Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 juin 2002, présentée pour la SA RMI, dont le siège social est ..., représentée par son président directeur général, par Me X..., avocat au barreau des Hauts-de-Seine ;
La SA RMI demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 993579 et 993838 du Tribunal administratif de Grenoble du 4 avril 2002 ayant rejeté, d'une part, sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1994 et, d'autre part, sa demande de report en arrière des déficits des exercices clos les 30 septembre 1995 et 30 septembre 1996 sur le bénéfice de l'exercice clos le 30 septembre 1994 ;
2°) de lui accorder la décharge de l'imposition contestée ou, à titre subsidiaire, le report en arrière demandés ;
3°) de condamner l'Etat au remboursement des frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
CNIJ : 19-04-02-01-04-10
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2004 :
- le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Bonnet, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1994 :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 44 septies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : Les sociétés créées à compter du 1er octobre 1988 pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté qui a fait l'objet d'une cession ordonnée par le tribunal en application des articles 81 et suivants modifiés de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises sont exonérées d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. (...) ; que pour l'application de ces dispositions, le caractère industriel d'une entreprise s'apprécie au regard de la nature des opérations qu'elle effectue et de l'importance des moyens techniques qu'elle met en oeuvre pour les réaliser ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA SIMRI, dont l'activité a fait l'objet d'une reprise par la SA RMI, assurait le déplacement et la maintenance d'installations industrielles lourdes en fabriquant, le cas échéant, les réseaux de liaison, de raccordement, les tuyauteries et conduits d'évacuation nécessaires ; qu'une telle activité, dans laquelle la main-d'oeuvre avait une importance prépondérante, représentant près de 60 % des facturations effectuées, ne reposait pas pour l'essentiel sur l'utilisation de matériels pour la transformation de matières premières ou de produits semi-finis ou l'assemblage de produits manufacturés ; que la SA SIMRI ne pouvait, dès lors, être regardée comme une entreprise industrielle au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 44 septies du code général des impôts ; qu'ainsi la SA RMI n'était pas susceptible de bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés qu'elles prévoient ;
Considérant que si la Cour d'appel de Grenoble, statuant en chambre commerciale, a jugé, par un arrêt du 8 octobre 1997, que la SA SIMRI avait une activité industrielle, cette appréciation d'une qualification juridique ne saurait lier le juge administratif ;
En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration, et qu'aux termes de son article L. 80 B : La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : - 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, ... ; que peuvent seuls se prévaloir de cette dernière disposition les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée, ainsi que les contribuables qui ont participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à cette situation, sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité ; que, faute de justifier d'une prise de position formelle de l'administration fiscale sur sa propre situation ou sur une opération à laquelle elle a participé, la SA RMI ne saurait dès lors utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 80 A et L.(80(B du livre des procédures fiscales, de la position adoptée par l'administration fiscale à l'égard d'autres sociétés du même groupe ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA RMI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande n° 993579 tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1994 ;
Sur les conclusions relatives à la créance sur le Trésor résultant du report en arrière des déficits des exercices clos en 1995 et 1996 :
Considérant qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas du I de l'article 209 du code général des impôts relatif à la détermination des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés : Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire. (...) / La limitation du délai de report prévue à l'alinéa précédent n'est pas applicable à la fraction du déficit qui correspond aux amortissements régulièrement comptabilisés mais réputés différés en période déficitaire. (...) ; qu'aux termes de l'article 220 quinquies du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : I. Par dérogation aux dispositions des troisième et quatrième alinéas du I de l'article 209, le déficit constaté au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l'avant-dernier exercice puis de celui de l'exercice précédent, dans la limite de la fraction non distribuée de ces bénéfices et à l'exclusion des bénéfices exonérés en application des articles 44 sexies, 44 septies et 207 à 208 sexies ou qui ont ouvert droit au crédit d'impôt prévu aux articles 220 quater et 220 quater A ou qui ont donné lieu à un impôt payé au moyen d'avoirs fiscaux ou de crédits d'impôts. Cette option porte, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1985, sur les déficits reportables à la clôture d'un exercice en application des troisième et quatrième alinéas du I de l'article 