La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/05/1997 | FRANCE | N°94LY00715

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, 20 mai 1997, 94LY00715


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 4 mai 1994, la requête présentée pour M. Jean-Claude Z..., demeurant ..., par Maître Y..., avocat au barreau de Nice ;
M. Z... demande à la cour :
1 ) d'annuler l'ordonnance en date du 8 février 1994 par laquelle le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de la contribution spéciale qui lui a été assignée pour un montant de 29 760 francs par état exécutoire émis le 29 juin 1985 par le directeur de l'office des migrations internationales ;
2 ) de condamner l'of

fice des migrations internationales à lui verser la somme de 5 000 francs e...

Vu, enregistrée au greffe de la cour le 4 mai 1994, la requête présentée pour M. Jean-Claude Z..., demeurant ..., par Maître Y..., avocat au barreau de Nice ;
M. Z... demande à la cour :
1 ) d'annuler l'ordonnance en date du 8 février 1994 par laquelle le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de la contribution spéciale qui lui a été assignée pour un montant de 29 760 francs par état exécutoire émis le 29 juin 1985 par le directeur de l'office des migrations internationales ;
2 ) de condamner l'office des migrations internationales à lui verser la somme de 5 000 francs en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la convention entre la France et la principauté de Monaco sur la sécurité sociale en date du 28 février 1952 ;
Vu la convention de voisinage entre la France et la principauté de Monaco en date du 18 mai 1963 ;
Vu le traité de Rome en date du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ;
Vu l'acte relatif aux conditions d'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités en date du 12 juin 1985 ;
Vu le réglement C.E.E. n 2194/91 du conseil des communautés européennes relatif à la période transitoire applicable à la libre circulation des travailleurs entre, d'une part, l'Espagne et le Portugal et, d'autre part, les autres Etats membres, en date du 25 juin 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 1997 ;
- le rapport de M. BEZARD, conseiller ;
- et les conclusions de M. QUENCEZ, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision du 5 juillet 1994, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur de l'Office des migrations internationales a, en application du décret du 8 novembre 1990 modifiant le montant de la contribution spéciale instituée par l'article L.341-7 du code du travail, ramené le montant de la contribution spéciale mise à la charge de M. Z... de 29 760 francs à 7 440 francs ; que les conclusions de la requête de M. Z... relatives à cette contribution sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article R.105 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les délais supplémentaires de distance prévus aux articles 643 et 644 du Nouveau Code de procédure civile s'ajoutent au délai de deux mois prévu à l'article R.102 ..." et qu'aux termes de l'article 643 du nouveau code de procédure civile : "Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution d'appel ... (est augmentée) ... de deux mois pour (les personnes) qui demeurent à l'étranger." ;
Considérant que M. Z..., domicilié à Monaco, demeure à l'étranger ; que, par suite, il est en droit de bénéficier des délais de distance, dans les conditions fixées par l'article R.105 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de l'article 643 du nouveau code de procédure civile qui prévoient que le délai de recours contentieux est augmenté de deux mois pour les personnes demeurant à l'étranger ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et en particulier des termes mêmes du courrier qu'il a adressé, le 18 octobre 1989, à l'Office des migrations internationales, que M. Z... a eu connaissance au plus tard à cette date de la décision du directeur dudit office qui a rejeté son recours gracieux ; qu'ainsi M. Z... disposait d'un délai expirant le 19 février 1990 pour saisir le tribunal administratif de Nice d'une demande en décharge de la contribution spéciale à laquelle il a été assujetti ; que sa demande, enregistrée au greffe de ce tribunal le 18 janvier 1990, n'était pas tardive ; que, par suite, c'est à tort que le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté ladite demande au motif qu'elle était irrecevable pour avoir été déposée après l'expiration des délais de recours contentieux ; que, dès lors, M. Z... est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Z... ;
Sur le bien-fondé de la contribution spéciale restant en litige :
Considérant qu'il résulte du procès-verbal, établi par le chef de centre du travail, que le 25 novembre 1988 M. X..., de nationalité espagnole était occupé à poser un carrelage sur un chantier de construction d'un centre commercial situé zone industrielle Val Careï à Menton, alors qu'il ne possédait qu'un titre de travail monégasque pour le compte de l'entreprise M.J.C.B. dont le siège est à Monaco qui intervenait en sous-traitance, et dont M. Z... est le gérant ;
Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L.341-6 du code du travail : "Il est interdit à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, lorsque la possession de ce titre est exigée en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux." ; que le même code dispose, en son article L.341-7, que : "Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L.341-6, 1er alinéa sera tenu d'acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l'office des migrations internationales ..." ;
Considérant qu'aux termes des stipulations du paragraphe I de l'article 3 de la convention entre la France et la principauté de Monaco sur la sécurité sociale en date du 28 février 1952 : "Les travailleurs français ou monégasques salariés ou assimilés aux salariés par les législations applicables dans chacun des pays contractants, occupés dans l'un de ces pays, sont soumis aux législations en vigueur au lieu de leur travail." et qu'aux termes des stipulations de l'article 6 de la convention de voisinage entre la France et la principauté de Monaco en date du 18 mai 1963 : "Les étrangers détenteurs d'un titre de séjour français ou d'un titre de séjour monégasque circulent librement sur les deux territoires. Ils demeurent cependant soumis aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur dans l'un ou l'autre pays, relatives au séjour, à l'établissement et à l'exercice des activités professionnelles, ainsi qu'aux dispositions prévues par l'article 4 de la présente convention pour les étrangers détenteurs d'un titre de séjour français." ;

