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30/06/2005 | FRANCE | N°00LY01591

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4eme chambre - formation a 5, 30 juin 2005, 00LY01591


Vu le recours enregistré au greffe de la Cour le 18 juillet 2000 présenté par le MINISTRE DE LA JUSTICE ;

Le MINISTRE DE LA JUSTICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99412 du 2 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision implicite et la décision du 24 mars 1999 du directeur régional des services pénitentiaires de Dijon refusant d'autoriser, en l'état, la transmission pour publication d'un rapport de 15 pages rédigé par M. X, détenu à la maison d'arrêt de Nevers, ainsi que le rejet du recours gracieux présenté par M

. X ;

2°) de rejeter la demande d'annulation présentée par M. X devant le Tri...

Vu le recours enregistré au greffe de la Cour le 18 juillet 2000 présenté par le MINISTRE DE LA JUSTICE ;

Le MINISTRE DE LA JUSTICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99412 du 2 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision implicite et la décision du 24 mars 1999 du directeur régional des services pénitentiaires de Dijon refusant d'autoriser, en l'état, la transmission pour publication d'un rapport de 15 pages rédigé par M. X, détenu à la maison d'arrêt de Nevers, ainsi que le rejet du recours gracieux présenté par M. X ;

2°) de rejeter la demande d'annulation présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Dijon contre lesdites décisions ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Vu la loi n° 83-634 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le décret n° 64-754 du 25 juillet 1964 relatif à l'organisation du ministère de la justice, modifié notamment par l'article n° 96-27 du 15 janvier 1996 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2005 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, alors incarcéré à la maison d'arrêt de Nevers, ayant rédigé un rapport dénonçant les vexations et mauvais traitements qu'il estime avoir subis au cours de sa détention, a demandé l'autorisation de faire publier ce document par l'observatoire international des prisons ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision par laquelle le directeur régional des services pénitentiaires de Bourgogne lui a opposé un refus en raison de l'insertion de passages injurieux à l'égard de l'administration et de certains de ses agents ;

Sur la recevabilité du recours :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 117 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable : « (…) Les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat. » ;

Considérant que par arrêté du 26 juin 1998 régulièrement publié au journal officiel le 28 juin 1998, M. Jean-Marie a reçu délégation pour signer au nom du garde des sceaux, ministre de la justice, tous actes ressortissant à ses attributions ; que le décret du 25 juillet 1964 modifié ayant intégré le bureau des affaires juridiques et du contentieux au sein de la direction de l'administration générale et de l'équipement du ministère de la justice, M. Jean-Marie , responsable de cette direction, n'a pas méconnu les limites de sa délégation en signant le présent recours au nom du garde des sceaux ; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée par M. X doit être écartée ;

Sur le fond du litige :

Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1°) Toute personne a droit au respect (…) de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (…) à la sûreté publique,(…) à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ; qu'aux termes de l'article 10 de la même convention : « 1°) Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté (…) de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir d'ingérence d'autorités publiques. (…) 2°) L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique,(…) à la sûreté publique, à la défense de l'ordre, à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. » ; que, d'autre part, aux termes de l'article D. 444-1 du code de procédure pénale : « La sortie des écrits faits par un détenu en vue de leur publication ou de leur divulgation, sous quelque forme que ce soit, est autorisée par décision du directeur régional des services pénitentiaires territorialement compétent (…). » ;

Considérant que si l'article D. 444-1 précité du code de procédure pénale qui restreint la liberté d'expression des détenus se borne à soumettre les projets de publication à autorisation administrative préalable sans définir les critères d'exercice de cette compétence, l'énonciation des motifs en vertu desquels le directeur régional de l'administration pénitentiaire peut interdire la divulgation des écrits rédigés en milieu carcéral résulte de la combinaison de l'article 27 de la loi du 29 juillet 1881 réprimant la publication de propos injurieux et outrageants, de l'article D. 249-3 du code de procédure pénale faisant interdiction aux détenus de divulguer de tels propos et de l'article 10 de la loi du 13 juillet 1983 relatif à la protection des fonctionnaires contre les injures, diffamations et outrages ; qu'ainsi les textes de droit interne qui, en la matière, ne sauraient se limiter aux dispositions de l'article D. 444-1 du code de procédure pénale, définissent avec une précision suffisante les motifs pour lesquels l'autorité publique peut restreindre l'exercice de la liberté d'expression en milieu carcéral afin de prévenir les atteintes à la réputation d'autrui, notamment de ses agents, au sens des articles 8 et 10 précités de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, dès lors, que le ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les décisions de refus d'autorisation de publication opposées à M. X par le directeur régional de l'administration pénitentiaire de Bourgogne, le Tribunal administratif de Dijon a, par le jugement attaqué, écarté l'application de l'article D. 444-1 du code de procédure pénale en regardant ses dispositions comme non conformes aux stipulations précitées de la convention susmentionnée ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen articulé par M. X devant le tribunal administratif ;

Considérant que le deuxième paragraphe de la page 3, les deuxième et troisième paragraphes de la page 4, le quatrième paragraphe de la page 5, le deuxième paragraphe de la page 7, le troisième paragraphe de la page 8, le premier paragraphe de la page 9 et de la page 10 ainsi que le dernier paragraphe de la page 11 du rapport rédigé par M. X, s'ils sont dépourvus de menaces, contiennent de graves accusations ou des propos injurieux visant certains agents de l'administration pénitentiaire ou de l'institution judiciaire ; que ces écrits étant ainsi susceptibles de porter atteinte à l'honorabilité des personnes ou services concernés, c'est à bon droit que, sur le fondement des dispositions sus analysées, le directeur régional de l'administration pénitentiaire de Bourgogne a subordonné l'autorisation d'une publication à la suppression des passages désignés plus haut ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, d'une part, d'annuler le jugement par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du directeur régional des services pénitentiaires de Bourgogne refusant d'autoriser la publication du rapport dont s'agit, d'autre part, de rejeter les demandes d'annulation présentées par M. X contre cette décision ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon en date du 2 mai 2000 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Dijon est rejetée.

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N° 00LY01591


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4eme chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 00LY01591
Date de la décision : 30/06/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CHABANOL
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: M. BESLE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2005-06-30;00ly01591 ?
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