Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 mai 2003, présentée pour M. Roger X, domicilié Résidence Le Truffy B 23, 9 rue des Pavillons à Annecy (74000), M. André Y, domicilié 2 rue de Nemours à Meytet (74960), et M. Gilbert Z, domicilié ..., par Me Galliard, avocat au barreau de Grenoble ;
MM. X, Y et Z demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0203022-0203023-0203024-0203025-0203027-0203028, en date du 16 avril 2003, par laquelle le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation conjointe et solidaire des communes de la COMPOTE-EN-BAUGES, d'ECOLE, de SAINTE-REINE, de JARSY, du CHATELARD-EN-BAUGES et de DOUCY-EN-BAUGES à leur payer les sommes de 4 649 089 francs (708 749,04 euros) et 2 283 429 francs (348 106,50 euros), lesdites sommes portant intérêts de droit à compter du 18 décembre 1990, et lesdits intérêts étant capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts ;
2°) de faire droit à leurs conclusions présentées devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
3°) de condamner les communes de la COMPOTE-EN-BAUGES, d'ECOLE, de SAINTE-REINE, de JARSY, du CHATELARD-EN-BAUGES et de DOUCY-EN-BAUGES à leur payer une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
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Classement CNIJ : 17-03-02-03-01-02 60-01-03-03
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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2004 :
- le rapport de M. Besle, premier conseiller ;
- les observations de Me Galliard, avocat de M. X, de M. Y et de M. Z, et de Me Girard-Madoux, avocat des communes de la COMPOTE-EN-BAUGES, d'ECOLE, de SAINTE-REINE, de JARSY, du CHATELARD-EN-BAUGES et de DOUCY-EN-BAUGES ;
- et les conclusions de Mme Richer, commissaire du gouvernement ;
Sur les responsabilités quasi-contractuelle et quasi-délictuelle :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un protocole d'accord du 19 septembre 1987 conclu entre les communes de la COMPOTE-EN-BAUGES, d'ECOLE, de SAINTE-REINE, de JARSY, du CHATELARD-EN-BAUGES et de DOUCY-EN-BAUGES et la SARL Champi-Bauges, cette dernière société s'était engagée à créer une champignonnière sur un terrain mis à sa disposition dans la zone d'activité située sur le territoire de la commune de la COMPOTE-EN-BAUGES et à contracter auprès de la Caisse d'Epargne les emprunts nécessaires à la construction et à l'alimentation de son fonds de roulement ; qu'en contrepartie, lesdites communes avaient pris l'engagement de céder les terrains au terme de la durée des emprunts pour le franc symbolique et à se porter caution solidaire du gérant et de ses associés pour le remboursement des annuités des prêts consentis par la Caisse d'Epargne, ledit protocole stipulant qu'en cas d'engagement de la caution, la propriété du terrain et du matériel serait transférée de plein droit à la collectivité sans indemnité ; que la SARL Champi-Bauges n'ayant plus été en mesure d'honorer les échéances des prêts consentis par la Caisse d'Epargne, cette dernière a, d'une part, assigné, au mois de décembre 1990, MM. X, Y et Z devant le Tribunal de grande instance de Chambéry et, d'autre part, saisi le Tribunal administratif de Grenoble d'une demande, enregistrée le 13 mars 1991, tendant à la condamnation des six communes en exécution de leur engagement de caution ; que, par jugement du 22 janvier 1992, le Tribunal administratif de Grenoble ayant déclaré la juridiction administrative incompétente pour statuer sur le litige, la Caisse d'Epargne a assigné, par actes du 2 juin 1992, les six communes devant le Tribunal de grande instance de Chambéry ; que ce dernier, par jugement du 30 juin 1994, a débouté la Caisse d'Epargne de son action aux motifs, en ce qui concerne l'action dirigée contre les communes, que le protocole d'accord du 19 septembre 1987 était nul et de nul effet dès lors que les délibérations des communes l'approuvant n'étaient pas exécutoires faute de transmission au contrôle de légalité et que la confirmation de cautionnement donnée par le maire de la COMPOTE-EN-BAUGES était irrégulière car ne respectant pas les seuils de cautionnement définis par la loi du 5 janvier 1988, et, en ce qui concerne les requérants, que la garantie des communes ayant été écartée, leur engagement devait être déclaré