Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 8 décembre 1992, présentée par la société anonyme Salomon dont le siège social est situé La Ravoire Metz-Tassy 74370 Pringy, représentée par le président de son directoire ;
La société demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 9 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1977, 1978, 1979, 1980, 1981, 1982, 1983, 1984 et 1985 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et de lui accorder le paiement des intérêts moratoires ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 58-882 du 25 septembre 1958 ;
Vu la loi n° 84-578 du 9 juillet 1984 ;
Vu la loi n° 68-1 du 2 janvier 1968 modifiée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 1994 :
- le rapport de M. Courtial, conseiller ;
- et les conclusions de M. Bonnaud, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société Salomon, qui exerce une activité de fabrication d'équipements destinés à la pratique du ski, a été l'objet de deux vérifications de comptabilité qui ont porté, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos au cours des années 1977 à 1985 ; que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables au titre desdites années les dépenses exposées pour le dépôt de brevets au motif que ces dépenses constituaient la contrepartie de l'acquisition d'éléments de l'actif immobilisé et ne pouvaient donc être déduites des résultats ; que, pour contester ces redressements, la société requérante fait valoir que les frais litigieux sont immédiatement déductibles en vertu des dispositions de l'article 236 du code général des impôts relatives aux dépenses de fonctionnement exposées dans les opérations de recherche scientifique ou technique ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 236 dans sa rédaction issue de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-882 du 25 septembre 1958 : "Le montant des dépenses de fonctionnement exposées dans les opérations de recherche scientifique ou technique est déductible, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des bénéfices de l'année ou de l'exercice au cours duquel ces dépenses ont été exposées" ; qu'aux termes du même article 236 dans sa rédaction issue de l'article 4 de la loi n° 84-578 du 9 juillet 1984 : "Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, les dépenses de fonctionnement exposées dans les opérations de recherche scientifique ou technique peuvent, au choix de l'entreprise, être immobilisées ou déduites des résultats de l'année ou de l'exercice au cours duquel elles ont été exposées." ;
Considérant que dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, une entreprise effectue des opérations de recherche scientifique et technique aboutissant à une invention, les frais engagés en vue du dépôt d'un brevet conférant à son titulaire, en vertu des dispositions de la loi du 2 janvier 1968 modifiée relative au régime des brevets d'invention, un droit exclusif d'exploiter l'invention pendant une durée de ving années, doivent être regardés comme des dépenses exposées dans des opérations qui constituent un prolongement indissociable et de même nature que les opérations de recherche qui sont à l'origine de l'innovation ; que, dès lors, dans la mesure où ces dépenses présentent le caractère de dépenses de fonctionnement, les dispositions précitées de l'article 236 du code général des impôts leur sont applicables ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dépenses exposées par la société Salomon en vue du dépôt de brevets, dont l'administration n'a pas admis la déduction au titre de frais généraux, correspondaient à des honoraires de professionnels exerçant l'activité de conseil en dépôt de brevet et des salaires versés au personnel du service technique de l'entreprise chargé de suivre les opérations de dépôt de brevet ; que ces dépenses présentent le caractère de dépenses de fonctionnement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Salomon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en décharge ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La société Salomon est déchargée des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1977 à 1985.