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11/04/2006 | FRANCE | N°05LY01928

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 4ème chambre, 11 avril 2006, 05LY01928


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 12 décembre 2005, présentée pour le PREFET DU RHONE, par Me Schmitt, avocat au barreau de Lyon ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0507366 en date du 17 novembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, d'une part, son arrêté du 11 août 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ahmed Karim X et, d'autre part, sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'

intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) de...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 12 décembre 2005, présentée pour le PREFET DU RHONE, par Me Schmitt, avocat au barreau de Lyon ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0507366 en date du 17 novembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, d'une part, son arrêté du 11 août 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ahmed Karim X et, d'autre part, sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon ;
…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2006 :

- le rapport de M. Grabarsky, président ;

- les observations de Me Panet, avocat du PREFET DU RHONE, et de Me Prudhon, avocat de M. X ;

- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 4 septembre 2002, de la décision du PREFET DU RHONE du 3 septembre 2002 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 11 août 2005, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DU RHONE à l'encontre de M. X le 11 août 2005, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que cette mesure d'éloignement méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le centre des intérêts privés et familiaux de l'intéressé se trouvait en France où il résidait avec son épouse et ses trois enfants depuis près de six années ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que rien ne fait obstacle à ce que M. X, qui est entré en France à l'âge de trente-cinq ans, reparte dans son pays d'origine avec son épouse, qui fait elle aussi l'objet d'une mesure d'éloignement, et ses enfants mineurs qui pourront poursuivre leur scolarité en Algérie où résident notamment la mère et les deux soeurs de M. X ; que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X n'a, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que c'est, par suite, à tort, que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, l'arrêté litigieux ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Considérant, en premier lieu, que par arrêté du 26 mai 2005, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône du 30 mai 2005, M. Sébastien Jallet, sous-préfet chargé de mission auprès du préfet de la région Rhône-Alpes, PREFET DU RHONE, a reçu régulièrement délégation de signature du PREFET DU RHONE pour signer notamment les décisions de reconduite à la frontière, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bay, secrétaire général de la préfecture du Rhône ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté de reconduite à la frontière contesté doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (…) des tribunaux, des autorités administratives (…), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que la circonstance que les trois enfants de M. X sont bien intégrés en France où ils sont scolarisés ne suffit pas à établir que l'intérêt supérieur des enfants n'aurait pas été pris en compte dans la décision du PREFET DU RHONE ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que comme il l'a été indiqué ci-dessus, rien ne s'oppose à ce que M. X, dont l'épouse fait elle aussi l'objet d'une mesure d'éloignement, reparte dans son pays d'origine avec sa conjointe et ses enfants mineurs qui pourront poursuivre leur scolarité en Algérie où l'intéressé a conservé des liens familiaux ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le PREFET DU RHONE en ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ne peut qu'être écarté ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant que, par arrêté du 12 juillet 2005, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône du 13 juillet 2005, Mme Michèle Denis, directrice de la réglementation à la préfecture du Rhône, a reçu régulièrement délégation de signature du PREFET DU RHONE pour signer notamment les décisions fixant le pays de destination des reconduites à la frontière ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite à la frontière de M. X doit, par suite, être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 11 août 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ainsi que sa décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination de cette reconduite ;

Sur les conclusions incidentes de M. X aux fins d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions présentées en première instance par M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DU RHONE de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. X, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon en date du 17 novembre 2005 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.
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N° 05LY01928


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 05LY01928
Date de la décision : 11/04/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GRABARSKY
Rapporteur public ?: Mme VERLEY-CHEYNEL
Avocat(s) : DOMINIQUE SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-04-11;05ly01928 ?
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