Vu, I) enregistrée au greffe de la cour le 20 juillet 1993 sous le n 93LY01077, la requête présentée pour la commune de SAINT-BON COURCHEVEL régulièrement représentée par son maire en exercice, par Me Y..., avocat ;
La commune demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 22 avril 1993 par lequel le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser à la société "Les Anémones" une indemnité de 117.575,12 francs et à la société "Les Cinémas de Courchevel" une indemnité de 185.826,79 francs ;
2 ) de condamner l'architecte DUFOURD, les bureaux d'études INGECO et TECO-INGENIERIE et les sociétés Alain CHARDON et SMAC ACIEROID en leur qualité de personnes tenues de la garantie décennale, à payer à la commune de SAINT-BON COURCHEVEL la somme de 18 750,66 francs toutes taxes comprises représentant le coût de l'enlèvement des pavés trottoirs sable et résistances électriques et remise en place après réfection du sable, des pavés, montant de la facture remise à l'expert et retenue par lui ;
3 ) de débouter la société HOTEL LES ANEMONES de sa demande au titre de son préjudice d'exploitation ;
4 ) à titre infiniment subsidiaire, de fixer le préjudice d'exploitation de la SA HOTEL LES ANEMONES à la somme de 55 000 francs ;
5 ) de fixer le préjudice d'exploitation de la SARL CINEMAS de COURCHEVEL à la somme de 45 399 francs pour son activité cinéma ;
6 ) de condamner solidairement et en tous cas in solidum l'architecte Michel Z..., les bureaux d'études INGECO et TECO-INGENIERIE, les sociétés CHARDON, SMAC ACIEROID et TAEC-CASSOU-BORDAS à la relever et garantir sur le fondement de leur responsabilité civile professionnelle de toutes les condamnations qui seraient prononcées contre elle tant en principal qu'en intérêts, frais et dépens, au titre des désordres résultant des infiltrations par le trottoir côté ouest et au titre des préjudices commerciaux ;
7 ) de condamner les sociétés HOTEL LES ANEMONES et les CINEMAS DE COURCHEVEL à payer la moitié des frais d'expertise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 1997 ;
- le rapport de Mme BLAIS, conseiller ;
- les observations de Me SALAUN, avocat de la SARL Les cinémas de Courchevel, de la société Les Anémones et du groupe assurances mutuelles de France-Groupe Azur, et de Me PELET, avocat du bureau d'études Teco ingénierie ;
- et les conclusions de Mme ERSTEIN, commissaire du gouvernement ;
Sur la jonction des requêtes :
Considérant que les requêtes susvisées portent sur les conséquences de la même opération de travaux publics ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Au fond :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est pas contesté, qu'à la suite de travaux publics effectués en 1985 à COURCHEVEL 1850 pour le compte de la commune de Saint-Bon Courchevel, des infiltrations ont eu lieu dans l'immeuble "Le Tremplin", occupé par l'hôtel "Les Anémones" propriété de la société du même nom, et par un cinéma, propriété de la société Les Cinémas de Courchevel ; que la commune, qui a exécuté les travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres, a été condamnée par le jugement attaqué du 22 avril 1993, à payer à la société Les Anémones 39 575,12 francs hors taxe au titre de son préjudice matériel, et 78 000 francs hors taxe au titre de son préjudice commercial, et à la société Les Cinémas de Courchevel 98 226,79 francs hors taxe au titre de son préjudice matériel, et 87 000 francs hors taxe au titre de son préjudice commercial ; que le tribunal a rejeté le surplus des conclusions des deux sociétés, ainsi que les conclusions présentées par la commune tendant à la condamnation des constructeurs qu'elle avait chargés des travaux exécutés en 1985, à lui rembourser le coût des réparations effectuées par elle, et à la garantir des condamnations prononcées contre elle ; que par le même jugement le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions présentées par le Groupe Assurances Mutuelles de France, Groupe Azur, assureur de la société Les Anémones tendant à la condamnation de la commune à lui rembourser le montant des sommes versées à son assurée ; que par le jugement attaqué du 19 juin 1996 le tribunal administratif a également rejeté la requête séparée présentée par le Groupe Assurances Mutuelles de France contre la commune à la suite du jugement précédent ;
Considérant que la commune de Saint-Bon Courchevel conteste le bien-fondé et le montant des condamnations mises à sa charge, demande que les frais d'expertise soient partagés avec les sociétés, et réitère ses conclusions dirigées contre les constructeurs ; que les sociétés Les Anémones et les cinémas de Courchevel demandent l'actualisation de leur préjudice, ou des intérêts de retard ; que pour sa part le Groupe Assurances Mutuelles de France demande la condamnation de la commune à lui payer les sommes qu'il a versées à son assurée ;
