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06/07/2005 | FRANCE | N°99LY01855

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5eme chambre - formation a 3, 06 juillet 2005, 99LY01855


Vu le recours, enregistré le 23 juin 1999, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

111 d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n 9000851-9300358-9301695 du 4 février 1999 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a, d'une part, déchargé M. X des compléments d'impôt sur le revenu auxquels l'intéressé avait été assujetti au titre des années 1988 à 1990 ainsi que des pénalités dont ils étaient assortis et, d'autre part, condamné l'Etat à verser au contribuable la somme de 5 000 francs au titre

des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

222 de rétablir M...

Vu le recours, enregistré le 23 juin 1999, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour :

111 d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n 9000851-9300358-9301695 du 4 février 1999 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a, d'une part, déchargé M. X des compléments d'impôt sur le revenu auxquels l'intéressé avait été assujetti au titre des années 1988 à 1990 ainsi que des pénalités dont ils étaient assortis et, d'autre part, condamné l'Etat à verser au contribuable la somme de 5 000 francs au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

222 de rétablir M. X aux rôles de l'impôt sur le revenu des années 1988 à 1990 ;

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M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de rejeter le recours du ministre ;

2°) de leur donner acte, si elle faisait droit au recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, « de leurs réserves quant à l'engagement d'un recours en responsabilité » contre l'Etat ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, ensemble le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

Vu l'acte constitutif de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (F.A.O.), en date du 16 octobre 1945 ;

Vu la convention du 13 février 1946 sur les privilèges et immunités des Nations Unies ;

Vu le décret n° 2001 ;931 du 10 octobre 2001 portant publication de la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées approuvée par l'assemblée générale des Nations unies le 21 novembre 1947 et la loi n° 2000-65 du 27 janvier 2000 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2005 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- les observations de Me Soula-Michal, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Pfauwadel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, qui exerce la profession de consultant en économie, a déclaré au titre des années 1988 à 1990, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, les recettes correspondant aux activités qu'il exerçait auprès d'entreprises privées ; qu'en revanche, estimant que sa qualité de fonctionnaire international l'exonérait d'imposition à raison des sommes que lui versait l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (F.A.O.) et le Fonds international de développement agricole (F.I.D.A.), l'intéressé a mentionné dans ses déclarations de revenu qu'il considérait les sommes en cause comme non imposables ; qu'après avoir primitivement imposé M. X à raison de ses seuls bénéfices non commerciaux, l'administration a fait connaître au contribuable par une notification de redressement datée du 6 août 1991, qu'elle entendait également l'imposer à raison des sommes, regardées comme des honoraires relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux, qui lui avaient été versées par la F.A.O. et le F.I.D.A. ; que, saisi du litige, le Tribunal administratif de Lyon a, par jugement du 4 février 1999, considéré que les sommes versées au contribuable par ces organisations internationales relevaient de la catégorie des traitements et salaires, prononcé par l'article 2 de ce jugement la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels l'intéressé avait été assujetti au titre des années 1988 à 1990 et, par l'article 3 du même jugement, condamné l'Etat à verser au contribuable la somme de 5 000 francs au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement en faisant valoir, à titre principal, que les sommes versées à M. X par la F.A.O. et le F.I.D.A. relevaient de la catégorie des bénéfices non commerciaux et, à titre subsidiaire, en demandant à la Cour, par substitution de base légale, d'admettre l'imposition des sommes en cause dans la catégorie des traitements et salaires ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X avait, de 1988 à 1990, auprès de la F.A.O. la qualité de consultant au sens de l'article 317 du chapitre III du « manuel » de ladite organisation ; qu'aux termes du point 13 de l'article 317, « dans la conduite des affaires de l'organisation, les consultants ne doivent solliciter ni accepter d'instructions d'aucun gouvernement ou d'aucune autorité extérieure à l'organisation. Ils doivent également s'abstenir de toute activité incompatible avec l'exercice de leurs fonctions dans l'organisation. Ils sont tenus à la plus grande discrétion sur toutes les questions officielles. (...) La cessation de service ne les dégage pas de ces obligations » ; qu'en application de ces dispositions, M. X a pris l'engagement d'«exercer en toute loyauté, discrétion et conscience les fonctions» qui lui étaient confiées par la F.A.O. et de s'acquitter de ces fonctions et de régler sa conduite « en ayant exclusivement en vue les intérêts de l'organisation, sans solliciter ni accepter d'instructions d'aucun gouvernement ou autre autorité extérieure à l'organisation, en ce qui concerne l'accomplissement» de ses devoirs ; que les attestations de service délivrées au contribuable au titre des années 1988 à 1990 par les services financiers de la F.A.O. rappellent que l'intéressé a été « employé par l'organisation (...) avec un statut qui lui a donné qualité pour figurer sur la liste des fonctionnaires soumise périodiquement aux gouvernements des Etats membres de l'organisation» ; que les points 61, 62 et 63 de l'article 317 envisagent, au sujet des consultants dont ils régissent la situation, les hypothèses de démission, de licenciement et de cessation d'emploi ; qu'il n'est pas contesté par l'administration fiscale que la rémunération de M. X était fixée selon une grille statutaire et non pas librement négociée ; qu'en outre, si les engagements des consultants au service de la F.A.O. sont conclus pour des périodes brèves, ceux-ci peuvent être renouvelés sans limitation de durée ; qu'il résulte de ce qui précède que, dans l'exercice de ses fonctions au service de la F.A.O., M. X ne disposait vis-vis de cette organisation d'aucune autonomie mais se trouvait placé dans une situation de subordination, caractérisant un travail salarié, nonobstant la qualification d'honoraires donnée aux sommes versées aux consultants par le point 3 de l'article 317 du « manuel » de l'organisation et le fait qu'ils n'aient pas droit à congé, qu'ils ne reçoivent aucune indemnité en cas de licenciement et ne participent pas à la caisse commune des pensions de l'organisation, toutes circonstances qui, si elles caractérisent la précarité des engagements, n'affectent pas le lien de subordination des consultants vis-à-vis de l'organisation ; que, par ailleurs, le ministre ne fait état d'aucun élément de fait qui permettrait de regarder la somme de 65 468 francs versée en 1988 par le F.I.D.A. à M. X comme relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a considéré que les sommes versées au contribuable par les organisations internationales au service desquelles il a exercé ses fonctions relevaient de la catégorie des traitements et salaires et non de celle des bénéfices non commerciaux ;