209. / Le déficit imputé dans les conditions prévues au premier alinéa cesse d'être reportable sur les résultats des exercices suivant celui au titre duquel il a été constaté. / L'excédent d'impôt sur les sociétés résultant de l'application du premier alinéa fait naître au profit de l'entreprise une créance égale au produit du déficit imputé dans les conditions prévues au même alinéa par le taux de l'impôt sur les sociétés applicable à l'exercice déficitaire (...) IV. Un décret fixe les conditions d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives des entreprises (...) ; que le I de l'article 46 quater-0 W de l'annexe III au code général des impôts pris pour l'application de ces dispositions, précise que l'entreprise qui exerce l'option prévue au premier alinéa du I de l'article 220 quinquies du code général des impôts doit joindre à la déclaration de résultat de l'exercice au titre duquel cette option a été exercée, une déclaration conforme au modèle fixé par l'administration (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article R* 196-3 du livre des procédures fiscales : Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles 209 et 220 quinquies du code général des impôts que le déficit constaté au titre d'un exercice peut être regardé comme une charge déductible du bénéfice de l'antépénultième exercice et le cas échéant de celui de l'avant dernier exercice puis de celui de l'exercice précédent y compris dans le cas où ce bénéfice d'imputation ne résulte que de rehaussements apportés par l'administration fiscale aux résultats déclarés à la condition que la demande d'imputation soit exercée dans les délais de réclamation ; qu'il suit de là qu'une entreprise à laquelle ont été notifiés des redressements consécutifs à une vérification de comptabilité opérée par l'administration fiscale qui ont eu pour effet de rectifier les résultats fiscaux qu'elle a déclarés au titre des exercices sur lesquels a porté le contrôle, est en droit de souscrire la déclaration d'option de report en arrière de déficits, laquelle vaut réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans les formes, conditions et délais fixés par l'article R.* 196-3 précité du livre des procédures fiscales, sans qu'y fassent obstacle les dispositions précitées de l'article 46 quater-0 W de l'annexe III au code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA RMI a demandé dans sa déclaration de résultats le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue par l'article 44 septies du code général des impôts à raison du bénéfice de 1 444 580 francs afférent à l'exercice qu'elle a clos le 30 septembre 1994 ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a été informée que l'administration fiscale lui refusait le bénéfice de cette exonération ; que la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1994 au taux de 33,1/3 % a été mise en recouvrement le 31 août 1998 ; que la SA RMI a souscrit le 21 octobre 1998 la déclaration d'option pour le report en arrière, prévu par le I précité de l'article 220 quinquies du code général des impôts, des déficits afférents aux exercices clos en 1995 et 1996 et demandé à être titulaire d'une créance sur le Trésor public à la clôture de l'exercice 1994 d'un montant de 481 526 francs, soit 73 408,17 euros ; que cette réclamation a ainsi été présentée dans le respect des dispositions précitées de l'article R.* 196-3 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a opposé une fin de non recevoir tirée de la tardiveté de cette réclamation aux conclusions de la SA RMI tendant au report en arrière de ces déficits ; que, par suite, ce jugement doit être annulé en tant qu'il a statué sur la demande n° 993838 de la SA RMI ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette demande ;
Considérant que s'il appartient à l'administration fiscale, saisie d'une demande de report en arrière de déficits, de vérifier, conformément aux dispositions de l'article L. 171 A du livre des procédures fiscales, l'existence et la quotité de la créance en résultant et d'en rectifier le cas échéant le montant, même si l'option pour le report en arrière du déficit correspondant a été exercée au titre d'un exercice prescrit, elle ne saurait se fonder légalement sur la seule existence d'une contestation par contribuable du montant ou du caractère imposable du bénéfice d'un exercice pour refuser le report en arrière des déficits afférents aux exercices ultérieurs ; qu'en l'espèce, l'administration fiscale et la Cour ont, dans le présent arrêt, refusé à la SA RMI le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts ; qu'il est constant que la SA RMI remplissait les autres conditions pour obtenir ce report ; que, dès lors, la SA RMI est fondée à demander que la créance sur le Trésor dont elle est titulaire soit fixée au montant non contesté de 481 526 francs, soit 73 408,17 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à payer à la SA RMI une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 993579 et 993838 du Tribunal administratif de Grenoble du 4 avril 2002 est annulé en tant qu'il a statué sur la demande n° 993838 de la SA RMI.
Article 2 : La créance sur le Trésor dont est titulaire la SA RMI au titre du report en arrière des déficits afférents aux exercices clos en 1995 et 1996 sur le bénéfice afférent à l'exercice clos en 1994 est fixée à 481 526 francs, soit 73 408,17 euros.
Article 3 : L'Etat versera à la SA RMI une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA RMI est rejeté.
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N° 02LY01091