Vu, enregistré au greffe de la cour le 15 septembre 1993, le recours présenté par le ministre du budget ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 3 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge de l'imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée mise à la charge de la SARL VERNIER FRERES pour la période du 1er janvier 1984 au 31 mars 1988 ;
2°) de remettre l'imposition litigieuse à la charge de la SARL VERNIER FRERES ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code civil ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juillet 1994 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ; - et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le ministre du budget conteste le jugement en date du 27 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge de l'imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée mise à la charge de la société VERNIER FRERES pour la période du 1er janvier 1984 au 31 mars 1988 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : "1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ... " ; qu'aux termes de l'article 273 du même code : "1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271 ... 2. Ces décrets peuvent édicter des exclusions ou des restrictions et définir des règles particulières soit pour certains biens ou services, soit pour certaines catégories d'entreprises ..." ;
Considérant qu'aux termes de l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts pris sur le fondement de l'article 273 : "Les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ... n'ouvrent pas droit à déduction ... "; qu'aux termes de l'article 242 de l'annexe II au code général des impôts pris sur le même fondement de l'article 273 : " ... La location d'un bien n'ouvre droit à déduction pour le preneur que dans la mesure où le bien loué ne serait pas frappé d'exclusion en raison de sa nature ou de sa destination, s'il était acquis par lui en pleine propriété." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société VERNIER FRERES qui effectue des travaux de génie civil portant sur le montage ou la réparation d'installations de remontées mécaniques dans les stations de sport d'hiver fait appel à des sociétés propriétaires ou détentrices d'hélicoptères, qui fournissent l'appareil avec son pilote ; qu'en se fondant sur les dispositions combinées des articles 237 et 242 précités de l'annexe II au code général des impôts, l'administration soutient que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures qui lui sont présentées par les sociétés d'héliportage, n'est pas déductible ;
Considérant que les deux parties s'accordent pour estimer que les hélicoptères en cause qui sont conçus pour recevoir, outre le pilote, plusieurs passagers, constituent des véhicules ou engins conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes au sens des dispositions précitées de l'article 237 de l'annexe II du code général des impôts ; que les parties s'accordent également sur le fait que les hélicoptères auraient eu le caractère d'immobilisations s'ils avaient été acquis en pleine propriété par la société VERNIER FRERES ; que le litige porte uniquement sur la qualification des accords verbaux passés entre la société VERNIER FRERES et les sociétés d'héliportage ; que dans la mesure où lesdits accords constitueraient des contrats de louage de choses, l'opération n'ouvrirait pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il en irait différemment dans le cas où ils s'analyseraient en contrats de transport ou de louage de services ;
Considérant que si le plan de travail de l'appareil est chaque fois préparé par un technicien de la société VERNIER FRERES en fonction de ses besoins, le pilote doit vérifier si l'opération qui lui est demandée est conforme à une réglementation aérienne particulièrement stricte ; qu'il peut notamment refuser de décoller en cas d'intempéries ou de tout autre danger ; qu'il n'est pas allégué qu'il n'aurait pas le choix de l'itinéraire entre le lieu d'enlèvement et le lieu de dépôt du matériel ; qu'il n'est pas contesté que le pilote doit également vérifier si la charge n'est pas excessive et est convenablement arrimée ; qu'il conserve ainsi une indépendance qui, contrairement à ce que soutient l'administration, ne permet pas de le regarder comme étant, pendant la durée des opérations, le préposé de la société VERNIER FRERES ;
Considérant que les sociétés d'héliportage sont responsables à l'égard des tiers des dommages pouvant résulter des mouvements d'hélicoptères et de leurs charges ; qu'elles sont également responsables à l'égard de la société VERNIER FRERES des dommages pouvant être causés au matériel pris en charge ; que les sociétés d'héliportage conservent ainsi de manière entière la garde et la responsabilité de l'appareil ;
Considérant que les mouvements en cause qui ont pour objet le déplacement essentiellement de matériel et occasionnellement de personnel, sont effectuées à titre professionnel par des prestataires qui conservent la maîtrise d'opérations exigeant une technicité précise ; que les accords verbaux passés par la société VERNIER FRERES présentaient ainsi le caractère de contrats de transport et non de location ;
Considérant que dans la mesure où les sociétés d'héliportage effectuent, outre le simple déplacement de personnel et de matériel d'un point à un autre, des opérations de treuillage et de mise en place de pièces, pouvant davantage être qualifiées de travaux aériens que de transport, ces prestations ne constituent pas davantage, eu égard notamment à la technicité encore plus spécialisée qu'elles requièrent, de simples locations mais des contrats de louage de services ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et alors même que les factures des sociétés d'héliportage seraient libellées en employant le terme de location, que l'administration n'est pas fondée à remettre en cause, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les prestations ainsi effectuées pour le compte de la société VERNIER FRERES ; que le ministre du budget n'est, en conséquence, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge de l'imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée mise à la charge de la société VERNIER FRERES par avis de mise en recouvrement du 25 novembre 1988 ; que son recours doit être rejeté ;
Article 1er : Le recours du ministre du budget est rejeté.