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18/12/2003 | FRANCE | N°99LY00212

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4eme chambre - formation a 3, 18 décembre 2003, 99LY00212


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 20 janvier 1999, par lequel le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande à la Cour :


1°) d'annuler le jugement n° 9804126-9804127-9804129-9804230, en date du 9 décembre 1998, en ce que le Tribunal administratif de Lyon a annulé, d'une part, son arrêté, en date du 10 mars 1998, ordonnant l'expulsion du territoire de M. Umman YLDIRIM et, d'autre part, la décision du PREFET DU RHONE, en date du 10 septembre 1998, prescrivant son éloignement à destination du pays dont il a la nationalité ;


2°) de rejeter les demandes prése

ntées par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon ;


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Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 20 janvier 1999, par lequel le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9804126-9804127-9804129-9804230, en date du 9 décembre 1998, en ce que le Tribunal administratif de Lyon a annulé, d'une part, son arrêté, en date du 10 mars 1998, ordonnant l'expulsion du territoire de M. Umman YLDIRIM et, d'autre part, la décision du PREFET DU RHONE, en date du 10 septembre 1998, prescrivant son éloignement à destination du pays dont il a la nationalité ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

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Classement CNIJ : 335-02-04

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Vu le décret n°83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2003 :

- le rapport de M. MOUTTE, président ;

- et les conclusions de Mme RICHER, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté ordonnant l'expulsion de M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article 23 de l'ordonnance susvisée n°45-2658 du 2 novembre 1945 : Sous réserve des dispositions de l'article 25, l'expulsion peut être prononcée si la présence sur le territoire français d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public (...) ; qu'aux termes de l'article 25 de ladite ordonnance : Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ; 3° L'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ainsi que l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention étudiant (...) ; et qu'aux termes de l'article 26 : L'expulsion peut être prononcée : (...) b) Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25 (...) ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. X s'est rendu coupable en 1990 de coups et blessures avec une arme blanche, blessant grièvement sa victime au poumon, qu'en 1992, il a de nouveau commis des vols avec effraction et réunion avec violences et, qu'en 1995, il avait blessé, avec un pistolet 6,35, un membre d'une famille avec laquelle il avait un différend ; que, pour l'ensemble de ces faits, il a été condamné à des peines cumulées d'emprisonnement de sept ans et huit mois, dont un an avec sursis et mise à l'épreuve ; que, compte tenu de la répétition de ces actes délictueux, nonobstant la circonstance qu'ils ne constituent ni des crimes, des actes de terrorisme ou de trafic de stupéfiants, se caractérisant par des violences à personne, de leur gravité croissante, et alors que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, par lettre du 27 juillet 1993, lui avait adressé un avertissement solennel, dont il n'a pas tenu compte, et de ce qu'il n'a pas manifesté sa volonté de réinsertion, le MINISTRE DE L'INTERIEUR n'a pas entaché son arrêté ordonnant l'expulsion de M. X d'une erreur d'appréciation en estimant que cette mesure constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'erreur d'appréciation commise par le MINISTRE DE L'INTERIEUR pour annuler son arrêté du 10 mars 1998 ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté ordonnant l'expulsion de M. X qui exposait, notamment, que cette mesure était prise en application des dispositions des articles 24 et du b) de l'article 26 de l'ordonnance comportait une motivation en droit suffisante ; que M. X n'est pas fondé à soutenir que le ministre devait également mentionner les dispositions législatives dont était issue la rédaction desdits articles, en particulier la loi du 11 mai 1998 qui, au demeurant, n'était pas en vigueur à la date à laquelle le MINISTRE DE L'INTERIEUR a prononcé la mesure d'expulsion ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de l'ordonnance susvisée n°45-2658 du 2 novembre 1945 : L'expulsion prévue à l'article 23 ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : (...) 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission (...) Les débats de la commission sont publics. Le président veille à l'ordre de la séance. Tout ce qu'il ordonne pour l'assurer doit être immédiatement exécuté. Devant la commission, l'étranger peut faire valoir toutes les raisons qui militent contre son expulsion. Un procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis, avec l'avis motivé de la commission, à l'autorité administrative compétente pour statuer. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé. ; que, contrairement à ce que soutient M. X, il ne résulte pas de ces dispositions que l'étranger dont l'expulsion est envisagée doit être destinataire du procès-verbal de la commission ; que, par suite, la circonstance que le procès-verbal de la commission, qui s'est réunie le 9 février 1998 pour examiner sa situation, ne lui a pas été envoyé, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; que, par ailleurs, le ministre produit la lettre en date du 26 février 1998 du préfet de l'Indre informant l'intéressé du sens de l'avis émis par la commission ; que M. X ne conteste pas que ce courrier lui est parvenu ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté d'expulsion a été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 24 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que si M. X, de nationalité turque d'origine kurde, fait valoir qu'il est arrivé en France à l'âge de 3 ans avec ses parents et ses frères et soeurs et qu'il est dépourvu d'attaches avec la Turquie où ne réside plus que sa grand-mère paternelle, que certains membres de sa famille ont le statut de réfugiés, qu'il vit en concubinage et est père d'un enfant, eu égard à la gravité des faits qui lui sont reprochés et la persistance de son comportement, l'arrêté ordonnant son expulsion du territoire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte excédant les nécessités de l'ordre public ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté en date du 10 mars 1998 ordonnant l'expulsion de M. X du territoire français ;

