Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 21 janvier 1994, présentée pour la société Guintoli, dont le siège social est ..., par la SCPA Colette X... avocat ; la société Guintoli demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 16 novembre 1993 du tribunal administratif de Grenoble en tant d'une part qu'il a condamné la Société des Autoroutes du Sud de la France à verser à la compagnie UAP les sommes de 16 252 francs et de 59 191,33 francs, à la société des Etablissements Clément Faugier la somme de 2 500 francs et à la société Transportès Internationales - S.T.I. les sommes de 6 146,87 francs et 450 francs outre la contrepartie en francs de la somme 260819 pesetas, et en tant d'autre part qu'il a condamné la société Guintoli à garantir la Société des Autoroutes du Sud de la France de la totalité des condamnations prononcées contre elle ;
2°) de rejeter les demandes de la compagnie UAP, de la société des Etablissements Clément Faugier et de la société Transportès Internationales - S.T.I. tendant à la condamnation de la Société des Autoroutes du Sud de la France à réparer les dommages matériels subis par ces deux sociétés à la suite de la collision en chaîne survenue le 18 décembre 1984 sur l'autoroute A 7 entre Tain l'Hermitage et Valence, à titre subsidiaire au rejet de l'appel en garantie présenté contre elle par la Société des Autoroutes du Sud de la France, à titre plus subsidiaire à la condamnation de l'entreprise Malet à la garantir des condamnations prononcées contre elle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 1996 :- le rapport de M. JOUGUELET, président-rapporteur ;
- les observations de Me NACHIN substituant Me GIVORD, avocat de la S.A. GUINTOLI, de Me DURAND, avocat de la société TRANSPORTES INTERNATIONALES et de la Compagnie d'assurances GRUPO VITALICIO - National Hispanica, de Me COTTIN substituant Me NICOLET, avocat de la société des Ets FAUGIER, de la Compagnie d'assurance UAP et de la société PY, et de Me ROBICHON substituant Me DELAFON, avocat de la société entreprise MALLET S.A. ;
- et les conclusions de M. RIQUIN, commissaire du gouvernement ;
Sur la requête de la société Guintoli :
En ce qui concerne les conclusions de la société Guintoli tendant à ce que la Société des Autoroutes du Sud de la France soit déchargée de toute condamnation envers la compagnie UAP, la société des Etablissements Clément Faugier et la société Transportès Internationales - S.T.I. :
Considérant qu'il n'appartient qu'à la Société des Autoroutes du Sud de la France d'attaquer le jugement du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il l'a, d'une part, déclarée totalement responsable du préjudice subi par la société des Etablissements Clément Faugier à l'occasion de la collision en chaîne survenue le 18 décembre 1984 sur l'autoroute A 7 entre Tain l'Hermitage et Valence et l'a en conséquence condamnée à verser des indemnités à cette société et à son assureur, d'autre part, déclarée partiellement responsable du préjudice subi par la société Transportès Internationales - S.T.I. en raison du même accident et l'a condamnée à verser une indemnité à celle-ci ; que la circonstance que la société Guintoli a été condamnée par le même jugement à garantir la Société des Autoroutes du Sud de la France du paiement de ces indemnités, si elle lui permet de demander la décharge de cette garantie en invoquant tous moyens de nature à établir que la responsabilité de la Société des Autoroutes du Sud de la France n'était pas engagée, ne l'autorise pas à faire appel de la partie du jugement portant condamnation de cette dernière société à indemniser la société des Etablissements Clément Faugier, la compagnie UAP et la société Transportès Internationales - S.T.I. ; que, dès lors, les conclusions ci-dessus mentionnées ne sont pas recevables ;
En ce qui concerne les conclusions de la société Guintoli tendant à être déchargée de la condamnation à garantie prononcée contre elle au profit de la Société des Autoroutes du Sud de la France :
Considérant qu'il ressort des pièces produites pour la première fois en appel que la Société des Autoroutes du Sud de la France a prononcé le 28 juin 1985, avec effet à la date du 17 mai 1985, la réception des travaux confiés au groupement d'entreprises dont le mandataire était la société Guintoli ; qu'il n'est pas contesté que les réserves dont était assortie cette réception, qui au demeurant ne portaient pas sur les conséquences de l'accident litigieux, ont été levées le 9 décembre 1985 ; que l'appel en garantie formé par la Société des Autoroutes du Sud de la France contre la société Guintoli tendait à mettre en cause la responsabilité que cette dernière pouvait encourir envers elle en cas de dommages causés à des tiers, en premier lieu, par application de l'article 35 du Cahier des clauses administratives générales applicable au marché et, en second lieu, à raison de la mauvaise exécution de ses obligations contractuelles relatives à la signalisation du chantier ; que la réception et la levée des réserves ayant eu pour effet de mettre fin aux rapports contractuels entre la Société des Autoroutes du Sud de la France et le groupement d'entreprises représenté par la société Guintoli, ces conclusions d'appel en garantie fondées sur une clause du contrat et la faute contractuelle d'un membre du groupement ne peuvent être accueillies alors même que la société Guintoli aurait été informée des conséquences de cet accident au moment de la réception ; qu'ainsi la société Guintoli est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 7 du jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à garantir la Société des Autoroutes du Sud de la France des condamnations prononcées contre elle ; qu'il y a lieu en conséquence d'annuler cet article 7 et de rejeter les conclusions à fin de garantie présentées devant le tribunal par ladite société et dirigées contre la société Guintoli ;
Sur les conclusions de la Société des Autoroutes du Sud de la France :
