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02/12/2004 | FRANCE | N°98LY00467

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 02 décembre 2004, 98LY00467


Vu la requête, enregistrée le 23 mars 1998, présentée pour la SARL ORTHOMED dont le siège social est 256 rue des Vignes Dardelain à Marsannay la Côte (21160), par Me Planchat, avocat au barreau de Paris ;

La SARL ORTHOMED demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 952123 et 952124 du Tribunal administratif de Dijon en date du 6 janvier 1998 rejetant ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle reste assujettie au titre des années 1989 et 1990 et des droits supplémentaires

de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes dont elle reste red...

Vu la requête, enregistrée le 23 mars 1998, présentée pour la SARL ORTHOMED dont le siège social est 256 rue des Vignes Dardelain à Marsannay la Côte (21160), par Me Planchat, avocat au barreau de Paris ;

La SARL ORTHOMED demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 952123 et 952124 du Tribunal administratif de Dijon en date du 6 janvier 1998 rejetant ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle reste assujettie au titre des années 1989 et 1990 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes dont elle reste redevable au titre de la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1990 ;

2°) de lui accorder les décharges demandées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 60 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

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CNIJ : 19-01-03-01-02-03

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2004 :

- le rapport de M. Charlin, premier conseiller ;

- les observations de Me Planchat, avocat de la société requérante ;

- et les conclusions de M. Gimenez, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions du ministre tendant à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement attaqué :

Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE s'est désisté de ses conclusions d'appel incident tendant à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement réduisant de 442 519 francs les bénéfices industriels et commerciaux de la SARL ORTHOMED imposables au titre de l'année 1990 et lui accordant une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes de 183 380 francs ; que rien ne s'oppose à ce qu'il soit donné acte de ce désistement pur et simple ;

Sur la requête de la SARL ORTHOMED :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

Considérant que par une décision du 10 mars 2000 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional de Bourgogne a prononcé la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités, soit 38 804 francs, dont la SARL ORTHOMED restait redevable au titre de la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1990 ; que les conclusions de la requête relatives à ces droits et pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

En ce qui concerne le surplus des conclusions en décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés restant en litige :

S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que, d'une part, il résulte des dispositions des articles 4 et 6 de la loi du 31 décembre 1971 que, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires excluant l'application d'un tel principe dans les cas particuliers qu'elles déterminent, les avocats ont qualité pour représenter leurs clients devant les administrations publiques sans avoir à justifier du mandat qu'ils sont réputés avoir reçu de ces derniers dès lors qu'ils déclarent agir pour leur compte, et qu'aucune disposition législative ou réglementaire applicable au déroulement de la procédure d'imposition ne subordonne la possibilité pour un avocat de représenter un contribuable à la justification du mandat qu'il a reçu ; que, d'autre part, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, afin que l'intéressé ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par deux demandes des 28 et 29 juillet 1993 adressées avant la mise en recouvrement des impositions en litige, l'avocat de la SARL ORTHOMED, qui conçoit et fabrique du matériel chirurgical, a demandé que lui soient communiqués les documents auxquels la notification de redressement du 12 août 1992 faisait référence et qui concernaient d'une part, diverses informations ayant permis au vérificateur de chiffrer à 195 le nombre des prothèses ligamentaires manquantes et qui avaient été recueillies soit auprès de la police judiciaire, soit auprès du laboratoire Caric, d'autre part, une lettre du 27 novembre 1989 justifiant l'insuffisance du prix pratiqué lors de la vente de ligaments à un centre d'orthopédie exerçant son activité à Honolulu, et, enfin, une autre lettre du 24 octobre 1991 émanant d'un tiers, M. X, attestant avoir perçu pour le compte du gérant de la SARL ORTHOMED les commissions de 40% portées sur les factures de matériel médical vendu à la société Wordltec International Co Ltd ; que l'administration n'a donné aucune suite à ces demandes régulièrement formulées par l'avocat de la société qui, ainsi qu'il vient d'être dit, n'avait pas à justifier d'un mandat, et portant sur des documents effectivement utilisés pour procéder aux redressements en litige ; que la circonstance que ces trois redressements aient été acceptés par la société requérante dans sa réponse du 11 septembre 1992, ne pouvait s'opposer à l'obligation de transmettre ces documents ; que les droits correspondant à ces réintégrations ayant été ainsi mis en recouvrement à la suite d'une procédure d'imposition irrégulière, la société est, par suite, fondée à demander une réduction des bénéfices industriels et commerciaux imposables au titre des années 1989 et 1990 respectivement de 129 540 francs et de 521 480 francs ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L 10 du livre des procédures fiscales, « Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L 12 et L 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. » ;

Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, la SARL ORTHOMED se prévaut du paragraphe 5 du chapitre III de la Charte du contribuable intitulé Que pouvez-vous faire en cas de désaccord avec le vérificateur ' et aux termes duquel si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent (...) être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal (...) ; que seuls les redressements notifiés selon la procédure contradictoire et pour lesquels un différend persiste avec le vérificateur peuvent bénéficier de cette garantie de procédure ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté par la SARL ORTHOMED qu'en réponse à la notification de redressement du 12 août 1992, M Y, le gérant de cette société, a adressé au vérificateur, le 11 septembre 1992, une lettre dans laquelle il acceptait tous les redressements restant en litige en appel ; qu'ainsi, aucun désaccord ne subsistait avec le vérificateur et n'était donc susceptible d'être examiné par l'inspecteur principal ; qu'il suit de là que le moyen par lequel la société requérante soutient que la procédure d'imposition a été viciée, faute pour l'administration d'avoir donné suite à la demande de saisine de l'inspecteur principal, doit être écarté ;

S'agissant de la charge de la preuve et du bien fondé des impositions :

Considérant que la SARL ORTHOMED ayant accepté l'ensemble des redressements restant en litige, il lui appartient, en application des dispositions de l'article R.* 194-1 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions en résultant ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que les prêts sans intérêts accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en renonçant à percevoir une rémunération l'entreprise a agi dans son propre intérêt ;

Considérant que la SARL ORTHOMED a consenti un prêt sans intérêt de 200 000 francs à l'entreprise MONTGREVILLE et a accepté la réintégration dans les bénéfices réalisés au titre des années 1989 et 1990 des produits financiers qu'elle avait renoncé à percevoir, pour des montants respectifs de 17 407 francs et 18 720 francs, calculés à sa demande sur la base du taux de l'intérêt légal ; que si la société fait valoir que les relations d'affaires nouées avec ce fournisseur étaient de nature à justifier l'octroi d'un tel avantage, elle ne fournit aucune donnée permettant d'apprécier la réalité et la consistance de son intérêt commercial, et n'apporte ainsi pas la preuve dont elle a la charge, de la contrepartie qu'elle pouvait tirer pour elle-même de l'abandon de ces intérêts ; qu'elle n'établit pas, non plus, que le taux de l'intérêt légal retenu serait supérieur à celui qu'elle aurait pu normalement obtenir d'un établissement financier auprès duquel elle aurait placé, à la même époque et dans des conditions analogues, une somme d'un montant équivalent ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en vertu de l'article 209 pour la détermination des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés, le bénéfice net est établi sous déduction, notamment, des frais généraux de toute nature ; que la déduction de tels frais n'est cependant admise que s'ils ont été engagés dans l'intérêt de l'entreprise ;