Sur l'indemnisation des préjudices :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le Groupe Assurances Mutuelles de France a versé à la société Les Anémones, au titre des désordres en litige, successivement 26 520 francs, 7 153 francs et 11 150 francs, soit au total 44 608 francs toutes taxes comprises, et qu'il a été subrogé avant le jugement du 22 avril 1993 dans les droits de son assurée à concurrence de ces montants ; que la commune est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort qu'elle a été condamnée, par le jugement attaqué du 22 avril 1993 à payer à la société Les Anémones la somme de 39 575,12 francs hors taxe, dont il n'est pas contesté qu'elle correspond à l'indemnisation des mêmes désordres ; qu'il y a lieu de réformer le jugement sur ce point en diminuant de 39 575,12 francs hors taxe le montant des sommes dues par la commune à la société Les Anémones ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que par son jugement du 19 juin 1996 le tribunal administratif a rejeté la demande du Groupe Assurances Mutuelles de France au motif qu'il avait déjà condamné la commune de Saint-Bon Courchevel à payer la somme réclamée ; que si le Groupe Assurances Mutuelles de France est fondé à se prévaloir des droits de son assurée dans lesquels il est subrogé, ces droits ne sauraient excéder ceux reconnus à son subrogeant, soit 39.575,12 francs hors taxe ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de diminuer cette somme du montant des travaux à réaliser sur la porte de secours de l'hôtel même si la commune veut réaliser ces travaux ; que, par suite, après avoir annulé le jugement, la commune de Saint-Bon Courchevel est condamnée à verser au Groupe Assurances Mutuelles de France la somme de 39 575 francs augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 1993 date de la première demande devant le tribunal ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert comptable sapiteur désigné par le tribunal administratif, que les éléments essentiels de calcul du préjudice commercial allégué par la SA de l'Hôtel des Anémones, en particulier la perte de chiffre d'affaires afférente au sinistre, n'ont pas été fournis à l'expert, qui a du se livrer à un calcul théorique pour répondre à sa mission ; que dans ces conditions, la commune est fondée à soutenir que la réalité et l'étendue dudit préjudice, arrêté par le tribunal administratif à la somme de 78 000 francs, ne sont pas suffisamment établis et à demander à être déchargée de cette condamnation ;
Considérant, en troisième lieu, s'agissant du préjudice commercial de la société des "cinémas de COURCHEVEL", que la baisse de fréquentation des cinémas au plan national sur les circonstances de l'espèce ne peut être regardée comme ayant eu une incidence en l'espèce ; qu'en revanche, la commune est fondée à soutenir que l'ouverture par la société d'une autre salle a été de nature à compenser l'indisponibilité, au demeurant partielle, de la salle endommagée ; qu'eu égard à ces éléments, et compte tenu des frais et charges justifiés au dossier, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en ramenant à la somme de 70 000 francs le montant de la condamnation prononcée par le tribunal administratif de ce chef, soit à la somme de 168 826,79 la condamnation totale prononcée ; que cette somme porterait intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 1987, date de la première assignation de la commune jusqu'à la date de son paiement effectif, soit le 7 avril 1994 ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre les frais d'expertise liquidés à la somme de 45 220 francs pour moitié à la charge définitive de la commune, pour un sixième à celle de la société les cinémas de COURCHEVEL et pour un tiers à celle de la société Les ANEMONES ;
Sur les conclusions de la commune dirigées contre les constructeurs :
Considérant, en premier lieu, que si la commune de Saint-Bon Courchevel demande que les constructeurs soient condamnés à lui rembourser les frais qu'elle a exposés pour mettre fin aux désordres, il ne résulte pas de l'instruction que lesdits désordres aient été de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs, qui peut seule être invoquée dès lors que les travaux publics auxquels ils ont participé ont été réceptionnés sans réserve ;
Considérant, en second lieu, et en tout état de cause, si à raison des désordres subis par les deux sociétés, la commune entend engager la responsabilité contractuelle des constructeurs, ses conclusions d'appel en garantie ne sauraient être accueillies dès lors, ainsi qu'il vient d'être dit, que la réception des travaux publics est intervenue ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner la commune de Saint-Bon Courchevel, à verser aux sociétés Satec Cassou Bordas, Smac Acéroid, et au bureau d'études TECO ingénierie, et au Groupe Assurances Mutuelles de France chacun 2 000 francs en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : L'article 2 du jugement du 22 avril 1993 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La somme que la commune de Saint-Bon Courchevel a été condamnée à payer à la société "les cinémas de Courchevel" par l'article 3 du jugement du 22 avril 1993 est ramenée à 168.826,79 francs, augmentés des intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 1987 jusqu'au 7 avril 1994.
Article 3 : La commune de Saint-Bon Courchevel paiera au Groupe Assurances Mutuelles de France la somme de 39 575,12 francs, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 1993.
Article 4 : Les frais d'expertise exposés en 1ère instance sont mis à la charge de la commune de Saint-Bon Courchevel, de la société Les Anémones et de la société Les Cinémas de COURCHEVEL, à concurrence respectivement de la moitié, du tiers et du sixième.
Article 5 : Le jugement du 22 avril 1993 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le jugement du 19 juin 1996 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 7 : La commune de Saint-Bon Courchevel versera aux sociétés Satec Cassou Bordas, SMAC Aceroid, à TECO A...
X..., et au Groupe Assurances Mutuelles de France chacun 2 000 francs en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 8 : Le surplus des conclusions de la commune de Saint-Bon Courchevel et du Groupe Assurances Mutuelles de France, et des appels incidents des sociétés Les Anémones et les cinémas de Courchevel est rejeté.