Considérant, toutefois, que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, qui est en droit, à tout moment de la procédure, de donner à des impositions contestées une nouvelle base légale qui les justifie, est, en l'espèce, à la fois recevable et fondé, dès lors qu il ne résulte pas de l'instruction que le contribuable serait privé des garanties attachées à la procédure de redressement contradictoire, à demander que soit substituée à la qualification de bénéfices non commerciaux donnée initialement par l'administration aux revenus de M. X celle de traitements et salaires ;

Considérant qu'il appartient, dans ces conditions, à la Cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens invoqués par M. X tant devant elle que devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté que M. X avait en France de 1988 à 1990 son foyer et son lieu de séjour principal ; que, par suite, sous réserve de l'application des conventions internationales, il est fiscalement domicilié en France et imposable comme tel sur l'ensemble de ses revenus ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X soutient que sa qualité de fonctionnaire international l'exonère d'imposition à raison des sommes que lui versaient la F.A.O. et le F.I.D.A. en application de l'acte constitutif de la F.A.O. du 16 octobre 1945, de la convention du 13 février 1946 sur les privilèges et immunités des Nations Unies, de la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées approuvée par l'assemblée générale des Nations unies le 21 novembre 1947 et des coutumes et principes reconnus par le droit international ;

Considérant toutefois, et en admettant même que la qualité de fonctionnaire international puisse être reconnue au contribuable, que l'acte constitutif de la F.A.O. du 16 octobre 1945 n'a pas fait l'objet d'une ratification par la France ; que la Convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées adoptée par l'assemblée générale des Nations Unies le 21 novembre 1947 n'a été approuvée que par la loi n° 2000-65 du 27 janvier 2000 et n'a été publiée que par le décret n° 2001 ;931 du 10 octobre 2001, qui a fixé la date d'entrée en vigueur de la convention au 2 août 2000, soit postérieurement au fait générateur des impositions en litige ; qu'en outre, la Convention du 13 février 1946 sur les privilèges et immunités des Nations Unies concerne les seuls personnels de l'Organisation des Nations-unies et non les personnels des institutions spécialisées rattachées à cette organisation ; qu'enfin ni la Constitution du 4 octobre 1958 ni le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ni aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République ne confère aux règles coutumières ou aux principes du droit international une autorité supérieure à celle de la loi ; que les requérants ne sauraient donc invoquer utilement ni les actes et conventions susmentionnés, ni un principe aux termes duquel les traitements et salaires des fonctionnaires internationaux devraient être exonérés de l'impôt sur le revenu français ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le contribuable serait soumis à une double imposition du fait de son assujettissement en France à l'impôt sur le revenu ;

