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10/11/1992 | FRANCE | N°90LY00769

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4e chambre, 10 novembre 1992, 90LY00769


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 octobre 1990 et 29 novembre 1990, présentés par M. Philippe X... demeurant ... et pour le mémoire complémentaire, par la SCP DALMAIS-DELSARD-GRANJON et VERGNE, avocats au barreau de Lyon ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 juin 1990 qui a rejeté sa requête dirigée d'une part contre la décision du comité restreint de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (A.N.A.H.) qui a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre une d

écision du délégué départemental des Bouches-du-Rhône l'invitant à rembo...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 octobre 1990 et 29 novembre 1990, présentés par M. Philippe X... demeurant ... et pour le mémoire complémentaire, par la SCP DALMAIS-DELSARD-GRANJON et VERGNE, avocats au barreau de Lyon ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 juin 1990 qui a rejeté sa requête dirigée d'une part contre la décision du comité restreint de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (A.N.A.H.) qui a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre une décision du délégué départemental des Bouches-du-Rhône l'invitant à rembourser les acomptes perçus au titre des subventions accordées pour travaux sur un immeuble dont il est propriétaire à Marseille et d'autre part contre le refus de lui verser le solde des subventions avec intérêts de retard à compter du 25 juillet 1983 et à lui payer la somme de 1 franc pour résistance abusive ;
2°) d'annuler les ordres de reversement du 12 décembre 1986 émis à son encontre ; de lui verser le solde des subventions accordées ainsi qu'une subvention complémentaire et le paiement de frais d'honoraires d'architecte et enfin de condamner l'A.N.A.H. au paiement de 1 franc de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 octobre 1992 :
- le rapport de M. QUENCEZ, conseiller ;
- les observations de Me COUREAU substituant Me MUSSO, avocat de l'A.N.A.H. ;
- et les conclusions de M. BONNAUD, commissaire du gouvernement ;

Considérant que lors du dépôt de deux demandes de subventions qu'il a présentées le 29 septembre 1978 à l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (A.N.A.H.) pour respectivement des travaux de remise en état d'un immeuble ... d'un montant de 163 552 francs et des travaux d'aménagement de logements dans ledit immeuble d'un montant de 108 115 francs, M. X... a souscrit l'engagement de restituer à l'agence les sommes ou tout acompte qui lui seraient accordés au cas où, notamment, il n'aurait pas justifié de l'achèvement des travaux dans le délai de deux ans suivant la date de la notification des subventions ; que le 16 novembre 1978, la commission locale de l'habitat a accordé à M. X..., pour les travaux susindiqués, deux subventions respectivement de 72 471 francs et 50 098 francs prenant en compte les honoraires à 8 % de maître d'oeuvre, sur lesquelles l'intéressé a perçu le 8 juin 1980 des acomptes de, respectivement, 36 235 francs et 25 049 francs ; qu'après avoir informé la délégation locale, par lettre du 3 mai 1985 du retard dans l'achèvement des travaux, l'intéressé a reçu notification d'une décision de la commission locale d'amélioration de l'habitat en date du 19 juin 1985 l'invitant à reverser les acomptes perçus ; que, sur son recours, le comité restreint a confirmé le 16 octobre 1986 les reversements demandés ; qu'à la suite de cette décision, deux ordres de reversement ont été adressés à M. X... ; que ce dernier conteste le bien-fondé de ces ordres de reversement et le refus opposé par l'A.N.A.H. à sa demande tendant au paiement du solde de ces subventions ; qu'il demande en outre que l'A.N.A.H. lui verse les subventions complémentaires sollicitées pour les travaux supplémentaires qu'il a effectués, qu'elle lui paye les frais d'honoraires d'architecte qu'il a exposés et enfin que l'A.N.A.H. soit condamnée au paiement de 1 franc de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Sur l'opposition aux ordres de reversement :
Considérant qu'aux termes de l'article R 321-5 du code de la construction et de l'habitation : "Un comité restreint assure la permanence des relations entre le conseil d'administration et le directeur. Ce comité est composé du président du conseil d'administration, d'un représentant de chacun des deux ministres, d'un représentant des propriétaires et d'un représentant des locataires. Le conseil d'administration peut donner à ce comité délégation pour des matières limitativement énumérées". Considérant qu'il résulte de l'instruction que si, par une décision du 28 mars 1977, le conseil d'administration de l'A.N.A.H. a donné délégation au comité restreint pour : "délibérer en dernier recours, sur les dossiers en appel d'une commission locale : 1) sur recours hiérarchique du demandeur ( ...)", cette délégation n'a fait l'objet d'aucune mesure de publicité ; qu'ainsi, elle n'est pas devenue exécutoire ; que les ordres de reversement reposant sur une décision du comité restreint, M. X... est fondé à soutenir qu'ils sont intervenus suivant une procédure irrégulière et à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions tendant au versement du solde des subventions accordées :