Considérant que la société requérante ne justifie pas que la prise en charge, au cours des exercices clos en 1989 et 1990, de frais correspondant à des voyages à l'étranger exposés par Mmes Z, A et B, toutes personnes n'exerçant aucune fonction dans l'entreprise, au coût d'utilisation d'un véhicule prêté à la fille du gérant, au salaire d'un employé utilisé pour les besoins d'un déménagement personnel de celui-ci, enfin à la mise à la disposition de M. B d'une secrétaire et d'un ordinateur a été faite dans l'intérêt de son exploitation ; que, si la société soutient que ces sommes devaient être regardées comme constituant des suppléments de rémunération versés au profit de M. Z, gérant de la société, et déductibles à ce titre de ses résultats, il est constant, d'une part, que la plupart de ces avantages en nature n'ont pas été accordés au profit de l'intéressé lui-même, d'autre part, que comme la société le reconnaît elle-même dans ses écritures d'appel, ces avantages n'ont pas été comptabilisés comme tels au nom du gérant, en méconnaissance des dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts ; qu'ils constituaient alors, au sens du c de l'article 111 du code général des impôts, des revenus distribués et, pour cette raison, ne pouvaient qu'être exclus des charges déductibles pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ; qu'enfin, la circonstance alléguée que ces dépenses auraient été remboursées au cours d'un exercice postérieur par M. Z lui-même est sans incidence sur le bien-fondé des redressements en litige ;

Considérant, également, que la SARL ORTHOMED a déduit de ses bénéfices industriels et commerciaux des années 1989 et 1990 les frais d'inscription versés à l'Institut national de la protection industrielle pour des brevets appartenant à M. Z et M. B et qu'elle exploite moyennant le versement aux inventeurs d'une redevance ; qu'en se bornant à soutenir qu'elle tire profit de l'exploitation de ces brevets, sans même préciser les brevets exploités, les conditions juridiques et financières de leur concession ainsi que les dates de début de leur exploitation, la société requérante ne démontre pas que les frais de dépôts y afférents auraient été exposés dans l'intérêt de l'entreprise ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL ORTHOMED est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté ses conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés restant en litige, à concurrence des réductions en base de 129 540 francs pour 1989 et de 521 480 francs pour 1990 ;

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés en appel et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à la SARL ORTHOMED une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions du recours incident du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE tendant à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Dijon en date du 6 janvier 1998.

Article 2 : A concurrence de la somme de 38 804 francs correspondant au montant des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes restant dus par la SARL ORTHOMED au titre de la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1990, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.

Article 3 : Les bases des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SARL ORTHOMED a été assujettie au titre des années 1989 et 1990 sont réduites respectivement de 129 540 francs et de 521 480 francs.

Article 4 : La SARL ORTHOMED est déchargée des droits et pénalités correspondant aux réductions des bases d'imposition définies à l'article 3.

Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : L'Etat versera à la SARL ORTHOMED une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL ORTHOMED est rejeté.

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N° 98LY00467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 98LY00467
Date de la décision : 02/12/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-03-01-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. CONTRÔLE FISCAL. VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ. GARANTIES ACCORDÉES AU CONTRIBUABLE. - INTERVENTION DE L'INTERLOCUTEUR DÉPARTEMENTAL PRÉVUE PAR LA CHARTRE DU CONTRIBUABLE VÉRIFIÉ (ART. L. 10 DU LPF) - CHAMP D'APPLICATION - EXCLUSION - REDRESSEMENTS ACCEPTÉS PAR LE CONTRIBUABLE AU TERME DE LA PROCÉDURE CONTRADICTOIRE.

19-01-03-01-02-03 S'il ressort des termes mêmes de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié que la possibilité de faire appel, en cas de désaccord persistant avec le vérificateur, au supérieur hiérarchique puis le cas échéant, à l'interlocuteur départemental, constitue une garantie substantielle, une telle garantie ne peut bénéficier qu'aux seuls redressements notifiés selon la procédure contradictoire et que le contribuable n'a pas acceptés.


Composition du Tribunal
Président : M. GAILLETON
Rapporteur ?: M. Daniel CHARLIN
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : SCP NATAF ET PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2004-12-02;98ly00467 ?
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