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13/07/1993 | FRANCE | N°91LY00022

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Pleniere, 13 juillet 1993, 91LY00022


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 7 janvier 1991, la requête présentée pour Mme X... veuve de Guidis demeurant 12 place de la République à Issoire (63000) par Me Courrech, avocat à la cour ;
Mme X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 1990 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Clermont-Ferrand soit condamnée à lui verser une indemnité de 60 750 francs, celle-ci portant intérêt au taux légal à compter du 12 septembre 1989 ;
2°) de condamner la commune de Clermont-Ferrand

à lui payer une somme de 64 400 francs majorée des intérêts de droit à com...

Vu, enregistrée au greffe de la cour le 7 janvier 1991, la requête présentée pour Mme X... veuve de Guidis demeurant 12 place de la République à Issoire (63000) par Me Courrech, avocat à la cour ;
Mme X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 1990 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Clermont-Ferrand soit condamnée à lui verser une indemnité de 60 750 francs, celle-ci portant intérêt au taux légal à compter du 12 septembre 1989 ;
2°) de condamner la commune de Clermont-Ferrand à lui payer une somme de 64 400 francs majorée des intérêts de droit à compter du 12 septembre 1989 ;
- de condamner cette commune au paiement d'une somme de 8 000 francs en remboursement des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 1993 :
- le rapport de M. Quencez, conseiller ;
- et les conclusions de M. Bonnaud, commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code de l'urbanisme relatives à l'objet et au régime du droit de préemption urbain et notamment de l'article L.213-2 dudit code aux termes duquel le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner "vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption" que l'expiration de ce délai emporte extinction du droit de préemption du bien en cause aux prix et conditions indiqués dans la déclaration d'intention d'aliéner ; qu'ainsi, dans le cas où, postérieurement à l'expiration de ce délai, la décision de préemption est annulée ou retirée, le propriétaire du bien recouvre sa liberté de passer l'acte portant transfert de propriété aux prix et conditions de l'aliénation projetée ; qu'il s'en suit que, sauf circonstances exceptionnelles, le préjudice qui résulterait de ce que le bien n'aurait, postérieurement à cette annulation ou ce retrait, pu en fait être vendu à ce prix et à ces conditions ne saurait être regardé comme la conséquence directe d'un exercice illégal du droit de préemption ;
Considérant, en second lieu, que le préjudice direct causé au propriétaire du bien jusqu'à son annulation ou son retrait, par une décision de préemption dépourvue de base légale, qui consisterait dans l'impossibilité de mobiliser le capital correspondant au prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner ne peut être regardé comme certain que si, d'une part, celui-ci bénéficiait, au plus tard à la date de cette décision, d'un engagement exprès d'acquisition du bien aux prix et conditions mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner et, d'autre part, le prix proposé par le titulaire du droit de préemption était sensiblement inférieur au prix convenu entre les parties ;

