Vu le recours, enregistré les 27 et 30 octobre 2000, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 012785 du Tribunal administratif de Grenoble du 8 juin 2000 accordant à la SA X... France une réduction et une décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société a été respectivement assujettie au titre des années 1990 et 1991 ;
2°) de remettre les impositions contestées à la charge de la SA X... France, respectivement au titre de chacune de ces années, à titre principal, sur des droits de 2 326 692 francs et de 1 659 704 francs ou, à titre subsidiaire, sur des droits de 2 326 692 francs et de 1 627 029 francs, avec les intérêts de retard y afférents ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention conclue entre la France et la Corée du Sud le 19 juin 1979, tendant à éviter les doubles impositions ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2006 :
- le rapport de M. Charlin, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Gimenez, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé la SA X... France des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1990 et 1991 ;
Considérant que, dans le dernier état de ses conclusions, le ministre limite sa demande de rétablissement des droits d'impôt sur les sociétés, auxquels la SA X... France a été assujettie au titre des années 1990 et 1991, à titre principal, à concurrence des sommes respectives de 2 142 200 francs et de 1 583 876 francs et, à titre subsidiaire en ce qui concerne la seule année 1991, à concurrence de la somme de 1 577 672 francs, majorées des intérêts de retard y afférents ;
Sur le crédit d'impôt attaché aux redevances perçues en 1991 d'une entreprise installée en Corée du Sud :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 de la convention conclue entre la France et la Corée du Sud le 19 juin 1979 : … 1. Les impôts actuels auxquels s'applique la Convention sont : a) En ce qui concerne la France : … ii) l'impôt sur les sociétés, y compris toutes retenues à la source, tous précomptes et avances décomptés sur les impôts visés ci-dessus … ; ; qu'aux termes du 1 de l'article 12 de la convention : Les redevances provenant d'un Etat et payées à un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet Etat. ; qu'enfin, l'article 23 précise que … La double imposition est évitée de la manière suivante : … 2. Dans le cas de la France : … b) les revenus visés aux articles 10, 11, 12, 13, 14, 16, 17 et 22 provenant de la Corée sont imposables en France. Les résidents de France ont droit à un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt coréen perçu sur ce revenu conformément aux dispositions de la présente Convention, mais qui ne peut excéder le montant de l'impôt français perçu sur ces revenus. Ce crédit est imputable sur les impôts visés à l'alinéa a) du paragraphe 1 de l'article 2 dans les bases d'imposition desquels les revenus en cause sont compris ; c) Aux fins de l'alinéa b) et en ce qui concerne les éléments de revenu traités dans les articles 10, 11 et 12, le montant de l'impôt coréen perçu est considéré comme égal à 20 p. 100 du montant brut de ces éléments de revenu ; d) Nonobstant les dispositions des alinéas a) et b), l'impôt français est calculé, sur les revenus imposables en France en vertu de la présente convention, au taux correspondant au total des revenus imposables d'après la législation française. ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en application des stipulations précitées de la convention conclue entre la France et la Corée du Sud, la SA X... France a perçu des redevances provenant d'une entreprise coréenne et lui donnant droit à un crédit d'impôt égal à 20 % de leur montant brut ; que la société détenait ainsi, au sens des dispositions précitées, une valeur d'actif d'égal montant, alors même que ce crédit d'impôt, imputable sur les droits d'impôt sur les sociétés dont elle était redevable en France à raison desdites redevances, ne pouvait excéder le montant de ces droits ; que, par suite, la cotisation d'impôt sur les sociétés due avant imputation devait être établie sur une base incluant le montant total du crédit d'impôt accordé à la SA X... France, nonobstant la circonstance qu'il aurait excédé celui de la retenue de 10 % pratiquée à la source ; qu'ainsi le montant du crédit d'impôt attaché aux redevances imposables à l'impôt sur les sociétés au taux de 18 % pour un montant rectifié de 1 614 000 francs était de 322 800 francs pour des droits dus à raison de ces redevances s'élevant à la somme de 329 004 francs ; que la société ayant effectivement imputé un crédit d'impôt de 1 841 918 francs et l'administration ayant procédé à un rappel de droits de 1 551 398 francs au titre de l'année 1991, c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble en a réduit le montant à la somme de 26 148 francs ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la SA X... France tant dans sa demande devant le Tribunal administratif de Grenoble que devant la Cour ; que, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la société ne peut utilement invoquer une doctrine relative à la convention franco brésilienne et publiée au paragraphe 9 du bulletin officiel de la direction générale des impôts 14 B-1-76 du 1er avril 1976 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander le rétablissement des droits dus au titre de l'année 1991 pour une somme de 5 866,85 euros (38 484 francs), majorée des intérêts de retard ;
Sur le crédit d'impôt recherche :
Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B : 1. Les entreprises industrielles et commerciales imposées d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 25 % de l'excédent des dépenses de recherche exposées au cours d'une année par rapport aux dépenses de même nature … exposées au cours de l'année précédente … ; qu'aux termes de l'article 220 B du même code : Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter B selon lequel, dans sa rédaction alors applicable : I Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle il a accru ses dépenses de recherche… ; qu'il résulte de ces dispositions que le crédit d'impôt pour dépenses de recherche dont bénéficie une entreprise ne peut correspondre qu'aux seules dépenses qu'elle a engagées et supportées pour son propre compte ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA X... France a constitué un pool de recherches avec trois autres sociétés étrangères, qui, selon le protocole d'accord du 2 janvier 1981, avait pour objet de mettre en commun la totalité de leurs installations et moyens de recherches intellectuels, humains et techniques pour favoriser la recherche et le développement dans le domaine de la fibre de renforcement ; qu'il est constant que le coût afférent à ces dépenses de recherche est partagé entre les quatre sociétés, selon des pourcentages définis en fonction notamment du chiffre d'affaires fibres réalisé par chacune d'entre elles ; que la société X... n'a ainsi effectivement eu à sa charge que 26,51 % et 26,16 % des dépenses engagées respectivement en 1990 et 1991 ; que, par suite c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a estimé que la SA X... France était en droit de prendre en compte, comme elle l'a fait, la totalité des dépenses engagées par les sociétés pour déterminer et déduire de l'impôt sur les sociétés auquel elle était assujettie au titre de ces deux années, le crédit d'impôt afférent à cette opération de recherche ;
Considérant qu'en l'absence de tout autre moyen invoqué par la SA X... France et susceptible d'être examiné par la Cour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander le rétablissement des droits en litige à hauteur des sommes de 326 576,28 euros (2 142 200 francs) pour 1990 et 235 593,49 euros (1 545 392 francs) pour 1991, majorés des intérêts de retard y afférents ;
DECIDE :
Article 1er : Les droits d'impôt sur les sociétés auxquels la SA X... France a été assujettie au titre des années 1990 et 1991 sont remis à sa charge, à hauteur des sommes de 326 576,28 euros et 241 460,34 euros, majorées des intérêts de retard y afférents.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 8 juin 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 00LY02349