Considérant que, conformément aux instructions prises par le conseil d'administration de l'A.N.A.H. sur le fondement de l'article R 321-6 du code de l'urbanisme, M. X... a joint à ses demandes de subvention du 29 septembre 1978 un engagement à, notamment, justifier de l'achèvement des travaux dans le délai de deux ans suivant la date de notification de la subvention ;
Considérant, en premier lieu, que M. X... ne conteste pas avoir lui-même apposé sa signature le 29 septembre 1978 sur ce document intitulé "engagement du demandeur d'une aide de l'agence" ; qu'il ne peut, dès lors, soutenir qu'il a été informé tardivement par l'agence du délai qu'elle oppose ; que les circonstances que cet engagement a été signé au milieu d'autres documents ou qu'il ne porte pas la mention "lu et approuvé" sont sans influence sur la validité de cet engagement ; que le fait que les décisions d'octroi de subventions du 16 novembre 1978 ait fait mention d'un délai d'un an pour apporter ces justifications est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité du refus de verser le solde des subventions accordées dès lors qu'il est constant qu'au début de l'année 1985, soit plus de six ans après ces deux décisions, les travaux n'étaient pas encore achevés ;
Considérant, en second lieu, que la circonstance que l'A.N.A.H. n'a versé les acomptes que plus d'un an et demi après la notification des décisions d'octroi des subventions ne peut être regardée comme valant renonciation de l'agence à lui opposer l'engagement souscrit par lui qui était une condition légale d'octroi desdites subventions ; qu'il en est de même pour la lettre du 5 octobre 1983 répondant à son courrier du 25 juillet 1983 qui faisait seulement état de difficultés pour réunir les pièces justificatives des travaux réalisés sans qu'il se prévale explicitement de retard dans leur réalisation ;
Considérant, en troisième lieu, que ni la défaillance alléguée de son architecte dont M. X... ne s'est prévalu qu'en 1983, ni les travaux du métropolitain engagés en 1985, ni la circonstance que les travaux se seraient révélés plus importants que prévus ne peuvent, en l'espèce, être regardés comme ayant présenté un caractère de force majeure de nature à obliger l'A.N.A.H. à verser le solde des subventions accordées alors même que l'engagement souscrit par le demandeur n'a pas été respecté ;
Sur les conclusions tendant au paiement des subventions sollicitées pour travaux supplémentaires :
Considérant que ces conclusions ne sont assorties d'aucun moyen permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé ; que dans ces conditions, elles ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions tendant au paiement par l'A.N.A.H. de 1 franc de dommages-intérêts pour "résistance abusive" :
Considérant que pour les motifs indiqués ci-dessus, le refus de l'A.N.A.H. de verser le solde des subventions, qui n'est pas entaché d'illégalité, n'est pas constitutif d'une faute ; que par ailleurs, l'A.N.A.H. a déféré à la demande de la cour de produire l'intégralité des dossiers fournis à l'appui de ses demandes de subvention en 1978 et que ces dossiers ont été communiqués au requérant ; qu'il suit de là que les conclusions du requérant aux fins du versement de 1 franc à titre de dommages-intérêts ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté son opposition aux ordres de reversement du 12 décembre 1986 et à demander la réformation en ce sens du jugement attaqué ; qu'en revanche, le surplus de ses conclusions ne saurait être accueilli ;
Sur les conclusions de l'A.N.A.H. tendant au versement d'une somme de 7 000 francs au titre des frais irrépétibles :
Considérant qu'aux termes de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées de ces mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner M. X... à payer à l'A.N.A.H. la somme qu'elle demande ;
Article 1er : Les ordres de reversement en date du 12 décembre 1986 adressés par l'agence nationale de l'amélioration de l'habitat à M. X... sont annulés.
Article 2 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Marseille en date du 5 juin 1990 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... et la demande de l'A.N.A.H. tendant au versement d'une somme de 7 000 francs au titre des frais irrépétibles sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 90LY00769
Date de la décision : 10/11/1992
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - DELEGATIONS - SUPPLEANCE - INTERIM - DELEGATION DE POUVOIRS - Publication de la délégation - Défaut de publication - Conséquences - a) Inopposabilité aux tiers (1) - b) Illégalité des actes pris en vertu de cette délégation.

