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13/02/1997 | FRANCE | N°94LY00232

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 13 février 1997, 94LY00232


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 4 février et 22 mars 1994, présentés pour le centre hospitalier de THONON LES BAINS, dont le siège est ... LES BAINS, représenté par son directeur en exercice, par Me Y... LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Le centre hospitalier de THONON LES BAINS demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 912207, en date du 3 décembre 1993, par lequel le tribunal administratif de GRENOBLE l'a condamné à verser des indemnités de 500.000 franc

s à M. André Z..., de 30.000 francs à Mme Edith X... et de 1.360.098,50 ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 4 février et 22 mars 1994, présentés pour le centre hospitalier de THONON LES BAINS, dont le siège est ... LES BAINS, représenté par son directeur en exercice, par Me Y... LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Le centre hospitalier de THONON LES BAINS demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 912207, en date du 3 décembre 1993, par lequel le tribunal administratif de GRENOBLE l'a condamné à verser des indemnités de 500.000 francs à M. André Z..., de 30.000 francs à Mme Edith X... et de 1.360.098,50 francs, outre les intérêts au taux légal, à la CAISSE DE MUTUALITE AGRICOLE DE L'AIN, en réparation des préjudices qu'ils ont subis à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée sur M. André Z... le 9 septembre 1986 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. André Z..., Mme Edith X... et la CAISSE DE MUTUALITE AGRICOLE DE L'AIN devant le tribunal administratif de GRENOBLE ;
3°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en réduisant l'indemnité accordée au titre de l'incapacité permanente partielle, qu'il estime excessive ;
Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 1997 :
- le rapport de M. MONTSEC, conseiller ;
- les observations de Me LE PRADO, avocat du Centre Hospitalier de Thonon-les-Bains, de Me GOSSET, avocat de M. Z... et de Mme X..., et de Me MONTMASSON, avocat de la Caisse Mutualité Sociale Agricole de l'Ain ; - et les conclusions de Mme ERSTEIN, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. André Z..., qui souffrait d'une lombo-sciatalgie rebelle aux traitements classiques de cette affection, a subi, le 9 septembre 1986, une chimionucléolyse à l'occasion de laquelle il a présenté un grave choc anaphylactique qui a laissé chez ce patient d'importantes séquelles neurologiques ; que, par le jugement attaqué en date du 3 décembre 1993, le tribunal administratif de GRENOBLE a condamné le CENTRE HOSPITALIER DE THONON LES BAINS, où M. Z... avait subi cette intervention, à verser à ce dernier une indemnité de 500.000 francs, à Mme Edith X... son épouse, une indemnité de 30.000 francs et enfin à la CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE L'AIN une indemnité de 1.360.098,50 francs, outre les intérêts au taux légal ;
Sur la responsabilité :
Considérant que, lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise, que la chimionucléolyse pratiquée sur M. Z... était nécessaire au traitement de la lombo-sciatalgie dont il souffrait ; que ce traitement présente un risque, connu à la date de l'intervention, de réaction allergique dans 1 à 2 % des cas ; que toutefois, cette réaction reste le plus souvent bénigne et que le risque de lésion cérébrale majeure, telle qu'en l'espèce, reste beaucoup plus exceptionnel, avec une fréquence de l'ordre de 6 à 23 cas pour 10.000 selon les diverses études réalisées sur ce sujet ; que rien ne laissait supposer que M. Z... y était plus particulièrement exposé, alors qu'aucun test fiable n'était à l'époque disponible ; que, dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient le CENTRE HOSPITALIER DE THONON LES BAINS, les suites de cette réaction allergique ne peuvent être regardées comme une conséquence de la maladie initiale de M. Z... ; qu'enfin, M. Z... est désormais dépendant pour la plupart des activités quotidiennes, même les plus simples, en raison de l'importance particulière des séquelles d'origine neurologiques dont il souffre, sous la forme d'une atteinte des fonctions supérieures, d'un syndrôme frontal important, de troubles de mémoire également qualifiés d'importants, de troubles de fixation majeurs, de troubles praxiques dans les domaines idéatoire, idéomoteur et constructif, de troubles gnosiques portant sur les images et les couleurs, de désorientation temporelle et spatiale, de troubles du schéma corporel ; que M. Z... est aujourd'hui, notamment, incapable de s'habiller seul, de lire, d'écrire et même de signer ; que ces handicaps irréversibles nécessitent de façon quotidienne la présence et l'aide d'une tierce personne ; que les dommages subis par M. Z... du fait de l'intervention litigieuse présentent donc un caractère d'extrême gravité ; qu'ainsi, le CENTRE HOSPITALIER DE THONON LES BAINS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, l'a déclaré, en l'absence de toute faute qui lui serait imputable, responsable des préjudices résultant de cette intervention ;