Sur la légalité de l'arrêté prescrivant l'éloignement de M. X à destination du pays dont il a la nationalité :

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a, pour en prononcer également l'annulation, jugé que l'annulation de l'arrêté du MINISTRE DE L'INTERIEUR, en date du 10 mars 1998, ordonnant l'expulsion de M. X privait de base légale l'arrêté du PREFET DU RHONE, en date du 10 septembre 1998, prescrivant son éloignement à destination du pays dont il a la nationalité ; que la Cour rejetant les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant l'expulsion de M. X, le MINISTRE DE L'INTERIEUR est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du préfet du Rhône ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon à l'encontre de cette décision ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 du décret susvisé n°83-1025 du 28 novembre 1983, alors en vigueur : Sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, sous réserve des nécessités de l'ordre public et de la conduite des relations internationales, et exception faite des cas où il est statué sur une demande présentée par l'intéressé lui-même, les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé ait été mis à même de présenter des observations écrites. ; qu'il est constant que M. X a présenté des observations écrites avant que le préfet ne décide de l'éloigner à destination du pays dont il a l'origine ; que les dispositions précitées de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 n'imposaient pas à l'autorité administrative de ne prendre sa décision qu'après un délai de réflexion ; qu'ainsi, et en tout état de cause, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté préfectoral a été pris en méconnaissance de ces dispositions ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 27 bis de l'ordonnance susvisée n° 45-2658 du 2 novembre 1945 : L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission des recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ; que si M. X fait état de ce que toute sa famille, dont certains membres ont le statut de réfugié, est d'origine kurde et que s'étant soustrait à ses obligations militaires il sera immédiatement enrôlé dans l'armée et envoyé dans des zones de combat, il n'établit pas, par ces allégations, la réalité des risques que comporterait son retour dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du préfet du Rhône, en date du 10 septembre 1998 prescrivant son éloignement à destination du pays dont il a la nationalité ;

DECIDE :

ARTICLE 1er : Les articles 1 et 2 du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 9 décembre 1998 sont annulés.

ARTICLE 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de l'arrêté du MINISTRE DE L'INTERIEUR, en date du 10 mars 1998, ordonnant son expulsion du territoire et de la décision du préfet du Rhône, en date du 10 septembre 1998, prescrivant son éloignement à destination du pays dont il a la nationalité est rejetée.

N° 99LY00212 - 6 -


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99LY00212
Date de la décision : 18/12/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JOUGUELET
Rapporteur ?: M. BESLE
Rapporteur public ?: Mme RICHER M

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2003-12-18;99ly00212 ?
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