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06/05/1998 | FRANCE | N°94LY01823

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, 06 mai 1998, 94LY01823


Vu la décision en date du 3 octobre 1997, par laquelle la cour a, sur les conclusions de la requête de Mme Esther Y..., enregistrée sous le n 94LY01823, qui tendaient, d'une part, à l'annulation du jugement n 91.2089/91.3052/91.4415/91.4649/ 91.5923, en date du 8 avril 1994, du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 30 avril 1991 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation, et à la réformation dudit jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à lui verser une indemnit

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Vu la décision en date du 3 octobre 1997, par laquelle la cour a, sur les conclusions de la requête de Mme Esther Y..., enregistrée sous le n 94LY01823, qui tendaient, d'une part, à l'annulation du jugement n 91.2089/91.3052/91.4415/91.4649/ 91.5923, en date du 8 avril 1994, du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 30 avril 1991 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation, et à la réformation dudit jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 francs, qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice causé par son éviction du service du 27 avril 1989 au 14 février 1991, et d'autre part, à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 1991 susmentionné et à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité équivalente au montant des rémunérations qu'elle aurait dû percevoir durant la période ci-dessus précisée, outre la somme de 20 000 francs au titre des frais non compris dans les dépens, ordonné une expertise en vue de permettre à la cour d'apprécier si à l'époque des faits qui ont motivé la sanction prise à son encontre, l'état de santé de Mme Y... était de nature à faire obstacle à ce qu'elle pût être regardée comme responsable de ses actes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 1998 :
- le rapport de M. BERTHOUD, premier conseiller ;
- les observations de Me X..., avocat, pour Mme Y... ;
- et les conclusions de M. QUENCEZ, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté du 30 avril 1991 :
Considérant que l'arrêté, en date du 13 mars 1989, par lequel le ministre de l'intérieur a révoqué Mme Y..., inspecteur de police, avec suspension de ses droits à pension, et qui a pris effet le 27 avril 1989, a été annulé par le tribunal administratif de Marseille, par jugement du 12 octobre 1989, devenu définitif, au motif qu' une telle mesure n'était plus, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 11 janvier 1984, au nombre des sanctions pouvant légalement être infligées à un fonctionnaire de police de l'Etat ; que le ministre de l'intérieur, après avoir, par décision du 11 décembre 1990, en exécution de ce jugement, réintégré rétroactivement Mme Y... et suspendu l'intéressée avec traitement à partir du 14 février 1991, a infligé à cet agent, par arrêté du 30 avril 1991, fondé sur les mêmes motifs que l'arrêté susmentionné du 13 mars 1989, la sanction disciplinaire de la révocation sans suspension des droits à pension ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des conclusions de l'expertise ordonnée par la cour, qu'à raison de troubles mentaux sévères et chroniques, qui sont apparus dès 1978 et se sont fortement aggravés à partir de 1981, Mme Y... ne pouvait être regardée comme responsable de ses actes lors des faits qui lui ont été reprochés, et qui ont été commis de 1986 à 1988 ; que par suite, si ces faits pouvaient conduire à engager une procédure non disciplinaire appropriée à l'état de santé de la requérante, ils ne permettaient pas de prononcer légalement une sanction contre elle ; que dès lors, Mme Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 1991 ;
Sur la réparation du préjudice causé par l'arrêté du 13 mars 1989 :
Considérant qu'en l'absence de service fait, Mme Y... ne peut prétendre au rappel de son traitement pour la période du 27 avril 1989 au 14 février 1991 durant laquelle elle a été privée de sa rémunération par suite de l'exécution de la première mesure de révocation dont elle a fait l'objet ; qu'elle est cependant fondée à demander réparation du préjudice qu'elle a réellement subi du fait de cette décision prise à son encontre dans des conditions irrégulières; que compte tenu des illégalités internes affectant la sanction susmentionnée, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en portant à 80 000 francs l'indemnité allouée à Mme Y... par les premiers juges en réparation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence causés à la requérante par son éviction irrégulière du service durant la période comprise entre la date d'effet de l'arrêté du 13 mars 1989 et l'intervention de la nouvelle sanction prononcée à son encontre; que cette somme doit être assortie des intérêts au taux légal, mais seulement à compter du 17 mai 1991, date de réception par l'administration de la demande préalable d'indemnité formulée par Mme Y... ;

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 10 avril 1998 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant que Mme Y... est fondée à demander, sur ces points, la réformation du jugement attaqué; que le recours incident du ministre de l'intérieur doit être rejeté ;
Sur le préjudice causé par l'arrêté du 30 avril 1991 :
Considérant que les conclusions de Mme Y... tendant à la réparation du préjudice causé par l'illégalité fautive de l'arrêté du 30 avril 1991 constituent une demande nouvelle en appel ; qu'elles sont, dès lors, irrecevables ;
Sur les dépens :
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat les frais d'expertise exposés devant la cour, qui s'élèvent à la somme de 2 000 francs ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y lieu, en application des dispositions susmentionnées de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat, partie tenue aux dépens, à verser à Mme Y... la somme de 5 000 francs au titre des frais non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille, en date du 8 avril 1994, en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme Esther Y... tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 30 avril 1991, et l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 30 avril 1991 sont annulés.
Article 2: La somme de 10 000 francs que l'Etat a été condamné à verser à Mme Esther Y... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 avril 1994 est portée à 80 000 francs ; cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 17 mai 1991 ; les intérêts dus au 10 avril 1998 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3: L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 avril 1994 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4: L'Etat est condamné à verser à Mme Y... la somme de 5 000 francs au titre des frais non compris dans les dépens.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté, ainsi que le recours incident du ministre de l'intérieur.
Article 6: Les frais d'expertise exposés devant la cour sont mis à la charge de l'Etat.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 94LY01823
Date de la décision : 06/05/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - MOTIFS.

PROCEDURE - INSTRUCTION - MOYENS D'INVESTIGATION - EXPERTISE.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 84-16 du 11 janvier 1984


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BERTHOUD
Rapporteur public ?: M. QUENCEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1998-05-06;94ly01823 ?
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