Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 10 septembre 1990, présenté par le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget ;
Le ministre demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 29 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a accordé à la Sarl X... la décharge de l'amende de 734 780 francs à laquelle elle a été assujettie en application de l'article 1740 ter du code général des impôts par avis de mise en recouvrement du 8 novembre 1984 ;
2°) de remettre à concurrence de 665 248 francs, l'amende fiscale à laquelle elle a été assujettie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 1992 :
- le rapport de M. CHEVALIER, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. RICHER, commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de M. Edmond X... :
Considérant que l'intéressé, ancien gérant de la Sarl X... et Cie en liquidation, ne se prévaut d'aucun droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier ; que, dès lors, son intervention n'est pas recevable ;
Au fond :
Considérant qu'aux termes de l'article 1740 ter du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 70 de la loi n° 76-1232 du 29 décembre 1976 : "Lorsqu'il est établi qu'une personne, à l'occasion de l'exercice de ses activités professionnelles, a travesti l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients ou sciemment accepté l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom, elle est redevable d'une amende fiscale égale à 50 % des sommes versées ou reçues au titre de ces opérations. Cette amende est recouvrée suivant les procédures et sous les garanties prévues pour les taxes sur le chiffre d'affaires ..." ;
Considérant que, dans le dernier état de ses conclusions, le ministre délégué au budget demande à la cour de remettre à concurrence de 260 321,75 francs, à la charge de la Sarl X... et Cie, qui exploitait, à Eybens (Isère), un commerce de vente en gros de produits laitiers et de salaisons, l'amende fiscale dont elle a été constituée redevable, en application des dispositions précitées de l'article 1740 ter, par avis de mise en recouvrement du 8 novembre 1984, à la suite d'une intervention à son siège, en avril 1983, des agents de la brigade de contrôle et de recherches de l'Isère ;
Sur la charge de la preuve :
Considérant que si l'article L.238 du livre des procédures fiscales dispose que "les procès-verbaux des agents de l'administration des impôts font foi jusqu'à preuve contraire", l'article 1740 ter précité du code général des impôts ne prévoit pas que l'infraction qu'il définit est constatée par procès-verbal ; que l'article L.212 du livre des procédures fiscales, qui énumère, parmi les infractions pouvant être constatées par procès-verbal, les infractions en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, n'est pas non plus applicable à l'infraction sanctionnée par l'amende fiscale prévue à l'article 1740 ter du code général des impôts, dès lors que, même si cette amende est recouvrée comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, elle ne sanctionne pas une infraction de cette nature ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre, le procès-verbal en date du 22 novembre 1983 dressé par les agents des impôts qui, sur le fondement des ordonnances n° 45-1483 et n° 45-1484 du 30 juin 1945 avaient procédé à un contrôle des ventes de la société X... et Cie, ne saurait faire foi jusqu'à preuve du contraire pour l'application de l'article 1740 ter ; que, par suite, il appartient au ministre d'apporter la preuve des faits justifiant l'application de l'amende dont il demande le rétablissement ;
Sur le bien-fondé de l'amende restant en litige :
Considérant qu'en appel, comme d'ailleurs en première instance, l'administration n'a présenté ni la copie du double des factures litigieuses ni même la liste détaillée des factures établies par la Sarl X... et Cie dont cette dernière aurait travesti les noms et adresses de leurs véritables destinataires ; qu'elle ne saurait utilement invoquer, pour apporter la preuve dont elle a la charge, un jugement du tribunal correctionnel de Grenoble en date du 31 octobre 1985 condamnant M. Edmond X..., sur le fondement des ordonnances du 30 juin 1945, pour des faits constitutifs de délits étrangers aux dispositions de l'article 1740 ter ; que les déclarations recueillies par les agents de l'administration auprès des dirigeants ou du personnel de la société, si elles ont révélé que cette dernière vendait des marchandises sans factures, ne permettent pas d'établir, sauf pour une facture n° 68274 rédigée au nom de MARTIN, mais dont l'administration ne précise pas le montant, que le personnel de la société a reconnu avoir émis des factures au nom de personnes autres que celles auxquelles les marchandises étaient destinées ; que, par suite, l'administration ne justifie pas que ces opérations sont au nombre de celles visées par les dispositions précitées de l'article 1740 ter du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a accordé à la Sarl X... et Cie la décharge de l'amende qu'elle contestait ;
Article 1er : L'intervention de M. Edmond X... n'est pas admise.
Article 2 : Le recours du ministre délégué au budget est rejeté.