Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n° 97-457 portant création d'une Cour administrative d'appel à Marseille, transmis à la Cour administrative d'appel de Lyon la requête présentée pour la SA DOMAINE LAROCHE, dont le siège est ..., par Me X..., avocat au barreau de Paris ;
Vu ladite requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Nancy le 9 juin 1997,par laquelle la SA DOMAINE LAROCHE demande :
1°) d'annuler le jugement n° 952677 du Tribunal administratif de Dijon du 25 mars 1997 rejetant sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes, dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er avril 1988 au 31 mars 1992 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 15 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
CNIJ : 19-01-01-03
19-01-03-02-02-01
19-01-04-01
19-01-03-05
19-06-02-08-02
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2003 :
- le rapport de M. CHARLIN, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BERTHOUD, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision du 16 décembre 2002, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux a prononcé un dégrèvement de 13 511,86 euros, sur le montant des intérêts de retard appliqués aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, dont la SA DOMAINE LAROCHE a été déclarée redevable au titre de la période du 1er avril 1988 au 31 mars 1992 ; que les conclusions de la requête de la SA DOMAINE LAROCHE relatives à ces intérêts de retard sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que la SA DOMAINE LAROCHE soutient que les notifications de redressement du 14 décembre 1992 et 7 octobre 1993 l'informant de l'intention de l'administration de remettre en cause une partie des achats acquis en franchise de taxe sur la valeur ajoutée seraient insuffisamment motivées ; que, toutefois, il résulte de leur examen que ces documents indiquaient de manière détaillée les motifs de droit et de fait ainsi que, par nature de biens acquis en franchise, les bases et les modalités de calcul des rappels de droits envisagés ; que ces notifications répondaient ainsi aux prescriptions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales imposant à l'administration de porter à la connaissance de la société requérante en situation de taxation d'office pour avoir omis de déposer dans les délais l'ensemble de ses déclarations de taxes sur le chiffre d'affaires les bases ou les éléments servant de calcul aux impositions en litige ;
Sur le bien-fondé des droits en litige :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 275 du code général des impôts alors applicable : Les assujettis sont autorisés à recevoir en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée les biens qu'ils destinent à l'exportation, ainsi que les services portant sur les biens exportés, dans la limite du montant des livraisons à l'exportation d'objets passibles de cette taxe, réalisées au cours de l'année précédente. Pour bénéficier de cette disposition, les intéressés doivent adresser à leurs fournisseurs une attestation, visée par le service des impôts dont ils relèvent, certifiant que les biens sont destinés à être exportés ou que les prestations de services sont afférentes à des biens exportés. Cette attestation doit comporter l'engagement d'acquitter la taxe sur la valeur ajoutée au cas où les biens et les services ne recevraient pas la destination ayant motivé la franchise, sans préjudice des pénalités prévues aux articles 1725 à 1740. (...) ; qu'aux termes de l'article 284 du même code : Toute personne qui a été autorisée à recevoir des biens ou services en franchise (...) est tenue au paiement de l'impôt ou du complément d'impôt. lorsque les conditions auxquelles est subordonné l'octroi de cette franchise (...) ne sont plus remplies ;
Considérant, en premier lieu, que l'administration a mis à la charge de la SA DOMAINE LAROCHE des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 542 005 francs correspondant à des achats en franchise à des viticulteurs, au motif que la société, qui avait été dispensée de soumettre les attestations de ces achats à la formalité du visa, avait omis de mentionner leur montant sur le relevé récapitulatif déposé au service local des impôts ; mais, que l'administration, qui n'est pas fondée à se prévaloir de sa propre doctrine pour donner une base légale aux rappels de droits en litige, ne peut utilement faire état de discordances constatées entre les attestations d'achat en franchise délivrées aux viticulteurs auprès desquels la SA DOMAINE LAROCHE s'approvisionnait et ledit relevé des achats en franchise de l'année écoulée, alors que la tenue d'un tel relevé n'est prévue par aucune disposition législative ou réglementaire ; que, par suite, la société requérante, qui pouvait bénéficier de l'admission en franchise de taxe pour les opérations concernées, est fondée à demander la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;
