Vu la requête, enregistrée le 28 février 2001, présentée pour M. Bernard X, domicilié ... par Me Albert, de la S.C.P. Albert et Grifo, avocats au barreau de Grenoble ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 991889, en date du 15 décembre 2000, du Tribunal administratif de Grenoble, qui a rejeté ses demandes d'annulation de la décision du 22 février 1999 par laquelle le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation et de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10.000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) d'annuler cette décision du 22 février 1999 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Classement CNIJ : 36-09
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mars 2004 :
- le rapport de M. Montsec, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Kolbert, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 138 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable : La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 139 et R. 141 ; qu'aux termes de l'article R. 139 du même code alors applicable : (...) Les notifications de la requête, du mémoire en défense (...) sont obligatoirement effectuées au moyen de lettres recommandées avec demande d'avis de réception (...) ;
Considérant que M. X, qui n'avait pas d'avocat en première instance, conteste en appel avoir reçu le mémoire en défense du MINISTRE DE L'INTERIEUR, enregistré au greffe du tribunal administratif le 30 octobre 2000 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que ce mémoire, qui lui aurait été communiqué le 8 décembre 2000, lui est effectivement parvenu ; que, dans ces conditions, M. X est fondé à soutenir que le jugement attaqué, en date du 15 décembre 2000, est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance tant des dispositions de l'article R. 138 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel que du principe du caractère contradictoire de la procédure ;
Considérant qu'ainsi le jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 15 décembre 2000 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Grenoble, tendant à l'annulation de la décision du 22 février 1999 par laquelle le MINISTRE DE L'INTERIEUR a prononcé sa révocation ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 du décret susvisé du 25 octobre 1984, relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de la réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Ce conseil peut décider, à la majorité des membres présents, de renvoyer à la demande du fonctionnaire ou de son ou de ses défenseurs l'examen de l'affaire à une nouvelle réunion. Un tel report n'est possible qu'une seule fois ;
Considérant que M. X, qui fait lui-même état d'un délai d'une quinzaine de jours entre la réception de la convocation devant le conseil de discipline et la date à laquelle celui-ci a tenu sa séance, ne soutient pas que le délai de quinze jours exigé par les dispositions susmentionnées n'aurait pas été respecté ; qu'en se bornant à se plaindre de ce que ce délai réglementaire aurait été en l'espèce insuffisant pour lui permettre d'organiser sa défense, sans, en tout état de cause, aucune précision sur les raisons particulières de cet empêchement, M. X n'établit pas que la procédure a été sur ce point irrégulière ;
Considérant, en deuxième lieu, que, dès lors que cette convocation l'invitait comme il se doit à prendre connaissance de son dossier administratif et des pièces constituant le dossier disciplinaire, M. X ne peut utilement faire valoir qu'elle ne lui permettait pas en elle-même de connaître les faits qui lui étaient reprochés et la sanction envisagée ;
Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que la convocation ne mentionnait pas expressément la possibilité pour l'intéressé de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs n'a eu en elle-même aucune influence sur les conditions dans lesquelles M. X a été amené à assurer sa défense, dans la mesure où ladite convocation précisait qu'il aurait à supporter la charge des frais exposés tant par les témoins cités que par la défense à laquelle il aurait confié le soin de l'assister, et alors surtout que l'intéressé avait dès ce moment effectivement fait appel à un avocat pour l'assister dans sa défense, lequel avocat a d'ailleurs adressé au conseil de discipline une lettre sollicitant un report de la séance ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte du procès-verbal du conseil de discipline réuni le 17 novembre 1998 que celui-ci a examiné et rejeté à l'unanimité la demande de report que lui avait transmise l'avocat de ce dernier, fondée sur des motifs de santé ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, nonobstant la production d'un certificat médical par M. X et alors que celui-ci et son épouse se soustrayaient à toute convocation, tant dans le cadre de la procédure judiciaire en cours que dans le cadre de la procédure administrative depuis le 14 mai 1997, le refus ainsi opposé à cette demande de report n'a pas porté atteinte au droit de M. X de se défendre et n'a pas entaché la procédure d'irrégularité ;
Considérant, en cinquième lieu qu'en l'absence de disposition législative ou réglementaire le prévoyant, le défaut de communication de l'avis du conseil de discipline n'est pas de nature à entacher la régularité de la décision disciplinaire prise à l'encontre de M. X ;
