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27/04/2006 | FRANCE | N°06LY00154

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 5ème chambre, 27 avril 2006, 06LY00154


Vu, I, sous le n° 06LY00154, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon les 20 janvier et 7 février 2006, présentés pour M. Ali X, domicilié ..., par Me Meziane, avocat au barreau d'Alger, domicilié chez Me Madignier, avocat au barreau de Lyon ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0508381-0508382 en date du 16 décembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d

'une part, de l'arrêté du 28 novembre 2005, par lequel le préfet du Rhône a ord...

Vu, I, sous le n° 06LY00154, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon les 20 janvier et 7 février 2006, présentés pour M. Ali X, domicilié ..., par Me Meziane, avocat au barreau d'Alger, domicilié chez Me Madignier, avocat au barreau de Lyon ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0508381-0508382 en date du 16 décembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 28 novembre 2005, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

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Vu, II, sous le n° 06LY00155, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon les 20 janvier et 8 février 2006, présentés pour Mme Souria épouse X, domiciliée ..., par Me Meziane, avocat au barreau d'Alger, domiciliée chez Me Madignier, avocat au barreau de Lyon ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0508381-0508382 en date du 16 décembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 28 novembre 2005, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale sur les droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 avril 2006 :

- le rapport de M. Bernault, président ;
- les observations de Me Meziane, avocat au barreau d'Alger pour M. et Mme X, et de M. Guinet représentant le préfet du Rhône ;

- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de M. et Mme X sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;


Sur la légalité des arrêtés de reconduite à la frontière :

En ce qui concerne leur légalité externe :

Considérant qu'il ressort des mentions des arrêtés de reconduite à la frontière du 28 novembre 2005, lesquels comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, que ces décisions sont suffisamment motivées ; que l'absence de mention de la nouvelle demande de titre de séjour formulée le 30 septembre 2005 est sans incidence et que si les requérants soutiennent que ces arrêtés seraient entachés d'une erreur de fait en raison de l'existence, pour Mme X, d'attaches familiales sur le territoire national, il ressort des pièces des dossiers, eu égard aux motifs qui les fondent, que le préfet du Rhône aurait en tout état de cause pris les mêmes décisions ;

Considérant que le préfet du Rhône, qui a notamment indiqué que compte tenu du caractère récent de l'entrée en France des intéressés et de l'absence d'attaches familiales suffisamment anciennes, intenses, réelles et stables sur le territoire, ces mesures d'éloignement ne méconnaissaient pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il ne lui avait pas paru justifié de régulariser leur situation à titre exceptionnel, a procédé à un examen préalable de la situation personnelle et familiale de M. et Mme X et n'a pas exclu la possibilité de régularisation de la situation administrative des intéressés ; qu'il n'a donc pas méconnu l'étendue de sa compétence ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les arrêtés de reconduite à la frontière en litige auraient été pris au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

En ce qui concerne leur légalité interne

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X, de nationalité algérienne, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification des décisions du préfet du Rhône du 16 avril 2003 en ce qui concerne Mme X et du 26 novembre 2003 en ce qui concerne M. X leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date des arrêtés attaqués, le 28 novembre 2005, ils étaient dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; que la circonstance que le 30 septembre 2005, les requérants ont déposé une nouvelle demande de titre de séjour n'obligeait pas le préfet à surseoir à l'édiction d'un arrêté de reconduite à la frontière jusqu'à ce qu'il ait statué sur cette nouvelle demande ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : « Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : / (…) 5) au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (…) » et qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (…) des tribunaux, des autorités administratives (…), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que si les requérants font valoir le caractère régulier de leur entrée en France, l'ancienneté de leur séjour sur le territoire national et leur intégration, la circonstance qu'ils disposent d'un logement et, en ce qui concerne M. X, d'une promesse d'embauche, la naissance en France, les 2 janvier 2002 et 17 février 2004, de leurs deux enfants qui pourraient, de ce fait, prétendre obtenir la nationalité française, la scolarité de l'aîné et les difficultés de vie et de scolarité auxquelles ces derniers seraient exposés en Algérie où Mme X serait dépourvue d'attaches familiales, l'ensemble des membres de sa famille, dont certains ont la nationalité française, vivant en France et son père étant un ancien combattant de l'armée française, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X, qui sont entrés en France respectivement le 3 juin 2002 et le 10 juillet 2001, ont vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq et de trente-deux ans en Algérie où M. X n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales ; que rien ne s'oppose à ce que les requérants, qui font tous deux l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, repartent avec leurs deux enfants mineurs en Algérie où ils pourront poursuivre leur vie familiale ; que la circonstance que les enfants du couple connaîtraient des conditions de vie et de scolarité plus difficiles en Algérie ne suffit pas à établir que l'intérêt supérieur des enfants n'aurait pas été pris en compte, en violation de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour des requérants en France et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, les arrêtés contestés n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ils ont été pris ; qu'ils n'ont ainsi méconnu, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que ces décisions ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du 31 octobre 2005 du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire qui sont dépourvues de caractère réglementaire ;


Sur les décisions distinctes fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si les requérants allèguent, d'une part, avoir fait l'objet, de la part de groupes terroristes, de menaces et de rackets dont les autorités algériennes ne pourraient les protéger et, d'autre part, que la situation sécuritaire de la région dont ils sont originaires serait précaire, ils n'assortissent leurs allégations d'aucune justification susceptible d'établir la réalité des menaces et risques auxquels ils seraient personnellement exposés en cas de retour dans leur pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales devra être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ;


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. et Mme X, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;


DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme X sont rejetées.
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY00154
Date de la décision : 27/04/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: Mme VERLEY-CHEYNEL
Avocat(s) : MEZIANE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-04-27;06ly00154 ?
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