Considérant, en quatrième lieu, que la décision interministérielle du 20 juillet 1994 concernant les fonctionnaires des institutions spécialisées des Nations-Unies et la lettre datée du 22 février 2001 adressée par la secrétaire d'Etat au budget à M. Michel Terrot, député, sont postérieures au dépôt des déclarations par le contribuable de ses revenus des années 1988 à 1990 ; que, par suite, celui-ci n'est pas fondé à se prévaloir de ces prises de position sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en cinquième lieu, que si l'administration fiscale doit être regardée comme ayant, par la lettre datée du 13 avril 1983 dans laquelle un inspecteur des impôts indiquait au contribuable que les sommes qu'il avait perçues de la F.A.O. en 1981 étaient exonérées d'impôt sur le revenu mais devaient être prises en compte pour l'application du mécanisme du taux effectif, exprimé une interprétation formelle de la loi fiscale au sens du 1° de l'article L. 80 B du même livre, il n'est pas contesté que, à l'occasion de l'envoi de la notification de redressement datée du 30 septembre 1988, antérieur au fait générateur ainsi qu'à la date de déclaration de l'impôt sur le revenu dû au titre de la même année, l'administration a, comme elle était en droit de le faire au vu de nouveaux éléments de fait et d'une nouvelle analyse de la situation fiscale du contribuable, renoncé expressément à cette interprétation ; que, par suite, le contribuable n'est plus fondé, à l'appui de sa contestation des impositions dues au titre des années 1988, 1989 et 1990, à se prévaloir de cette interprétation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a accordé à M. X la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels celui-ci a été assujetti au titre des années 1988 à 1990, à demander l'annulation de l'article 2 du jugement et la remise à la charge du contribuable des impositions résultant de la taxation, dans la catégorie des traitements et salaires, après prise en compte de la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels prévue au 3° de l'article 83 du code général des impôts et de l'abattement de 20 % prévu à l'article 158-5 du même code, des sommes versées à M. X par la F.A.O. et le F.I.D.A. de 1988 à 1990 ; qu'en revanche, le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 3 du jugement, par lequel le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser au contribuable la somme de 5 000 francs au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, dès lors que, au cours de l'instance qui s'est déroulée devant le tribunal administratif, l'administration fiscale avait prononcé le dégrèvement total des compléments d' impôt sur le revenu contestés par M. X au titre des années 1985 à 1987 et qu'aucune erreur d'appréciation ne saurait être reprochée aux premiers juges en ce qui concerne ces frais ;

Sur les conclusions de M. et Mme X tendant à ce que la Cour leur donne acte « de leurs réserves quant à l'engagement d'un recours en responsabilité » contre l'Etat :

Considérant qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt de donner acte de telles réserves ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. et Mme X la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Lyon en date du 4 février 1999 est annulé.

Article 2 : Les sommes versées à M. X par la F.A.O. et le F.I.D.A. de 1988 à 1990 seront imposées dans la catégorie des traitements et salaires.

Article 3 : Les compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme X ont été assujettis au titre des années 1988 à 1990 sont remis à leur charge par application des bases définies à l'article 2.

Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de M. et Mme X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 99LY01855


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99LY01855
Date de la décision : 06/07/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-07-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. - TRAITEMENTS, SALAIRES ET RENTES VIAGÈRES. - PERSONNES ET REVENUS IMPOSABLES. - RÉMUNÉRATION VERSÉE PAR UNE ORGANISATION INTERNATIONALE - CONDITIONS.

z19-04-02-07-01z La rémunération, fixée selon une grille statutaire et non pas librement négociée, versée par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (F.A.O.) à un consultant qui, s'étant engagé à s'acquitter de ses fonctions en ayant exclusivement en vue les intérêts de l'organisation, sans solliciter ni accepter d'instructions d'aucun gouvernement ou autre autorité extérieure à celle-ci, ne disposait vis-vis de cette organisation d'aucune autonomie mais se trouvait placé dans une situation de subordination, caractérise un travail salarié, nonobstant la qualification d'honoraires donnée aux sommes versées. Cette rémunération relève de la catégorie des traitements et salaires et non de celle des bénéfices non commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. PFAUWADEL
Avocat(s) : DEVERS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2005-07-06;99ly01855 ?
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