Vu 1 ) sous le n 93LY00178, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la cour les 11 février et 23 avril 1993, présentés pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, dont le siège social est rue Emile Ollivier, ZUP La Roche à Toulon cédex (83082), par Me DE D..., avocat aux Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
La caisse primaire d'assurance maladie du Var demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 10 décembre 1992 en tant que par ledit jugement le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant au remboursement des prestations servies à Mme Fadila B... ;
2 ) de lui accorder le remboursement des frais d'hospitalisation intervenus du 13 juillet 1988 du 16 décembre 1992, soit la somme de 103.479,47 francs outre intérêts de droit, sauf à parfaire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 1997 :
- le rapport de M. JOUGUELET, président-rapporteur ;
- les observations de Me GOUTX, avocat de M. B... et des consorts Z... ;
- et les conclusions de Mme ERSTEIN, commissaire du gouvernement ;
Sur la jonction :
Considérant que la requête présentée par le centre hospitalier intercommunal de Toulon et celle déposée par la caisse primaire d'assurance maladie du Var sont relatives aux conséquences des mêmes transfusions sanguines et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu en conséquence de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur la requête du centre hospitalier intercommunal de Toulon :
En ce qui concerne la régularité de la procédure devant le tribunal :
Considérant que Mme B... qui a présenté devant le tribunal administratif de Nice une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Toulon à réparer les conséquences de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine en raison de transfusions sanguines, est décédée le 28 avril 1993, alors que le jugement du tribunal a été lu le 10 décembre 1992 ; qu'ainsi, et en tout état de cause, l'instance n'avait pas à être reprise par ses ayants droit avant ce jugement ;
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'en raison d'un accouchement par césarienne le 1er août 1983 au centre hospitalier intercommunal de Toulon, Mme B... a reçu deux transfusions sanguines les 2 et 4 août suivants ; qu'à l'occasion d'une amniocentèse pratiquée en 1988, la présence du virus de l'immunodéficience humaine a été détectée ; qu'il n'est pas contesté que l'intéressée n'était pas porteuse de ce virus avant les deux transfusions pratiquées en 1983 ; qu'aucun autre fait survenu entre le mois d'août 1983 et la révélation du virus ne peut expliquer la contamination dont elle était atteinte ; que, dans ces conditions, Mme B... doit être regardée comme ayant apporté la preuve du lien de causalité entre ces transfusions et ladite contamination ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions de la loi du 21 juillet 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de collecte du sang et ont pour mission d'assurer le contrôle médical des prélèvements, le traitement, le conditionnement et la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est ainsi confiée par la loi qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ; qu'ainsi le préjudice résultant pour un malade de sa contamination par des produits sanguins transfusés est imputable à la personne morale publique ou privée dont relève le centre de transfusion sanguine qui a élaboré les produits utilisés ;
Considérant qu'il n'est pas établi ni même allégué que les produits sanguins transfusés à Mme B... à l'occasion de son accouchement par césarienne le 1er août 1983 et qui sont à l'origine de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine auraient été fournis par un centre de transfusion ne relevant pas du centre hospitalier intercommunal de Toulon ; qu'ainsi, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice l'a déclaré responsable des conséquences dommageables de la contamination de Mme B... par le virus de l'immunodéficience humaine ;
En ce qui concerne l'évaluation des préjudices subis par Mme B... :
Quant à l'appel incident présenté par MM. C... et X... GHADJ-GHEDJ :
Considérant que MM. C... et X... GHADJ-GHEDJ, fils de Mme B..., demandent la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Toulon à leur verser personnellement une somme d'un million de francs en réparation des préjudices subis par leur mère avant son décès ; qu'ils ne prétendent pas agir au nom de la succession de Mme B... comprenant notamment son second époux et sa fille Sabrina ; que, dès lors, leurs conclusions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
Quant à l'appel incident présenté par M. B... au nom de la succession de son épouse :
Considérant, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la proposition d'indemnisation faite à la succession de Mme B... par le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine, a été acceptée ; qu'ainsi, et en tout état de cause, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que la succession n'aurait plus d'intérêt la rendant irrecevable à faire un appel incident tendant à la majoration de l'indemnité fixée par le jugement contesté ;
Considérant, d'autre part, que M. B... réclame, au nom de la succession, la réparation du préjudice matériel subi par Mme B... ou ses ayants droit ; qu'il résulte de l'instruction que la succession justifie des frais d'obsèques qu'elle a supportés à concurrence de 9.800 francs ; qu'en revanche les frais constitués par le forfait journalier qui doit rester à la charge de toute personne hospitalisée, ne sont pas au nombre des dépenses pouvant être mises à la charge de l'auteur du dommage à l'origine de l'hospitalisation ; qu'enfin les frais de déplacement de M. B... et de sa fille à l'occasion de l'enterrement de Mme B... constituent un préjudice personnel et non un préjudice subi par la succession ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B..., agissant au nom de la succession, est seulement fondé à demander à ce que l'indemnité de 700 000 francs fixée par le tribunal soit portée à la somme de 709 800 francs ;
En ce qui concerne la réparation des préjudices personnels subis par le père, la mère, les frères et soeurs, l'époux et les enfants de Mme B... :
Considérant que M. B... Saadi agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure, Sabrina B..., M. Z... Mohamed Salah, Mme Rabia Y..., M. Mohamed-Kamel Z..., Mme Faouzia Z..., M. Mohamed Abdelwahab Z..., Mme Z... Nadia, Mme Fatima E...