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 48 du traité de Rome : "1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté au plus tard à l'expiration de la période de transition. 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. 3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique : a) de répondre à des emplois effectivement offerts ; b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des Etats membres ; c) de séjourner dans un des Etats membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux ; d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements d'application établis par la Commission, sur le territoire d'un Etat membre, après y avoir occupé un emploi ..." ; qu'aux termes des stipulations de l'article 55 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités publié par le décret du 11 mars 1986 : "L'article 48 du traité C.E.E. n'est applicable, en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs entre l'Espagne et les autres Etats membres, que sous réserve des dispositions transitoires prévues aux articles 56 à 59 du présent acte." ; qu'aux termes de l'article 56 de l'acte précité : "Les articles 1er à 6 du règlement (C.E.E.) n 1612-68 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté ne sont applicables en Espagne à l'égard des ressortissants des autres Etats membres et dans les autres Etats membres à l'égard des ressortissants espagnols qu'à partir du 1er janvier 1993. Le royaume d'Espagne et les autres Etats membres ont la faculté de maintenir en vigueur jusqu'au 31 décembre 1992, respectivement à l'égard des ressortissants des autres Etats membres, d'une part, et des ressortissants espagnols, d'autre part, les dispositions nationales ou résultant d'accords bilatéraux soumettant à autorisation préalable l'immigration en vue d'exercer un travail salarié et/ou l'accès à un emploi salarié ..." et que l'expiration de la période transitoire visée aux articles 55 et 56 a été fixée au 31 décembre 1991 par le réglement C.E.E. n 2194/91 du Conseil des Communautés européennes relatif à la période transitoire applicable à la libre circulation des travailleurs entre, d'une part, l'Espagne et le Portugal et, d'autre part, les autres Etats membres ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les employeurs de travailleurs espagnols ne peuvent se prévaloir du principe de la libre circulation des travailleurs que fixe l'article 48 du traité de Rome que depuis le 1er janvier 1992 seulement, et que l'obligation faite aux ressortissants espagnols, en vertu de l'article L.311-4 du code du travail et de l'article 6 de la convention franco monégasque de bon voisinage du 18 mai 1963 d'obtenir au préalable une autorisation de travail délivrée par les autorités françaises est demeurée en vigueur jusqu'au 31 décembre 1991, ainsi que l'obligation pour les employeurs de travailleurs espagnols non munis d'un titre de travail français de se conformer aux exigences découlant de l'article L.341-6 du code du travail, sous peine de sanctions prévues à l'article L.341-7 de ce même
code ;
Considérant toutefois qu'en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : "La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires." ; que découle de ce principe, la règle selon laquelle la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prévoit des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux auteurs d'infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée ; que cette règle s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi aux sanctions administratives, au nombre desquelles figure la contribution spéciale que doit acquitter, en vertu de l'article L.341-7 précité du code du travail, l'employeur qui occupe des étrangers non munis du titre les autorisant à exercer une activité salariée en France ;
Considérant dès lors qu'il n'est plus légalement possible, depuis le 1er janvier 1992, d'infliger une sanction aux employeurs qui avaient commis avant cette date, en employant des travailleurs espagnols dépourvus d'autorisation, l'infraction prévue à l'article L.341-7 du code du travail, il y a lieu pour la cour administrative d'appel de Lyon statuant, en qualité de juge de plein contentieux, sur un appel dirigé contre un jugement qui n'est pas passé en force de chose jugée, de constater l'impossibilité de confirmer le prononcé d'une sanction sur le fondement de l'article L.341-7 précité ; que, par suite, M. Z... est fondé à demander à être déchargé de la somme de 7 440 francs restant à sa charge au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L.341-7 du code du travail ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant que les dispositions précitées s'opposent à ce que l'Office des migrations internationales qui succombe dans l'instance puisse obtenir le remboursement des frais irrépétibles ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'allouer à M. Z... la somme qu'il réclame au titre des frais qu'il a lui-même exposés ;
Article 1er : A concurrence de la somme de 22 320 francs en ce qui concerne la contribution spéciale visée à l'article L.341-7 du code du travail et mise à la charge de M. Jean-Claude Z..., il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par l'intéressé.
Article 2 : L'ordonnance du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Nice en date du 8 février 1994 est annulée.
Article 3 : M. Jean-Claude Z... est déchargé de l'obligation de payer la somme de 7 440 francs au titre de l'article L.341-7 du code du travail.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. Jean-Claude Z... et les conclusions présentées par l'Office des migrations internationales sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 94LY00715
Date de la décision : 20/05/1997
Sens de l'arrêt : Non-lieu à statuer partiel annulation décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-07-04-02 PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DELAIS - INTERRUPTION ET PROLONGATION DES DELAIS - PROLONGATION PAR DES TEXTES SPECIAUX -Délais de distance (articles R. 105 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et 643 du nouveau code de procédure civile) - Résidence à l'étranger - Principauté de Monaco.

54-01-07-04-02 Une personne domiciliée dans la principauté de Monaco est en droit de se prévaloir, en vertu des dispositions de l'article R. 105 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de l'article 643 du nouveau code de procédure civile, des délais de distance dont bénéficient les personnes demeurant à l'étranger.


Références :

Acte relatif à l'adhésion du Potugal et de l'Espagne aux Communautés européennes du 12 juin 1985 art. 55, art. 56
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R105, L8-1
Code du travail L341-7, L341-6, L311-4
Convention du 28 février 1952 France Monaco art. 3
Convention du 18 mai 1963 France Monaco art. 6
Décret 86-415 du 11 mars 1986
Décret 90-1008 du 08 novembre 1990
Nouveau code de procédure civile 643
Traité du 25 mars 1957 Rome art. 48


Composition du Tribunal
Président : M. Vialatte
Rapporteur ?: M. Bézard
Rapporteur public ?: M. Quencez

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1997-05-20;94ly00715 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award