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02/04/1998 | FRANCE | N°96LY00303

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 02 avril 1998, 96LY00303


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 16 février 1996, présentée pour Mlle Suzanne X..., demeurant chez Mme Z..., Les Cèdres, bâtiment B1 à Marseille (13016), par Me Vincensini, avocat ;
Mlle X... demande à la cour :
- d'annuler le jugement en date du 23 novembre 1995 en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de MARSEILLE a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 10 avril 1995 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiante ;
- d'annuler ladite décis

ion ;
- d'ordonner la délivrance d'un titre de séjour ;
Vu les autres piè...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 16 février 1996, présentée pour Mlle Suzanne X..., demeurant chez Mme Z..., Les Cèdres, bâtiment B1 à Marseille (13016), par Me Vincensini, avocat ;
Mlle X... demande à la cour :
- d'annuler le jugement en date du 23 novembre 1995 en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de MARSEILLE a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 10 avril 1995 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiante ;
- d'annuler ladite décision ;
- d'ordonner la délivrance d'un titre de séjour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision en date du 30 juin 1996 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon a accordé à Mlle X... l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le décret du 30 juin 1946 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 1998 ;
- le rapport de Mme LAFOND, conseiller ;
- et les conclusions de M. BEZARD, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :
Considérant que, par décision du 10 avril 1995, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer à Mlle X... un titre de séjour en qualité "d'étudiante" aux motifs qu'elle n'était pas titulaire du visa long séjour prévu à l'article 13 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, et exigible en application de l'article 7 du décret du 30 juin 1946 modifié, et qu'elle ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article 15 alinéa 12 de ladite ordonnance dès lors qu'elle indiquait être présente sur le territoire depuis l'âge de 13 ans ;
Considérant que si Mlle X..., ressortissante camerounaise née en 1976, ne justifie pas être entrée en France régulièrement, il ressort des pièces du dossier qu'elle y a rejoint sa mère, Mme Y..., en 1989, y séjourne et y est scolarisée depuis cette date ; qu'elle élève seule son enfant né en France en décembre 1990 et qui y est également scolarisé ; qu'il n'est pas contesté que Mme Y..., mariée à un ressortissant français depuis 1992 et titulaire d'une carte de résident, a subvenu aux besoins de sa fille jusqu'en octobre 1994 avant d'éprouver quelques difficultés professionnelles ; que Mlle X... a alors été prise en charge provisoirement par une parente ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait conservé des attaches familiales au Cameroun ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a donc méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, Mlle X... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 avril 1995 ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit prescrite, sous astreinte, la délivrance d'un titre de séjour à Mlle X... :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu' ...un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ... prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, ... la cour administrative d'appel, saisi des conclusions en ce sens, prescrit cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par.. le même arrêt" ; que, eu égard aux motifs du présent arrêt, l'exécution de celui-ci implique normalement la délivrance d'un titre de séjour à Mlle X... ; que, toutefois, il appartient à la cour, lorsqu'elle est saisie, sur le fondement des dispositions précitées, de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution dans un sens déterminé, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de son arrêt ; que, par suite, il y a lieu pour Mlle X... et pour le MINISTRE DE L'INTERIEUR de faire connaître à la cour, dans le délai de deux mois, si la situation de Mlle X... a été modifiée, en fait ou en droit, depuis l'intervention de la décision litigieuse, dans des conditions telles que sa demande serait devenue sans objet ou que des circonstances postérieures à la date de ladite décision permettraient désormais de fonder légalement une nouvelle décision de rejet ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à payer à Me Vincensini, avocat de Mlle X..., la somme de 5.000 francs au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, sous réserve que cet avocat, désigné au titre de l'aide juridictionnelle, renonce à la somme correspondant à cette aide dans les conditions prévues à l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de MARSEILLE en date du 23 novembre 1995 et la décision du préfet des Bouches du Rhône en date du 10 avril 1995 sont annulés.
Article 2 : Avant de statuer sur les conclusions aux fins d'exécution et d'astreinte, Mlle X... et le MINISTRE DE L'INTERIEUR feront connaître à la cour, dans le délai de deux mois, si la situation de Mlle X... a été modifiée, en fait ou en droit, depuis l'intervention de la décision litigieuse, dans des conditions telles que sa demande serait devenue sans objet ou que des circonstances postérieures à la date de ladite décision permettraient désormais de fonder légalement une nouvelle décision de rejet.
Article 3 : l'Etat est condamné à verser à Me Vincensini la somme de CINQ MILLE FRANCS (5.000 francs) en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, sous réserve que cet avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle renonce au bénéfice de cette dernière dans les conditions précisées ci-dessus.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 96LY00303
Date de la décision : 02/04/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-2, L8-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Décret 46-1574 du 30 juin 1946 art. 7
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 37
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 13, art. 15


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme LAFOND
Rapporteur public ?: M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1998-04-02;96ly00303 ?
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