Z..., Mme Z... Hayet, M. Mohamed-Redha A... et M. X...
A... n'ont pas demandé en première instance la condamnation du centre hospitalier à les indemniser de leurs préjudices personnels ; que, par suite, leurs conclusions constituent des demandes nouvelles en appel et sont, de ce fait, irrecevables ;
Sur la requête de la caisse primaire d'assurance maladie du Var :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier intercommunal de Toulon : Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Var a présenté devant les premiers juges une demande tendant au versement d'une indemnité de 10.000 francs ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, cette demande était chiffrée ; que, par suite, la caisse est recevable, en tout état de cause, à faire appel du jugement ;
En ce qui concerne la régularité du jugement :
Considérant que le tribunal administratif était en droit de rejeter pour défaut de justification la demande présentée par la caisse, sans au préalable informer les parties de ce motif de rejet, dès lors qu'il ne s'agit pas d'un moyen soulevé d'office ; que, par suite, la caisse n'est pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier pour avoir été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
En ce qui concerne le montant de l'indemnité due à la caisse :
Considérant que la caisse primaire a présenté pour la première fois en appel un relevé de ses débours faisant apparaître un montant de 251.811,19 francs représentant les frais d'hospitalisation de Mme B... au centre hospitalier intercommunal de Toulon ;
Considérant que la caisse ne peut réclamer devant la cour le remboursement des frais qu'elle a supportés avant le jugement attaqué dès lors qu'elle n'en a pas réclamé l'indemnisation au tribunal administratif ; qu'il résulte de l'instruction que, pour la période précédant le 3 décembre 1992, jour de l'audience au cours de laquelle cette affaire a été appelée, la caisse avait limité à 10.000 francs sa réclamation ; que, pour cette période, l'indemnisation de son préjudice doit donc être limitée à cette somme ; qu'en revanche, pour la période du 3 décembre 1992 au 28 avril 1993, date du décès de Mme B..., elle a droit au remboursement de ses débours qui s'élèvent à la somme de 125.477,90 francs ; qu'ainsi, la caisse primaire d'assurance maladie est fondée à demander l'annulation de l'article 4 du jugement du 10 décembre 1992 du tribunal administratif de Nice et la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Toulon à lui verser une indemnité de 135.477,90 francs ;
En ce qui concerne les intérêts :
Considérant que la caisse a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 10 000 francs à compter du 28 octobre 1991, date d'enregistrement du mémoire de la caisse au greffe du tribunal administratif ; que les sommes de 41 204,80 francs et de 84 267,10 francs porteront intérêts à compter respectivement du 11 février 1993 et du 23 avril 1993 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier intercommunal de Toulon qui n'est pas la partie perdante à l'égard de M. Mohamed-Reda A... et Amine GHADJ-GHEDJ, soit condamné à leur verser une somme quelconque au titre des frais supportés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme que le centre hospitalier intercommunal de Toulon a été condamné à payer à Mme B... par l'article 1er du jugement en date du 10 décembre 1992 est portée à 709 800 francs pour être versée à la succession de Mme B....
Article 2 : L'article 1er du jugement du 10 décembre 1992 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire.
Article 3 : L'article 4 du jugement du 10 décembre 1992 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 4 : Le centre hospitalier intercommunal de Toulon est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Var une somme de 135 477,90 francs, outre intérêts calculés comme il est précisé ci-dessus.
Article 5 : La requête du centre hospitalier intercommunal de Toulon, le surplus de la requête de la caisse primaire d'assurance maladie du Var et du recours incident de la succession de Mme B... ainsi que les appels incidents de que M. B... Saadi agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure Sabrina B..., M. Z... Mohamed Salah, Mme Rabia Y..., M. Mohamed-Kamel Z..., Mme Faouzia Z..., M. Mohamed Abdelwahab Z..., Mme Z... Nadia, Mme Fatima E...
Z..., Mme Z... Hayet, M. Mohamed-Redha A... et M. X...
A... sont rejetés.