Vu, 1°) sous le numéro 95LY00880, les requêtes, enregistrées au greffe de la cour le 22 mai 1995, présentées pour le DEPARTEMENT des BOUCHES-du-RHONE, représenté par le président du Conseil général, par Me X..., avocat ;
Le DEPARTEMENT des BOUCHES-du-RHONE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 16 février 1995 par lequel le tribunal administratif de MARSEILLE l'a condamné à verser une somme de 7 436,80 francs à la CAISSE MUTUELLE REGIONALE de PROVENCE, une somme de 235 000 francs à M. Lazhar Z..., dont 60 000 francs pour lui-même et 35 000 francs pour chacun de ses cinq enfants, et une somme de 60 000 francs aux consorts Y..., en réparation des préjudices subis du fait du décès de Mme Z... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Z... et les consorts Y... devant le tribunal administratif de MARSEILLE ;
3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu, 2°) sous le numéro 95LY00991, la requête enregistrée au greffe de la cour le 6 juin 1995, présentée pour M. Lazhar Z..., demeurant ..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses cinq enfants mineurs, par Me DJOUMI, avocat ;
M. Z... demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 16 février 1995 par lequel le tribunal administratif de MARSEILLE a condamné le DEPARTEMENT des BOUCHES du RHONE à lui verser une indemnité totale de 235 000 francs, qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice subi du fait du décès de son épouse ;
2°) de condamner le DEPARTEMENT des BOUCHES du RHONE à lui verser une indemnité de 600 000 francs, dont 100 000 francs pour lui-même, 100 000 francs pour chacun de ses enfants mineurs au titre du préjudice moral ainsi que les sommes de 100 000 francs, 20 000 francs, 600 000 francs et 50 000 francs respectivement au titre des souffrances endurées par la victime, des frais funéraires, du préjudice économique et du décès de l'enfant ; il soutient que les frais funéraires sont justifiés dans leur principe ; qu'il a dû interrompre durant plusieurs années son activité de commerçant ; que le décès du bébé résulte de celui de la mère du fait de la faute commise ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision en date du 5 septembre 1996 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle section cour administrative d'appel du tribunal de grande instance de Lyon a accordé l'aide juridictionnelle provisoire à M. Z... ;
Vu l'avis adressé aux parties par le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon en application de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel les informant que la décision de la cour est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;
Vu, enregistré le 26 septembre 1996, le mémoire présenté par Me DJOUMI, avocat, pour M. Z..., agissant en son nom personnel et au nom de ses quatre enfants mineurs, qui conclut à la condamnation du Département des Bouches-du-Rhône à lui verser une indemnité totale de 1 270 000 francs et pour Mlle Moufida Z... devenue majeure en cours d'instance qui conclut à la condamnation du Département des Bouches-du-Rhône à lui verser une indemnité de 100 000 francs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 1996 :
- le rapport de Mme ERSTEIN, conseiller ;
- les observations de Me DJOUMI, avocat de M. Z... et de Mlle Z... ;
- et les conclusions de M. RIQUIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que les requêtes du DEPARTEMENT des BOUCHES du RHONE, de M. Z... et de Mlle Z... sont relatives aux conséquences d'un même accident ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que Mme Z... est décédée des suites d'une hémorragie provoquée par un examen gynécologique effectué au centre de protection maternelle et infantile de la rue Francis de Pressensé, à Marseille ; qu'il ressort notamment du compte-rendu de l'examen, établi par la sage-femme qui y a procédé, que cette manipulation n'a pas été réalisée avec la prudence qu'exigeait la pathologie placentaire dont souffrait la victime, et révélée quelques semaines plus tôt par une échographie, alors que les risques hémorragiques de cette affection étaient connus ; qu'un tel comportement, à l'origine du décès de Mme Z..., constitue une faute de service susceptible d'engager la responsabilité du DEPARTEMENT des BOUCHES du RHONE, gestionnaire de l'établissement ; que si les anomalies présentées par la victime avant l'examen en cause laissaient présager une grossesse difficile, aucune pièce du dossier ne permet d'affirmer que les complications envisagées étaient susceptibles d'avoir des conséquences mortelles ; que c'est par suite à bon droit que les premiers juges ont déclaré le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHONE entièrement responsable des préjudices subis par la famille de la victime ;
Sur le préjudice :
Considérant, en premier lieu, qu'en fixant à 60 000 francs l'indemnité à allouer à M. Z... en réparation de son préjudice moral et à 35 000 francs la somme à allouer à ce titre à chaque enfant de la victime, le tribunal administratif n'a pas procédé à une appréciation insuffisante du dommage ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'hémorragie provoquée dans les circonstances ci-dessus rappelées a également eu pour conséquence la naissance prématurée de l'enfant porté par la victime ; que c'est en raison de cette arrivée avant terme et donc de sa fragilité, que l'enfant est décédé ; que cette disparition est ainsi directement liée à la faute commise par le centre, responsable de cette naissance prématurée ; que M. Z... est donc fondé à solliciter une indemnité à raison du préjudice subi du fait de ce décès, dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant à ce titre une somme de 20 000 francs ;
Considérant, en troisième lieu, que le droit à la réparation des préjudices personnels subis, de son vivant, par Mme Z..., est entré, lors de son décès, dans le patrimoine de ses héritiers alors même que la victime n'a pas, avant cette date, introduit une action tendant à faire reconnaître ce droit ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques endurées par Mme Z..., et dont la faute du Centre est à l'origine, en fixant à 60 000 francs la somme à allouer pour ce dommage ;
Considérant, en revanche, que M. Z... ne saurait solliciter une somme au titre des frais funéraires, dont il n'est pas justifié, ni du préjudice économique, qui n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le DEPARTEMENT des BOUCHES du RHONE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de MARSEILLE l'a condamné à réparer les préjudices subis par la famille de A...
Z... ; que, par ailleurs, il y a lieu de fixer les sommes qui devront être respectivement versées à M. Z... et à sa fille majeure Moufida Z..., à 220 000 francs et 35 000 francs ;
Article 1er : La requête du DEPARTEMENT des BOUCHES du RHONE est rejetée.
Article 2 : Les sommes que le DEPARTEMENT des BOUCHES du RHONE est condamné à verser à M. Z... et à Mlle Moufida Z... sont respectivement de 220 000 francs et 35 000 francs.
Article 3 : Le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHONE est condamné à verser à la succession de Mme Z... une somme supplémentaire de 60 000 francs.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de MARSEILLE du 16 février 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Z... et de Mlle Z... est rejeté.