Considérant, en sixième lieu, que la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale ; que, dès lors et contrairement à ce que soutient M. X à l'instance, l'autorité administrative n'était pas tenue d'attendre, avant de prendre l'arrêté attaqué, l'issue de la procédure pénale parallèlement engagée à son encontre ;
Considérant, en septième lieu, que la décision attaquée, en date du 22 février 1999, a été signée, pour le ministre de l'intérieur et par délégation, par M. Jean-Claude BACHET, directeur des ressources humaines, qui disposait d'une délégation pour signer les arrêtés portant sanction disciplinaire pour ce qui concerne notamment les agents de la paix, par arrêté du 13 octobre 1998, régulièrement publié au Journal officiel le 18 octobre 1998 ; qu'ainsi, le moyen relatif à l'incompétence de l'autorité qui a pris la décision attaquée manque en fait ;
Considérant, en huitième lieu, que M. X ne peut utilement invoquer les circonstances que sa demande de report de la séance du conseil de discipline n'a pas été visée dans l'arrêté prononçant sa révocation et que l'avis du conseil de discipline a été visé sans indication de sa teneur ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'il est reproché à M. X d'avoir, avec son épouse, créé en 1975 une association destinée à assurer la garde d'enfants en bas âge, moyennant rémunération, sans avoir sollicité l'agrément obligatoire des services départementaux de la protection maternelle et infantile, d'avoir à cette occasion transformé une maison d'habitation, dont il était locataire, en bâtiment destiné à accueillir du public, sans avoir informé le propriétaire et le service de gestion locative, d'avoir indûment perçu pour cette activité des aides de l'Etat, pour un montant de 40.617 francs, alors qu'il s'était abstenu de déclarer la cessation de cette activité, et d'avoir omis de verser des cotisations ASSEDIC et URSSAF pour le personnel employé ; qu'en se bornant à faire valoir que le fonctionnement de cette association ne concernait que son épouse, alors qu'il en était le président, M. X ne conteste pas utilement ces faits ; que la circonstance qu'il s'agissait d'une activité privée indépendante des fonctions de M. X, ne s'opposait pas à ce qu'il en soit tenu compte dans le cadre d'une procédure disciplinaire ;
Considérant qu'en outre, M. X, alors qu'il n'avait pas honoré les traites de remboursement d'un prêt qu'il avait obtenu pour l'acquisition d'un véhicule en mars 1996, a tenté de vendre celui-ci en avril 1997 malgré l'existence d'un gage contractuel interdisant toute transaction avant le paiement intégral du prix d'achat ; qu'il a encore fait l'acquisition en juillet 1997 d'un autre véhicule, pour un prix de 135.658 francs, qu'il a payé avec un chèque tiré sur un compte alors clôturé depuis 1993 ; qu'il ne conteste pas par ailleurs avoir émis entre le 6 août 1996 et le 11 avril 1997 plusieurs chèques sans provision, malgré une interdiction bancaire, pour un montant total de 40.707 francs, se bornant à faire état de ce que, pour l'essentiel, ces chèques auraient été émis avant l'interdiction bancaire et présentés après ;
Considérant que M. X ne peut utilement soutenir, sans aucun élément de preuve, qu'il aurait commis les faits susmentionnés alors qu'il était sous l'emprise de troubles psychologiques l'ayant privé de discernement ;
Considérant que lesdits faits suffisent en eux-mêmes à justifier qu'une sanction disciplinaire soit prise à l'encontre de M. X ; que, compte tenu des fonctions de M. X, qui était gardien de la paix affecté en dernier lieu dans la circonscription de la sécurité publique de Grenoble, de la répétition et de la gravité de ces faits, qui portent atteinte à l'honneur professionnel et à la probité, et alors que l'intéressé avait déjà fait l'objet d'une mutation à titre disciplinaire en 1988 et de plusieurs mises en garde, entre le 7 juillet 1994 et le 2 mai 1996, l'administration a pu, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, lui infliger la sanction de révocation ;
Considérant qu'à supposer même que les autres faits de moindre gravité qui lui sont reprochés, en particulier le non-paiement d'une dette de 1.850,50 francs à l'égard d'un débitant de tabac, ne soit pas établis au dossier, il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris à son encontre, en se fondant sur les seuls faits établis, la même décision ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée, en date du 22 février 1999, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une sanction de révocation ;
Sur les conclusions du ministre de l'intérieur tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, qui n'a pas eu recours au ministère d'un avocat, ne se prévaut d'aucun frais spécifique exposé par ses services ; que, par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de M. X à payer une somme à l'ETAT en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 15 décembre 2000 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Grenoble et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions du ministre de l'intérieur tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 01LY00431