 24 juillet 2000 :

Considérant qu'une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire, alors même que l'administration était tenue de refuser cet avantage ; que sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, celle-ci ne peut dès lors retirer sa décision explicite, hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, que dans le délai de quatre mois suivant son édiction ; que pour l'application de ces règles, doit être assimilée à une décision explicite accordant un avantage financier celle qui, sans avoir été formalisée, est révélée par des agissements ultérieurs ayant pour objet d'en assurer l'exécution ; qu'il en va notamment ainsi lorsqu'un avantage explicitement octroyé est ensuite maintenu sans décision formelle alors que les conditions auxquelles est subordonné son maintien ne sont plus remplies ; que dans ce cas, il y a lieu, pour faire courir le délai de retrait, de considérer que la décision a été prise le jour à compter duquel l'ordonnateur ne pouvait ignorer que ces conditions n'étaient plus remplies ; que ces règles ne font obstacle ni à la possibilité, pour l'administration, de demander à tout moment, sous réserve des prescriptions éventuelles, le reversement des sommes attribuées par suite d'une erreur dans la procédure de liquidation ou de paiement ou d'un retard dans l'exécution d'une décision de l'ordonnateur, ni à celle de supprimer pour l'avenir un avantage dont le maintien est subordonné à une condition dès lors que celle-ci n'est plus remplie ;

Considérant que la prise en charge par le centre hospitalier de Sens, chaque mois, de juillet 1997 à juillet 2000, des frais de séjour de Mme X à la maison de retraite Les Vergers de la Coupée, ne procède pas de simples erreurs de liquidations, mais de décisions du directeur de cet établissement, créatrices de droits pour l'intéressée ; que dès l'origine, les conditions requises pour cette prise en charge n'étaient pas remplies ; que, dès lors, le 13 juillet 2000, date de la décision du directeur du centre hospitalier n° 987 exigeant le reversement des sommes dont s'agit, seules pouvaient être retirées les décisions relatives à cette prise en charge intervenues depuis le 13 mars 2000 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision n° 987 du 13 juillet 2000 en tant qu'elle retire les décisions de prise en charge des frais de séjour antérieures au 13 mars 2000 et, d'autre part, à la décharge des sommes correspondantes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier de Sens une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : En tant qu'il a rejeté les conclusions des demandes de Mme X dirigées contre la décision du directeur du centre hospitalier de Sens n° 987 du 13 juillet 2000 en tant qu'elle retire les décisions de prise en charge de frais de séjour antérieures au 13 mars 2000 et tendant à la décharge des sommes correspondantes, le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 18 octobre 2001 est annulé.
Article 2 : La décision du directeur du centre hospitalier de Sens n° 987 du 13 juillet 2000 est annulée en tant qu'elle retire les décisions de prise en charge de frais de séjour antérieures au 13 mars 2000.
Article 3 : Mme X est déchargée des sommes mises à sa charge par les titres de recettes n° 4399 et 4400 émis par le directeur du centre hospitalier de Sens le 24 juillet 2000, à concurrence de celles qui correspondent aux décisions intervenues avant le 13 mars 2000, de prise en charge par cet établissement de ses frais de séjour.
Article 4 : Le centre hospitalier de Sens versera à Mme X la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.
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N° 01LY02658


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 01LY02658
Date de la décision : 27/06/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. KOLBERT
Avocat(s) : SCP AUDARD-SCHMITT ; AUDARD ; SCP AUDARD-SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-06-27;01ly02658 ?
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