01-02-05-01, 01-07-02-035 La délégation de pouvoir consentie le 28 mars 1977 par le conseil d'administration de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat sur le fondement des dispositions de l'article R. 321-5 du code de la construction et de l'habitation en faveur du comité restreint prévu audit article n'ayant pas fait l'objet d'une publication, n'est pas devenue exécutoire. Il s'ensuit qu'une décision du comité restreint prise sur le fondement de cette délégation invitant le bénéficiaire d'une décision d'octroi de subvention à reverser l'acompte perçu est illégale.

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - PROMULGATION - PUBLICATION - NOTIFICATION - PUBLICATION - EFFETS D'UN DEFAUT DE PUBLICATION - a) Inopposabilité au tiers d'une délégation de pouvoirs n'ayant fait l'objet d'aucune publication consentie par le conseil d'administration d'un établissement public national à un "comité restreint" sur le fondement des dispositions réglementaires qui ont institué ledit comité (1) - b) Illégalité des actes pris en vertu de cette délégation.

18-03-02-01-02 L'article R. 321-8 du code de la construction et de l'habitation prévoit que le directeur de l'A.N.A.H. "établit les ordres de recettes ...", l'article R. 321-11 dudit code que les commissions d'amélioration de l'habitat "statuent ... sur les demandes d'aide qui leur sont présentées", l'article R. 321-13 que "le directeur de l'agence nationale nomme un délégué auprès de chacune des commissions d'amélioration de l'habitat. Le délégué ... assure l'exécution des décisions de la commission et ordonnance les recettes et les dépenses dans la limite des délégations qui lui sont consenties à cet effet par la direction de l'agence". Enfin, sur le fondement de l'article R. 321-5 dudit code, le conseil d'administration de l'A.N.A.H. peut donner délégation au comité restreint prévu audit article pour des matières limitativement énumérées et lui a en fait donné délégation pour "délibérer en dernier recours sur les dossiers en appel d'une commission locale : 1) sur recours hiérarchique du demandeur ...". Il s'ensuit que la décision du comité restreint prise sur recours hiérarchique du demandeur contre une décision de la commission locale d'amélioration de l'habitat de faire reverser un acompte perçu sur la subvention qu'elle a décidé d'accorder est un élément de la procédure légale préalable à l'émission par le délégué du directeur de l'agence de l'ordre de reversement correspondant. Par voie de conséquence, l'opposition à cet ordre de reversement est fondée dans le cas où, en l'absence de publication de la délégation consentie au comité restreint, la décision de ce dernier était illégale et, par suite, la procédure préalable à l'ordre de reversement irrégulière.

COMPTABILITE PUBLIQUE - CREANCES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - RECOUVREMENT - PROCEDURE - ORDRE DE VERSEMENT - Irrégularité de la procédure préalable à un ordre de reversement émis par le représentant d'un établissement public national.

38-03-03-01 La délégation de pouvoir consentie le 28 mars 1977 par le conseil d'administration de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat sur le fondement des dispositions de l'article R. 321-5 du code de la construction et de l'habitation en faveur du comité restreint prévu audit article, n'ayant pas fait l'objet d'une publication, n'est pas devenue exécutoire. Il s'ensuit qu'une décision du comité restreint prise sur le fondement de cette délégation confirmant une décision d'une commission locale d'amélioration de l'habitat invitant le bénéficiaire d'une décision d'octroi de subvention à reverser l'acompte perçu est illégale. Par voie de conséquence, l'ordre de reversement correspondant émis par le délégué du directeur de l'A.N.A.H. en application de l'article R. 321-13 du code de la construction et de l'habitation, qui est intervenu suivant une procédure irrégulière, doit être annulé.

- RJ1 LOGEMENT - AIDES FINANCIERES AU LOGEMENT - AMELIORATION DE L'HABITAT - AGENCE NATIONALE POUR L'AMELIORATION DE L'HABITAT - Délégation de pouvoirs consentie le 28 mars 1977 par le conseil d'administration de l'agence au comité restreint institué par l'article R - 321-5 du code de la construction et de l'habitation - Défaut de publication - Conséquences - a) Inopposabilité aux tiers (1) - b) Illégalité des actes pris en vertu de cette délégation.


Références :

Code de l'urbanisme R321-6
Code de la construction et de l'habitation R321-5
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1

1. Comp. CE, 1977-01-12, Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat c/ Dalbos, p. 19


Composition du Tribunal
Président : Mme Latournerie
Rapporteur ?: M. Quencez
Rapporteur public ?: M. Bonnaud

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1992-11-10;90ly00769 ?
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