nul pour erreur sur l'étendue des garanties ; que la Caisse d'Epargne a fait appel de ce jugement mais s'est désistée de son action contre les communes ; que, par arrêt du 24 novembre 1997, confirmé par la Cour de Cassation, la Cour d'appel de Chambéry a fait droit à sa demande en condamnant MM. X, Y et Z à lui verser les sommes de 4 649 089 francs et 2 283 429 francs ; que ces derniers mettent en jeu la responsabilité des communes de la COMPOTE-EN-BAUGES, d'ECOLE, de SAINTE-REINE, de JARSY, du CHATELARD-EN-BAUGES et de DOUCY-EN-BAUGES dont le comportement serait la cause de la condamnation dont ils ont fait l'objet devant la Cour d'appel de Chambéry ;
Considérant, en premier lieu, qu'en raison de la nullité du protocole d'accord du 19 septembre 1987, MM. X, Y et Z n'entendent pas se prévaloir de la stipulation pour autrui qu'il contient et instituant à leur profit une caution solidaire des six communes, mais engagent une action tendant à leur condamnation sur le fondement de leur responsabilité quasi-contractuelle ; que ledit protocole, qui ne comportait aucune clause exorbitante du droit commun, n'imposait à la société Champi-Bauges aucun engagement impératif en terme de création d'emplois et de développement de l'activité économique sur le territoire des communes contractantes et n'avait donc pas pour objet l'exécution d'une mission de service public, même s'il était conclu dans un but d'intérêt général ; que, dès lors, il était un contrat de droit privé ; qu'ainsi, les conclusions des requérants tendant à la mise en jeu de la responsabilité quasi-contractuelle des communes relèvent de la compétence de l'ordre judiciaire ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces conclusions au motif que la juridiction administrative était incompétente pour en connaître ;
Considérant, en second lieu, que les requérants demandent également la condamnation des communes de la COMPOTE-EN-BAUGES, d'ECOLE, de SAINTE-REINE, de JARSY, du CHATELARD-EN-BAUGES et de DOUCY-EN-BAUGES à raison des fautes qu'elles auraient commises à travers de leurs actes, délibérations, correspondances, réunions publiques pour préparer le dossier d'installation de la SARL Champi-Bauges sur le territoire de l'une d'elles qui les auraient incités à s'engager, en se portant eux-mêmes caution des emprunts souscrits par la SARL Champi-Bauges, sur le projet soutenu par ces communes ; qu'une telle action qui tend à mettre en jeu la responsabilité des communes pour des fautes sans lien direct avec la signature même du protocole d'accord susmentionné, relève de la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Grenoble a jugé que la juridiction administrative était incompétente pour connaître desdites conclusions ; qu'ainsi, ladite ordonnance du président du Tribunal administratif de Grenoble doit être annulée dans cette mesure ;
Considérant qu'il y a lieu de renvoyer MM. X, Y et Z devant le Tribunal administratif de Grenoble pour qu'il soit statué sur les conclusions de leur requête tendant à la mise en jeu de la responsabilité pour faute des communes de la COMPOTE-EN-BAUGES, d'ECOLE, de SAINTE-REINE, de JARSY, du CHATELARD-EN-BAUGES et de DOUCY-EN-BAUGES ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'une des parties à payer aux autres parties une quelconque somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1 : L'ordonnance du président du Tribunal administratif de Grenoble en date du 16 avril 2003 est annulée en ce qu'elle a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions de MM. X, Y et Z tendant à la condamnation des communes de la COMPOTE-EN-BAUGES, d'ECOLE, de SAINTE-REINE, de JARSY, du CHATELARD-EN-BAUGES et de DOUCY-EN-BAUGES à raison des fautes qu'elles avaient commises dans la préparation du dossier d'installation de la société Champi-Bauges.
Article 2 : MM. X, Y et Z sont renvoyés devant le Tribunal administratif de Grenoble pour qu'il soit statué sur les conclusions de leur requête mentionnées à l'article 1 ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de MM. X, Y et Z est rejeté.
Article 4 : Le surplus des conclusions des communes de la COMPOTE-EN-BAUGES, d'ECOLE, de SAINTE-REINE, de JARSY, du CHATELARD-EN-BAUGES et de DOUCY-EN-BAUGES est rejeté.
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N°03LY00790