Vu la requête, enregistrée le 5 août 1991 au greffe de la cour, présentée par M. Jacques X... demeurant ... ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 4 mars 1991 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à obtenir l'annulation de la contrainte dont procèdent les actes de poursuites exercées à son encontre pour avoir paiement de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1980 ;
2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement attaqué à concurrence de la somme de 56 635 francs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le nouveau code de procédure civile ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 1992 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, ,commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fins d'annulation de la contrainte :
Considérant que pour avoir paiement de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu établie au titre de l'année 1980 et mise en recouvrement le 31 décembre 1981, le trésorier principal de Vence a délivré un commandement à l'encontre du requérant le 30 novembre 1984 ; qu'un précédent commandement adressé le 19 août 1983, ... ayant été retourné avec la mention "n'habite pas à l'adresse indiquée", cet acte de poursuite a été déposé pour valoir significatio au Parquet du tribunal de grande instance de Grasse conformément aux dispositions de l'article 659 du nouveau code de procédure civile ; que le 11 août 1987, un dernier avis avant saisie est parvenu à la nouvelle adresse du requérant ... à St Paul-de-Vence ; qu'il a alors, en invoquant la prescription de l'action en recouvrement, présenté une réclamation auprès du trésorier principal de Vence ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.281-1 du livre des procédures fiscales : "1. - Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L.281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef de service du département dans lequel est effectuée la poursuite. Le chef de service compétent est : a. Le trésorier-payeur général si le recouvrement incombe à un comptable du trésor ; ..." ;
Considérant qu'il appartenait au trésorier principal de Vence de transmettre la réclamation du requérant au trésorier-payeur général seul compétent pour y statuer en tant qu'elle comportait opposition à contrainte ; que si ce comptable du Trésor n'a pas effectué la transmission à laquelle il devait procéder et a rejeté lui-même la réclamation, le requérant doit néanmoins être regardé comme ayant présenté la réclamation préalable prévue par les dispositions précitées de l'article R.281-1 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.281-4 du livre des procédures fiscales : "Le chef de service se prononce dans un délai de deux mois à partir du dépôt de la demande, dont il doit accuser réception. Si aucune décision n'a été prise dans ce délai ou si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, le redevable doit, à peine de forclusion, porter l'affaire devant le tribunal compétent tel qu'il est défini à l'article L.281. Il dispose pour cela de deux mois à partir : a. Soit de la notification de la décision du chef de service ; b. Soit de l'expiration du délai de deux mois accordé au chef de service pour prendre sa décision. La procédure ne peut, à peine d'irrecevabilité, être engagée avant ces dates. Elle doit être dirigée contre le comptable chargé du recouvrement." ;
Considérant qu'en invitant le requérant, par courrier du 2 septembre 1987, à fournir une caution bancaire, le trésorier principal de Vence, a rejeté sa réclamation ; que, par suite, dès lors qu'une décision expresse de rejet de sa réclamation avait été reçue par le requérant, le ministre du budget ne peut soutenir que sa requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nice le 7 septembre 1987 était prématurée au regard des dispositions précitées de l'article R.281-4 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.274 du livre des procédures fiscales : "Les comptables du trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription." ;. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 653 et suivants du nouveau code de procédure civile que la signification doit être faite à personne, à défaut à domicile ou à défaut de domicile connu à résidence ; que ce n'est que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus que la signification peut être faite au Parquet ;
Considérant que le requérant soutient sans être contredit qu'il a quitté Vence pour s'établir à St-Paul-de-Vence en juillet 1981 et qu'en novembre 1984 à la date de délivrance du commandement litigieux, sa nouvelle adresse était connue à la fois des services fiscaux et de la trésorerie principale de Cagnes-sur-Mer dont il dépendait désormais et avec laquelle il avait échangé plusieurs courriers ; que dans ces conditions, bien que deux postes comptables distincts soient concernés, le ministre du budget ne peut soutenir que la nouvelle adresse du requérant n'était pas connue de ses services ; que le requérant est, en conséquence, fondé à soutenir que le commandement en date du 30 novembre 1984 a été irrégulièrement signifié au Parquet et n'a pu avoir pour effet d'interrompre la prescription de l'action en recouvrement qui est venue à terme le 31 décembre 1985 ;
Considérant que le commandement litigieux ayant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, été irrégulièrement signifié au Parquet, le requérant ne pouvait être réputé en avoir eu connaissance ; que l'existence de ce commandement doit être regardée comme lui ayant été révélée par l'avis avant saisie qu'il a reçu le 11 avril 1987 ; que si cet avis ne constituait pas un acte de poursuite mais une simple lettre de rappel ne pouvant en elle-même faire l'objet d'une opposition à contrainte, la réclamation que le requérant a alors formulé auprès du trésorier principal de Vence doit être regardée comme formant une opposition dirigée contre la contrainte procédant du commandement irrégulièrement signifié au Parquet ; que le ministre du budget n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif le 7 septembre 1987 était irrecevable, faute d'être dirigée contre un acte de poursuite et dans les délais impartis par les articles R.281-2 er R.281-4 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et de la contrainte procédant du commandement délivré à son encontre du 30 novembre 1984 ;
Sur les conclusions à fins de sursis à l'exécution :
Considérant que par suite de l'annulation de la contrainte procédant du commandement litigieux, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué, sotn devenues sans objet ; qu'au demeurant, le requérant ne conteste pas avoir acquitté le 18 novembre 1991 pour un montant de 56 635 francs la totalité de la somme due au titre de l'imposition en cause ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur les conclusions susmentionnées ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 4 mars 1991 est annulé.
Article 3 : La contrainte procédant du commandement délivré à l'encontre de M. X... le 30 novembre 1984 est annulé.