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30/01/1997 | FRANCE | N°92LY01490

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 30 janvier 1997, 92LY01490


Vu, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 décembre 1992, présentée pour la commune de BELLENTRE 73210 BELLENTRE, représentée par son maire en exercice régulièrement habilité par délibération du conseil municipal, par Me Y..., avocat ;
La commune demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du 22 septembre 1992 du tribunal administratif de Grenoble ;
2 ) de condamner solidairement M. X..., Me Z... et MEILLE en qualité de syndic à la liquidation des biens de la Société AQUATIC et le syndicat intercommunal de la Grande Plagne à lui payer :
- la somme

de 580 334,35 francs au titre des travaux de réfection intégrale de la pisci...

Vu, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 décembre 1992, présentée pour la commune de BELLENTRE 73210 BELLENTRE, représentée par son maire en exercice régulièrement habilité par délibération du conseil municipal, par Me Y..., avocat ;
La commune demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du 22 septembre 1992 du tribunal administratif de Grenoble ;
2 ) de condamner solidairement M. X..., Me Z... et MEILLE en qualité de syndic à la liquidation des biens de la Société AQUATIC et le syndicat intercommunal de la Grande Plagne à lui payer :
- la somme de 580 334,35 francs au titre des travaux de réfection intégrale de la piscine, outre intérêts au taux légal à compter de la date du règlement de ce montant ou à défaut de la demande en date du 10 mai 1990, avec capitalisation des intérêts au 21 août 1992 ;
- la somme de 60 064,60 francs au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre, outre intérêts au taux légal à compter de la date du règlement de cette somme ou à défaut de la demande en date du 10 mai 1990, et capitalisation des intérêts au 21 août 1992 ;
- la somme de 90 911,97 francs au titre du coût des travaux de réfection partielle de la piscine entrepris par la commune de BELLENTRE, outre intérêts au taux légal à compter du 16 août 1988 et capitalisation des intérêts au 10 mai 1990, 21 août 1992 ;
- la somme de 150 000 francs à titre de manque à gagner subi par la commune de BELLENTRE résultant de la fermeture de la piscine en raison des désordres l'affectant et des travaux de réfection entrepris, outre intérêts au taux légal à compter du 16 août 1988 et capitalisation des intérêts au 10 mai 1990, 21 août 1992 ;
- la somme de 60 000 francs en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, au titre des différents frais supportés par la commune de BELLENTRE découlant de ces désordres ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 1997 :
- le rapport de M. MONTSEC, conseiller ;
- les observations de Me BARRI substituant Me BORDET, avocat de M. X... ;
- et les conclusions de Mme ERSTEIN, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le Syndicat intercommunal de La Grande Plagne (SIAGP) a fait construire en 1978 à MONTCHAVIN, par l'architecte M. X... et l'entreprise AQUATIC, une piscine qui a été remise à la commune de BELLENTRE le 31 décembre 1983 ; que la commune recherche la responsabilité solidaire des constructeurs et du syndicat intercommunal en vue de réparer les désordres apparus ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que le conseil municipal de BELLENTRE a autorisé par une délibération du 20 novembre 1992 le maire à faire appel du jugement attaqué en date du 22 septembre 1992 du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa requête ; que, par ailleurs, la circonstance que la commune a recherché la responsabilité des sous-traitants et de l'assureur de la société AQUATIC devant le juge judiciaire ne lui ôte pas tout intérêt à agir devant le juge administratif ; que, par suite, les fins de non recevoir opposées par l'architecte doivent être écartées ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que la délibération en date du 20 novembre 1992 du conseil municipal de BELLENTRE a eu pour objet d'autoriser le maire notamment à agir devant le tribunal administratif à l'encontre des responsables des désordres et malfaçons apparus sur la piscine de MONTCHAVIN ;
Considérant toutefois que pour rejeter les conclusions présentées par la commune sur le fondement de la garantie décennale, le tribunal a d'office relevé que, faute d'une réception, il n'avait pas été mis fin aux relations contractuelles, sans en aviser préalablement les parties conformément aux exigences de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, par suite, le jugement est dans cette mesure entaché d'irrégularité ; qu'il y a donc lieu de l'annuler en conséquence et d'évoquer pour qu'il soit statué immédiatement sur la demande dont s'agit de la commune ;
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne la responsabilité décennale des constructeurs :
Considérant que si le SIAGP est le maître d'ouvrage de la piscine, il résulte de ce qui a été dit précédemment que cet ouvrage a été remis à la commune sans aucune restriction quant à l'exercice de l'action tendant à la mise en jeu de la responsabilité décennale des constructeurs ; que, dès lors, la commune est en droit d'exercer cette action ;
Considérant qu'il est constant qu'aucune réception expresse n'est intervenue ; que toutefois si à la fin des travaux des réserves ont été émises, elles portaient sur des dysfonctionnements de peu d'importance et sans rapport avec les désordres survenus ultérieurement et il y a été mis fin par des travaux appropriés ; qu'enfin, aucun désordre n'est apparu pendant la période de 3 ans qui a suivi la prise de possession de la piscine en vue de son exploitation par la régie municipale de BELLENTRE le 1er juillet 1979 ; qu'ainsi, la commune est fondée à soutenir qu'il était de la commune intention des parties de recevoir l'ouvrage dont s'agit à cette date ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des constatations de l'expert que la coque de polyester du bassin a présenté des cloques et des fissurations ainsi que des déchirures dont les bords étaient coupants ; que de tels désordres étaient de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'il ressort des constatations de l'expert commis que ces désordres sont imputables à la conception du procédé et aux conditions d'exécution des travaux ; que la commune est donc fondée à demander la condamnation solidaire de la société AQUATIC qui a réalisé les travaux et de l'architecte X... qui en assurait la surveillance sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, sans qu'il y ait lieu en l'espèce de retenir à l'encontre de la commune un manque d'entretien de l'ouvrage ;
En ce qui concerne la responsabilité du SIAGP :
Considérant que la commune de BELLENTRE se borne à demander la condamnation du Syndicat intercommunal sur le fondement de sa responsabilité contractuelle ; que toutefois, il ne ressort pas de l'instruction que cette collectivité ait passé un contrat avec le SIAGP ; qu'en tout état de cause, la commune n'a fait aucune réserve lors de la remise de la piscine qu'elle a acceptée ; que, dans ces conditions et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la déchéance quadriennale opposée par le SIAGP, elle n'est pas fondée à demander la condamnation dudit syndicat ;
Sur le montant de l'indemnisation :
Considérant qu'il ressort du rapport de l'expert qu'il y avait lieu de procéder à la réfection totale de la coque du bassin ; que si le montant de ces travaux a été évalué à la somme de 636 093,90 francs ou de 602 398,95 francs toutes taxes comprises, selon qu'il s'agissait d'une réfection à l'identique ou d'un procédé traditionnel, sans qu'ait été pris en compte le coût de la maîtrise d'oeuvre, il ressort des pièces du dossier qu'en 1989 la commune a procédé aux réparations nécessaires, qui se sont élevées à 640 398,95 francs T.T.C., y compris les frais de maîtrise d'oeuvre ; qu'il y a lieu dans ces conditions de retenir le coût réel pour fixer le montant de l'indemnité due, sans que cette somme fasse l'objet d'un abattement pour tenir compte de la vétusté de la peinture eu égard à la particularité dudit produit en l'espèce ; qu'il y a lieu d'ajouter la somme de 90 911,97 francs correspondant aux réparations partielles que la commune a dû assurer en vue de permettre la fréquentation de la piscine par le public ;