En ce qui concerne ses conclusions tendant à être déchargée de toute condamnation au profit de la société des Etablissements Clément Faugier, la compagnie UAP et la société Transportès Internationales - S.T.I. :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 18 décembre 1984 peu avant 13 heures s'est produite une collision en chaîne sur l'autoroute A 7 dans la section Tain l'Hermitage-Valence impliquant un camion appartenant à la société Transportès Internationales - S.T.I. et une fourgonnette de la société des Etablissements Clément Faugier ; qu'il ressort des nombreux témoignages produits au dossier, non contredits par le procès-verbal dressé par les gendarmes quelques 20 minutes plus tard, qu'au moment de cet accident une nappe de brume causée par l'évaporation de l'eau de pluie tombant sur du bitume chaud qui venait d'être épandu sur la partie droite de la chaussée en cours d'élargissement, stagnait sur les deux voies ouvertes à la circulation dans le sens Nord-Sud et réduisait très sensiblement la visibilité ; que, contrairement à ce que soutient la Société des Autoroutes du Sud de la France, les différents chocs entre les véhicules accidentés ont eu lieu dans la portion de chaussée recouverte par cette brume ; que la société des Etablissements Clément Faugier et la société Transportès Internationales - S.T.I. ont ainsi établi le lien de causalité direct entre l'état de l'ouvrage et l'accident dont ont été victimes leurs véhicules ;
Considérant d'une part, que si le chantier long de plusieurs kilomètres était signalé notamment par des panneaux limitant la vitesse à 80 kilomètres/heure, le danger constitué par l'épandage du bitume en cas de pluie constituait sur quelques centaines de mètres un risque particulier et connu des hommes de l'art ; qu'il est constant qu'aucune signalisation spécifique n'a été mise en place ; que, d'autre part, si le Tribunal Correctionnel de Valence, par un jugement du 17 janvier 1986, a relaxé l'ingénieur représentant le maître d'oeuvre du délit d'homicide et de blessures involontaires, c'est notamment au motif que, sauf cas d'urgence, il ne relevait pas de sa mission de prendre les mesures de signalisation du chantier ; qu'ainsi la Société des Autoroutes du Sud de la France ne peut utilement invoquer la chose jugée par le juge pénal, dont l'autorité au demeurant ne s'étend qu'aux constatations de fait et non à leur qualification juridique, pour démontrer que cette signalisation n'était pas indispensable ; que, dans ces conditions ladite société n'établit pas avoir normalement entretenu l'ouvrage dont s'agit ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'il n'est pas possible, compte tenu de l'état d'enchevêtrement des véhicules et des contradictions entre les témoignages des victimes, de déterminer si la fourgonnette de la société des Etablissements Clément Faugier s'est arrêtée à temps et a ensuite été poussée sur les véhicules devant elle ou si elle a heurtée d'elle-même ces véhicules ; que, par ailleurs, aucune pièce du dossier ne démontre que le chauffeur de la fourgonnette roulait à une vitesse excessive ; qu'ainsi, la faute du salarié de la société des Etablissements Clément Faugier n'est pas établie ; que par suite la Société des Autoroutes du Sud de la France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de cet accident pour la société des Etablissements Clément Faugier ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le camion de la société Transportès Internationales - S.T.I. roulait à une vitesse de 80 kilomètres/heure sur une voie étroite et sans dégagement alors qu'il pleuvait ; qu'il a heurté violemment les véhicules arrêtés devant lui ; que son chauffeur a ainsi commis une faute en roulant à une vitesse manifestement excessive au regard des conditions de circulation et du poids de cet ensemble routier et ce, alors même qu'il ne dépassait pas la vitesse autorisée ; que le tribunal administratif n'a pas fait une appréciation insuffisante de la gravité de cette faute en estimant qu'elle était de nature, compte tenu de l'absence de signalisation adéquate du danger, à atténuer la responsabilité de la Société des Autoroutes du Sud de la France de 70 % des conséquences dommageables de cet accident pour la société Transportès Internationales - S.T.I. ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les appels provoqués de la Société des Autoroutes du Sud de la France dirigés contre la société des Etablissements Clément Faugier, la compagnie UAP et la société Transportès Internationales - S.T.I. ne peuvent qu'être rejetés ;
En ce qui concerne les conclusions de la Société des Autoroutes du Sud de la France tendant à la condamnation de la société Malet à la garantir des condamnations prononcées contre elle :
Considérant que la société Malet était membre du groupement d'entreprises représenté par la société Guintoli et chargé de la réalisation des travaux ; que pour les raisons mentionnées ci-dessus la réception des travaux fait obstacle à ce que les conclusions de la Société des Autoroutes du Sud de la France puissent être accueillies ;
Sur les conclusions de la société Malet tendant à ce que la Société des Autoroutes du Sud de la France soit déchargée de toute condamnation envers la compagnie UAP, la société des Etablissements Clément Faugier, et la société Transportes Internationales - S.T.I. :
Considérant que ces conclusions d'intimé à intimé sont en tout état de cause irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu de condamner la société Guintoli à payer à la société Py, à la société des Etablissements Clément Faugier, à la compagnie UAP, à la société Malet, la société Transportès Internationales - S.T.I. et la compagnie Grupo Vitalicio une somme quelconque au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 7 du jugement en date du 16 novembre 1993 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de la Société des Autoroutes du Sud de la France tendant à être garantie par la société Guintoli des condamnations prononcées contre elle sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Guintoli, les conclusions d'appel provoqué de la Société des Autoroutes du Sud de la France contre la société des Etablissements Clément Faugier, la compagnie UAP, la société Transportès Internationales - S.T.I. et la société Malet et les conclusions de la société Malet sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions de la société Py, de la société des Etablissements Clément Faugier, de la compagnie UAP, de la société Malet, de la société Transportès Internationales - S.T.I. et de la compagnie Grupo Vitalicio tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.