Considérant, en deuxième lieu, que la SA DOMAINE LAROCHE conteste un rappel de droits de taxe sur la valeur ajoutée de 5 397 028 francs correspondant à des achats effectués en franchise de taxe de bouteilles, de cartons, de palettes et de vins qui, selon l'administration, ayant excédé en pourcentage la part qu'ils représentent dans les exportations de l'entreprise, n'ont en réalité pas été exportés ;
Considérant qu'ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 275 précité, les achats en régime suspensif de taxe sur la valeur ajoutée ne peuvent porter que sur des biens susceptibles d'être exportés, le contingent d'achats en franchise étant lui-même fixé en fonction du montant des livraisons à l'exportation de l'année précédente ; qu'il est constant que le montant des achats en franchise de taxe des bouteilles, des cartons, des palettes et des vins effectués au cours de la période du 1er avril 1988 au 31 mars 1992 ont excédé la valeur de ces marchandises destinées à l'exportation ; que pour faire échec aux rappels en litige, la société requérante ne peut utilement, ni soutenir que les montants de ses achats en franchise ont toujours été inférieurs à ceux de ses chiffres d'affaires à l'exportation, ni critiquer la méthode de calcul retenue par l'administration en se bornant à prétendre qu'en ne prenant pas en compte les différences de marge pouvant exister pour un même produit selon qu'il est ou non exporté, les pourcentages appliqués aboutiraient à une détermination approximative et inexacte des quantités exportées ; que si elle soutient que l'application que l'administration fait de l'article 275 du code général des impôts serait contraire à sa propre doctrine, elle n'apporte à l'appui de son moyen aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts alors applicableLe droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable ; qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article 217 de la même annexe, La déduction de la taxe ayant grevé les biens ne constituant pas des immobilisations et les services est opérée par imputation sur la taxe due par l'entreprise au titre du mois qui suit celui pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. ; que selon le 1 de l'article 223 de cette annexe, La taxe dont les entreprises peuvent opérer la déduction est, selon les cas : - Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures ; - Celle qui est perçue à l'importation ; - Celle qui est acquittée par les entreprises elles-mêmes lors de l'acquisition ou de la livraison à soi-même des biens ou des services. (...) ; qu'enfin, aux termes de son article 224, Les entreprises doivent mentionner le montant de la taxe dont la déduction leur est ouverte sur les déclarations qu'elles déposent pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) ;
Considérant qu'il est constant que la SA DOMAINE LAROCHE, qui, dès lors qu'elle a acquis les biens destinés à l'exportation en franchise, ne disposait pas de factures où figurait la taxe, n'a pas, lorsqu'elle en est devenue redevable, en raison du défaut de réalisation des exportations, en application des dispositions combinées des articles 275-1 et 284 du code général des impôts, mentionné les opérations imposables en France sur ses déclarations de taxes sur le chiffre d'affaires souscrites en vue du paiement de ladite taxe ; que, dès lors, elle n'est pas en droit d'en demander la déduction immédiate sur les rappels de droits en litige ; qu'elle ne saurait, par suite, faire valoir l'existence d'une surtaxation résultant du rappel de la taxe qu'elle n'a pas spontanément acquittée en temps utile, qui serait de nature à ouvrir droit à son profit à la compensation prévue par les dispositions de l'article L 205 du livre des procédures fiscales ni par voie de conséquence, à la décharge des intérêts de retard afférents aux droits ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA DOMAINE LAROCHE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence d'une somme de 542 005 francs ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés en appel et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à la SA DOMAINE LAROCHE une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : A concurrence d'une somme de 13 511,86 euros, sur le montant des intérêts de retard appliqués aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, dont la SA DOMAINE LAROCHE a été déclarée redevable au titre de la période du 1er avril 1988 au 31 mars 1992, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Article 2 : La SA DOMAINE LAROCHE est déchargée des droits de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence d'une somme de 82 628,13 euros (542 005 francs), et des pénalités y afférentes, mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 1989 au 31 mars 1992.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 10 juin 1997 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la SA DOMAINE LAROCHE une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA DOMAINE LAROCHE est rejeté.
N° 97LY21282 - 2 -