Considérant toutefois que si la commune demande l'indemnisation pour un montant de 150 000 francs à raison d'un préjudice commercial, cette conclusion n'est assortie d'aucun justificatif ; qu'en conséquence, il y a lieu de la rejeter ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune a droit à une indemnité de 731 310,92 francs ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 août 1988 à hauteur de 90 911,97 francs, et du 10 mai 1990 comme il est demandé, faute de justification d'une date antérieure, pour le surplus ;
Considérant que les intérêts échus sur la somme de 90 911,97 francs seront capitalisés à la date du 10 mai 1990 ; que les intérêts calculés sur la totalité de l'indemnité seront capitalisés les 21 août 1992, 6 décembre 1994 et 18 décembre 1995, sans qu'il y ait lieu de procéder à une capitalisation aux autres dates avancées dès lors qu'il ne s'était pas écoulé une année depuis la demande précédente ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais d'expertise liquidés et taxés par ordonnance du président du tribunal à la somme de 16 414 francs doivent être mis à la charge solidaire de M. X... et de la société AQUATIC ;
Sur l'appel en garantie :
Considérant qu'il ressort du rapport de l'expert que les désordres litigieux sont dus essentiellement à l'irrégularité et à l'insuffisance de l'épaisseur de la coque en polyester, aux conditions d'exécution des travaux alors que la température était trop basse, ce qui a eu pour effet une sous-polymérisation des résines, à l'utilisation d'un support béton insuffisamment sec qui a empêché une bonne adhérence de la coque et à un défaut de protection des arêtes de bajoyer, enfin au procédé utilisé par AQUATIC ; que dans ces conditions, l'architecte, qui n'était chargé que de la surveillance des travaux, est fondé à demander que la société AQUATIC soit condamné à le garantir à concurrence de 80 % de la condamnation solidaire prononcée ci-dessus ;
Sur les frais du procès :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner M. X... et la société AQUATIC à payer chacun la somme de 3 000 francs à la commune de BELLENTRE au titre des frais irrépétibles du procès, et de rejeter la demande présentée à ce titre par le SIAGP ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 22 septembre 1992 est annulé en ce qu'il a statué sur les conclusions relatives à la garantie décennale.
Article 2 : M. X... et la société AQUATIC sont condamnés solidairement à verser à la commune de BELLENTRE la somme de 731 310,92 francs qui portera intérêts au taux légal à compter du 16 août 1988 sur la somme de 90.911,22 francs, et à compter du 10 mai 1990 sur le solde ; les intérêts échus le 10 mai 1990 sur la somme de 90.911,22 francs seront capitalisés à cette date et les intérêts sur la totalité de la somme seront capitalisés les 21 août 1992, 6 décembre 1994 et 18 décembre 1995.
Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge solidaire de M. X... et de la société AQUATIC.
Article 4 : La société AQUATIC est condamnée à garantir M. X... à hauteur de 80 % des condamnations solidaires prononcées ci-dessus par les articles 2 et 3.
Article 5 : M. X... et la société AQUATIC sont condamnés à verser chacun à la commune de BELLENTRE la somme de 3 000 francs au titre des frais irrépétibles du procès.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions du SIAGP sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 92LY01490
Date de la décision : 30/01/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

67-02-03-02 TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - LIEN DE CAUSALITE - ABSENCE


Références :

Code civil 1792, 2270
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R153-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MONTSEC
Rapporteur public ?: Mme ERSTEIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1997-01-30;92ly01490 ?
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