Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 décembre 2000, présentée pour M.Youcef X, domicilié ..., par Me Debray, avocat au barreau de Lyon ;
M. X demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n°9903995-9903992, en date du 17 octobre 2000, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté d'une part sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 5 août 1999 par laquelle le ministre de l'intérieur a abrogé l'arrêté d'assignation à résidence pris à son encontre le 27 février 1995 et d'autre part la décision en date du 30 septembre 1999 par laquelle le préfet du Rhône a fixé l'Algérie comme pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces deux décisions ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 6 000 francs en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret nº 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2005 :
- le rapport de Mme Déal, premier conseiller ;
- les observations de Me Debray, avocat de M. X ;
- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, ressortissant algérien, a fait l'objet le 27 février 1995 d'un arrêté ordonnant son expulsion du territoire français, pris sur le fondement de l'article 26-b de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée pour nécessité impérieuse pour la sécurité publique ; que, par un arrêté du même jour, le ministre de l'intérieur a ordonné son assignation à résidence en application de l'article 28 de la même ordonnance ; qu'à la suite d'agissements délictueux commis entre novembre 1997 et avril 1998, le ministre de l' intérieur a pris le 5 août 1999, un nouvel arrêté abrogeant la mesure d'assignation à résidence ; que, pour l'exécution de ce dernier arrêté, le préfet du Rhône a par une décision en date du 30 septembre 1999, fixé l'Algérie comme pays de destination ; que M. X fait appel du jugement, en date du 17 octobre 2000, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre et de la décision du préfet ;
Sur l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 5 août 1999 :
Considérant que l'abrogation d'un arrêté d'assignation à résidence ne saurait être regardée comme équivalant à une nouvelle mesure d'expulsion ; que la consultation de la commission spéciale, prévue à l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, et qui n'est rendue obligatoire qu'en cas d'expulsion ou d'abrogation d'un arrêté d'expulsion, n'avait donc pas à être opérée avant l'arrêté attaqué ; que, dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de consultation de cette commission est inopérant ;
Considérant que, lorsque le ministre abroge une décision d'assignation à résidence, il se livre à une nouvelle appréciation du comportement de l'intéressé au regard du danger que celui-ci continue à représenter pour l'ordre public ; que la légalité de cette décision au regard de la menace à l'ordre public mais aussi du droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé doit être appréciée en prenant en considération les seuls éléments nouveaux intervenus depuis l'arrêté d'expulsion ;
Considérant que l'arrêté litigieux est motivé par le comportement de M. X au cours des mois de novembre 1997 à avril 1998 et les faits d'infraction à la législation sur les stupéfiants commis à cette époque ; que ces faits dont l'exactitude n'est pas discutée sont de ceux dont le ministre de l'intérieur a pu légalement tenir compte, alors même qu'ils n'avaient pas été constatés par un jugement pénal, et qu'ils étaient de nature à établir que la présence du requérant sur le territoire français constituait toujours une menace pour l'ordre public ; qu'eu égard à la nature et au caractère répété de ces faits, le ministre de l'intérieur n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en abrogeant par l'arrêté attaqué l'arrêté d'assignation à résidence ;
Considérant il est vrai, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que, s'agissant de l'abrogation d'une mesure d'assignation à résidence, seules doivent être prises en compte les atteintes portées aux éléments de la vie familiale ou privée qui se sont développées après l'arrêté d'assignation, à l'exclusion de celles qui ont été affectées ou devaient normalement l'être par la mesure d'expulsion ;
Considérant que postérieurement à l'arrêté d'assignation à résidence, en date du 27 février 1995, M. X a épousé en seconde noce une française, mère de deux enfants français ; que l'arrêté d'abrogation de l'arrêté d'assignation à résidence pris à son encontre n'a pas, eu égard à la nature et à la gravité des faits répétés qui lui sont reprochés, porté au droit de l'intéressé au respect de cette vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant enfin qu'aux termes de l'article 6-3 c) de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Tout accusé a droit notamment à... se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ; que si M X soutient que l'arrêté attaqué ne lui a pas permis d'être personnellement présent pour présenter sa défense devant la Cour d'appel de Chambéry qui avait été saisie par le parquet du jugement du Tribunal de grande instance d'Albertville du 26 avril 1999 le condamnant à 3 ans d'emprisonnement pour les faits en cause, cette circonstance, qui ne pourrait être utilement invoquée qu'à l'appui d'une instance concernant la régularité de la procédure suivie devant le juge pénal, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; que par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 6-3 c de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Sur la décision du préfet du Rhône en date du 30 septembre 1999 fixant l'Algérie comme pays de destination :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une lettre en date du 30 septembre 1999, M. X a formulé des observations écrites en réponse au courrier du préfet du Rhône l'informant de ce qu'il envisageait de mettre à exécution l'arrêté ministériel d'expulsion en date du 27 février 1995 et de fixer le pays dont le requérant a la nationalité comme pays de destination ; que dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 relatives à la procédure contradictoire préalable à l'intervention des décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 manque en fait et doit être écarté ;
Considérant que, compte tenu de la situation familiale de M. X, la décision fixant le pays de destination n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'eu égard à la portée de la décision fixant le pays de destination, M. X ne peut utilement se prévaloir à son encontre de la violation des stipulations de l'article 6-3 c de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes ;
Sur les frais exposés non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, désormais reprises à l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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N° 00LY02677