Considérant, qu'à la suite de l'envoi par Mme X... veuve De Guidis le 3 février 1989 à la commune de Clermont-Ferrand d'une déclaration d'intention d'aliéner un immeuble bâti insalubre mais situé en centre ville lui appartenant pour un prix de 750 000 francs, l'adjoint au maire chargé de l'urbanisme a décidé le 31 mars 1989 d'exercer le droit de préemption en proposant un prix de 340 000 francs ; que cette décision a été annulée pour défaut de motivation par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 29 mars 1990 devenu définitif ; que l'illégalité ainsi commise a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; qu'il résulte de l'instruction qu'à la date à laquelle cette décision était intervenue, Mme X... disposait de l'engagement d'un acheteur à signer l'acte portant transfert de propriété de l'immeuble au prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner ; qu'eu égard à l'écart entre ce dernier prix et celui proposé par le titulaire du droit de préemption Mme X... a ainsi subi un préjudice certain qui, toutefois, pour les motifs ci-dessus indiqués, doit, en l'absence de circonstances exceptionnelles, être regardé comme ayant cessé d'être la conséquence directe de la faute de la commune à la date du jugement ayant annulé la décision de préempter ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice indemnisable consistant en la perte des revenus qui auraient pu être tirés pendant la période allant de la décision de préempter jusqu'à la date du jugement annulant cette décision, du placement du capital correspondant au prix de vente convenu, en condamnant la ville de Clermont-Ferrand à verser à Mme X... la somme de 64 400 francs qu'elle a demandée en fonction de l'intérêt au taux légal pendant cette période du capital dont s'agit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; qu'en revanche ses dernières conclusions tendant à ce que l'indemnité mise à la charge de la commune soit, pour tenir compte de ce que l'immeuble n'a été effectivement vendu, au prix payé comptant de 750 000 francs, que le 2 juin 1993, majorée de 60 000 francs ne sauraient être accueillies ;
Sur les intérêts :
Considérant que la somme de 64 400 francs portera intérêts à compter de la date de la première demande d'indemnisation présentée à la commune de Clermont-Ferrand le 12 septembre 1989 ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que Mme X... a demandé le 26 mars 1993 la capitalisation de ces intérêts ; qu'à cette date il était dû plus d'une année d'intérêts ; qu'il a donc lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu d'allouer à Mme X... la somme de 4 000 francs en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administraif de Clermont-Ferrand du 22 novembre 1990 est annulé.
Article 2 : La commune de Clermont-Ferrand est condamnée à payer à Mme X... une indemnité de 64 400 francs qui portera intérêts à compter du 12 septembre 1989.
Article 3 : Les intérêts seront capitalisés au 26 mars 1993 pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : La commune de Clermont-Ferrand est condamnée à payer à Mme X... la somme de 4 000 francs en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 91LY00022
Date de la décision : 13/07/1993
Sens de l'arrêt : Annulation indemnité
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME - Responsabilité à raison d'une décision de préempter annulée.

60-02-05 L'exercice du droit de préemption urbain en vue d'une opération de la nature de celles limitativement énumérées par les dispositions combinées des articles L.210-1 et L.300-1 du code de l'urbanisme relevant du pouvoir discrétionnaire, une décision de préemption annulée est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune quel que soit le motif d'annulation (sol. impl.). Le préjudice présente un caractère certain à la double condition qu'il existe un engagement ferme exprès d'acquisition du bien aux prix et conditions mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner et une différence sensible entre le prix convenu entre les parties et celui proposé par la commune. La période pendant laquelle le préjudice, consistant dans l'impossibilité de mobiliser le capital correspondant au prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner, peut être regardé comme la conséquence directe de l'exercice illégal du droit de préemption débute à la date à laquelle la décision de préempter a été prise et prend fin, sauf circonstances exceptionnelles, à la date du jugement annulant cet acte ou de son retrait par la commune.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PROCEDURES D'INTERVENTION FONCIERE - PREEMPTION ET RESERVES FONCIERES - DROITS DE PREEMPTION - DROIT DE PREEMPTION URBAIN (LOI DU 18 JUILLET 1985) - Responsabilité - Préjudice causé par une décision illégale de préemption - (1) Responsabilité de la commune - (2) Caractère certain du préjudice - Conditions - (3) Evaluation du préjudice.

68-02-01-01-01(2) Le préjudice présente un caractère certain à la condition qu'il existe un engagement exprès d'acquisition aux prix et conditions mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner et une différence sensible entre le prix convenu entre les parties et celui proposé par la commune.

68-02-01-01-01(1) L'exercice du droit de préemption urbain en vue d'une opération de la nature de celles limitativement énumérées par les dispositions combinées des articles L.210-1 et L.300-1 du code de l'urbanisme relevant du pouvoir discrétionnaire, une décision de préemption annulée est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune quel que soit le motif d'annulation (sol. impl.).

68-02-01-01-01(3) La période pendant laquelle le préjudice, consistant dans l'impossibilité de mobiliser le capital correspondant au prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner, peut être regardé comme la conséquence directe de l'exercice illégal du droit de préemption débute à la date à laquelle la décision de préempter a été prise et prend fin, sauf circonstances exceptionnelles, à la date du jugement annulant cet acte ou de son retrait par la commune.


Références :

Code de l'urbanisme L213-2
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Président : Mme Latournerie
Rapporteur ?: M. Quencez
Rapporteur public ?: M. Bonnaud

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1993-07-13;91ly00022 ?
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