Sur l'évaluation de l'indemnité allouée à M. Z... :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif, que M. Z..., âgé de 51 ans à l'époque des faits, a été frappé d'une incapacité temporaire totale du 9 septembre 1986 au 9 mai 1989 ; que son état a été définitivement consolidé le 9 mai 1989 et que le taux d'incapacité permanente partielle a été fixé par l'expert à 80 % ; qu'il a besoin de l'aide permanente d'une tierce personne ; que son activité physique et surtout intellectuelle est sérieusement réduite ; que la douleur morale qu'il a subie et continue à subir du fait de l'état ou il est réduit doit être regardée en l'espèce comme très importante ; que dans ces circonstances, le tribunal administratif a fait une exacte appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence de M. Z..., y compris les douleurs physiques et morales, en évaluant ce chef de préjudice à la somme de 500.000 francs, déduction faite de la part physiologique sur laquelle s'est imputée la créance de la CAISSE DE MUTUALITE AGRICOLE DE L'AIN ; qu'ainsi, le centre hospitalier de THONON LES BAINS n'est pas fondé à soutenir, à titre subsidiaire, que l'indemnité allouée à M. Z... par les premiers juges est excessive et Mme X..., épouse Z..., n'est pas non plus fondée à demander l'allocation d'une indemnité supplémentaire de 100.000 francs au titre du préjudice moral subi par son mari ; Sur les intérêts :
Considérant que M. et Mme Z... demandent en appel la capitalisation année par année des intérêts des indemnités qui leur sont dues ; que, ce faisant, ils doivent être regardés comme demandant les intérêts sur lesdites indemnités ; que, toutefois, cette demande relative au versement des intérêts n'est recevable qu'en tant qu'elle s'applique aux indemnités dont le principal n'avait pas encore été versé aux intéressés à la date à laquelle elle a été formulée, par mémoire enregistré le 1er juillet 1994 ; que M. et Mme Z... ont donc droit aux intérêts pour la fraction des indemnités en capital qui leur restaient dues à la date du 1er juillet 1994, par le CENTRE HOSPITALIER DE THONON LES BAINS, calculés à compter de la date de réception par celui-ci de leur demande préalable d'indemnité, soit le 5 novembre 1988 ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 1er juillet 1994 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts sur la part des indemnités non encore versées à cette date, comme il a été dit ci-dessus ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les frais d'expertise exposés en première instance :
Considérant que le jugement susvisé du tribunal administratif de GRENOBLE doit être annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la charge définitive des frais d'expertise ordonnés par le président du tribunal le 22 mars 1989 ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ce point et, dans les circonstances de l'espèce, de mettre ces frais à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE THONON LES BAINS. Sur les conclusions tendant à l'allocation des frais non compris dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE THONON LES BAINS à payer la somme de 5.000 francs à Mme Z... et la somme de 2 000 francs à la CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE L'AIN ;
Article 1er :La requête du Centre hospitalier de THONON LES BAINS est rejetée.
Article 2 : La fraction des indemnités en capital restant dues à M. et Mme Z... à la date du 1er juillet 1994, en application du jugement du tribunal administratif de GRENOBLE du 3 décembre 1993, portera intérêt à compter du 5 novembre 1988. Les intérêts échus le 1er juillet 1994 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions incidentes de M. et Mme Z... est rejeté.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de GRENOBLE en date du 3 décembre 1993 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les frais d'expertise.
Article 5 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE THONON LES BAINS.
Article 6 : Le CENTRE HOSPITALIER DE THONON LES BAINS versera à Mme X..., épouse Z... une somme de 5.000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 7 : Le CENTRE HOSPITALIER DE THONON LES BAINS versera à la CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE L'AIN une somme de 2.000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94LY00232
Date de la décision : 13/02/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-01-01-02-02-04 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE MEDICALE : ACTES MEDICAUX - ABSENCE DE FAUTE MEDICALE DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DU SERVICE PUBLIC - EXECUTION DU TRAITEMENT OU DE L'OPERATION


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MONTSEC
Rapporteur public ?: Mme ERSTEIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1997-02-13;94ly00232 ?
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