Vu l'arrêt en date du 19 février 1996, enregistré au greffe de la cour le 7 mars 1996, par lequel le Conseil d'Etat a annulé l'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 17 juin 1993 en tant qu'il se prononce sur les conclusions de la requête de la Société auxiliaire d'entreprises et de l'appel provoqué de M. X..., architecte, relatives aux désordres affectant la toiture-terrasse du centre interurbain des télécommunications d'Annecy et a renvoyé lesdites conclusions devant la cour ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 1er et 3 août 1990, présentés pour la Société auxiliaire d'entreprises, dont le siège social est ..., représentée par son président directeur général, par la SCP CHASSAGNE, LATRAICHE-GUERIN, BOVIER, avocat au barreau de Lyon ;
La Société auxiliaire d'entreprises (S.A.E.) demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 16 mai 1990 en tant que par ce jugement le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée, solidairement avec M. X..., architecte, à verser à l'Etat (ministre délégué à la postes, aux télécommunications et à l'espace), d'une part, une somme de 731 808 francs en réparation des désordres affectant l'étanchéité de la toiture-terrasse du grand centre interurbain des télécommunications d'Annecy, d'autre part, une somme de 134 900 francs en réparation des défectuosités affectant les châssis en bois des fenêtres ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par l'Etat (ministre délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace) devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à la réparation des désordres affectant l'étanchéité de la toiture-terrasse et de réduire le montant de la condamnation du tribunal tendant à la réparation des défectuosités affectant les châssis en bois des fenêtres en augmentant le coefficient de vétusté ;
Vu le mémoire en défense et appel provoqué, enregistré le 9 janvier 1991, présenté pour M. X..., architecte, demeurant ..., par Me Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 1996 :
- le rapport de M. JOUGUELET, président-rapporteur ;
- les observations de la SCP CHASSAGNE LATRAICHE PINTI, avocat de la société auxiliaire d'entreprise, de Me Y... substituant la SCP ANDRES BELIN DE CHANTEMERLE, avocat de France Télécom ;
- et les conclusions de M. RIQUIN, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 1er février 1988 établi en exécution d'une ordonnance en référé du président du tribunal administratif de Grenoble que le complexe d'étanchéité de la toiture-terrasse du centre interurbain des télécommunications d'Annecy présentait une déformation anormale sur la périphérie de la dalle ainsi que des décollements et des cisaillements des relevés sur les acrotères ; qu'en raison de ces malfaçons, des infiltrations d'eau se sont produites même après l'intervention de l'entreprise DUBOIS pour effectuer des reprises partielles de ce complexe d'étanchéité ; que ces désordres qui affectent notamment l'isolation placée sous l'étanchéité, rendaient l'immeuble impropre à sa destination et étaient de nature à engager la responsabilité solidaire de la société auxiliaire d'entreprises, titulaire des travaux, et de M. X..., architecte, chargé de la surveillance des travaux, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant que la réception provisoire de l'ouvrage a été prononcée le 28 avril 1978 ; qu'à supposer que cette réception constitue le point de départ de la garantie décennale, il ressort des pièces du dossier que l'Etat a saisi le tribunal administratif de Grenoble le 21 mai 1987 d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la société auxiliaire d'entreprise et de M. X... sur le fondement de la garantie décennale à supporter les conséquences dommageables des malfaçons affectant l'étanchéité de la toiture-terrasse ; que, dans ces conditions, le délai de garantie n'était pas expiré quand l'Etat a introduit son action devant le tribunal ;
Considérant qu'il ressort des constatations de l'expert que le maître de l'ouvrage n'avait pas correctement entretenu le complexe d'étanchéité en laissant pousser de la végétation ; que le tribunal administratif a fait une juste appréciation de la responsabilité ainsi encourue par l'Etat, aux droits duquel vient FRANCE TELECOM, en laissant à sa charge 15 % du coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres ;
Considérant enfin, que contrairement à ce que soutient la Société auxiliaire d'entreprises, aucune pièce du dossier n'établit que l'entreprise DUBOIS a, de façon accidentelle, perforé le complexe d'étanchéité à l'occasion des travaux qu'elle a réalisés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société auxiliaire d'entreprises et M. X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif les a déclarés solidairement responsables de 85 % des conséquences dommageables des malfaçons affectant l'étanchéité de la toiture-terrasse du centre interurbain des télécommunications ;
Sur la réparation :
Considérant que le tribunal administratif a évalué à 731 808 francs, indemnité incluant la taxe sur la valeur ajoutée, le montant auquel pouvait prétendre l'Etat ; que, d'une part, contrairement à ce que soutiennent la Société auxiliaire d'entreprises et M. X..., les travaux de reprises partielles effectués par l'entreprise DUBOIS ont été rendus indispensables par les malfaçons affectant l'étanchéité et ont eu pour effet d'en réduire les conséquences dommageables ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu leur montant dans le préjudice de l'Etat ; que, d'autre part, les désordres en cause étant apparus moins d'un an après la réception définitive des bâtiments, aucun abattement pour vétusté ne devait être appliqué ;
Considérant, toutefois, que le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection ; que ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations ; qu'à la date du dépôt du rapport d'expertise où il pouvait être procédé aux travaux destinés à remédier aux désordres affectant la toiture-terrasse, le service des télécommunications, qui était assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 256 B du code général des impôts, était en mesure, par application de l'article 273 quinquies dudit code et des décrets pris pour son application de déduire, au moins partiellement, la taxe sur la valeur ajoutée grevant le prix des travaux de réfection ; qu'ainsi, le montant du préjudice indemnisable de l'Etat, auquel est désormais substitué FRANCE TELECOM, relatif aux désordres affectant l'étanchéité de la toiture-terrasse doit être fixé, compte tenu du partage de responsabilité mentionné ci-dessus, à 615 749,64 francs ; qu'ainsi, la somme qui doit être mise à la charge solidaire de la Société auxiliaire d'entreprises et de M. X... s'élève à un total de 729 493,31 francs, montant qui inclut la somme de 113 743,67 francs arrêtée par l'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel du 17 juin 1992 non annulé par l'arrêt susvisé du Conseil d'Etat ; que, dans ces conditions, les constructeurs sont seulement fondés à demander la réformation du jugement attaqué en ce qu'il les a condamnés à payer à l'Etat une indemnité supérieure à la somme de 729 493,31 francs ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant, d'une part, que des dispositions font obstacle à ce que la société auxiliaire d'entreprise et M. X... qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser à France Télécom une somme quelconque au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de condamner France Télécom à verser à M. X... une somme quelconque au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme mise à la charge solidaire de la Société auxiliaire d'entreprises et de M. X... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 16 mai 1990 est ramenée de 866 708 francs à 729 493,31 francs. Cet article 1er se substitue à l'article 1er de l'arrêt de la cour en date du 17 juin 1992.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 16 mai 1990 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la Société auxiliaire d'entreprises et de M. X... relatives aux désordres affectant la toiture-terrasse du centre interurbain des télécommunications d'Annecy est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de France Télécom et de M. X... relatives à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.