Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 août 1996, présentée pour M Y..., demeurant Saint Barthélémy III, 52 Bd Jourdan Bât. B6, 13014 Marseille, par Me Hayat X..., avocat ; M. Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 1er juillet 1996 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 12 octobre 1995 du préfet des Bouches du Rhône refusant de renouveler son certificat de résidence de 10 ans ;
2 ) d'annuler la décision du préfet des Bouches du Rhône du 12 octobre 1995 ;
3 ) d'enjoindre au préfet des Bouches du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence de 10 ans sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
4 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10.000 francs en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 1997 ;
- le rapport de M. JOUGUELET, président-rapporteur ;
- et les conclusions de Mme ERSTEIN, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision du préfet des Bouches du Rhône :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : "1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., âgé de 33 ans à la date de la décision attaquée, est entré en France à l'âge de deux ans et y a toujours résidé ; que ses parents ainsi que ses frères et soeurs qui constituent toute sa famille, résident également en France ; que, dans ces conditions, en refusant à l'intéressé le certificat de résidence qu'il sollicitait au motif qu'en raison de plusieurs vols commis entre 1983 et 1991 sa présence constituait une menace pour l'ordre public, le préfet des Bouches du Rhône a porté une atteinte excessive au droit de M. Y... au respect de sa vie familiale et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 précité de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; que le requérant est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande qui tendait à l'annulation de la décision préfectorale en date du 12 octobre 1995 refusant de renouveler son certificat de résidence de 10 ans ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L.8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : ..."Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ... prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé , le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution par le même jugement ou le même arrêt" ; qu'aux termes de l'article L.8-3 du même code : "Saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L.8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L.8-4 et dont il fixe la date" ;
Considérant que, si l'annulation par le présent arrêt de la décision du préfet des Bouches du Rhône en date du 12 octobre 1995 impose à celui-ci de prendre à nouveau une décision sur la demande de renouvellement de certificat de résidence qui lui a été présentée par M. Y..., elle n'implique pas nécessairement, compte tenu d'éventuels changements dans les circonstances de fait ou de droit survenues depuis le 12 octobre 1995, que M. Y... aura droit, à la date à laquelle l'autorité administrative se prononcera à nouveau sur cette demande, à la délivrance du certificat qu'il a réclamé ; que, dans ces conditions, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'autorité préfectorale de lui délivrer sous astreinte un certificat de résidence de dix ans ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, et en tout état de cause, de condamner l'Etat à payer à M. Y... une somme quelconque au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision en date du 12 octobre 1995 du préfet des Bouches du Rhône et le jugement en date du 1er juillet 1996 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.
Article 2 : Le surplus de la requête de M. Y... est rejeté.