Vu l'ordonnance du président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat en date du 2 janvier 1989, transmettant à la cour, en application des dispositions de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête visée ci-après ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 15 février et 6 juin 1988, présentés par la SCP Jean Martin Martinière - Pierre B..., avocat aux conseils pour le fonds de garantie automobile, représentée par son président, dont le siège social est ... (94300) Vincennes et tendant :
- à l'annulation du jugement du 3 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête tendant à voir déclarer Gaz de France entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu le 2 octobre 1976 au Chambon-Feugerolles entre les véhicules de M. X..., non assuré et insolvable, et de M. et Mme A..., à hauteur d'un chantier ouvert par Gaz de France sur la chaussée,
- à la condamnation de Gaz de France à lui payer la somme de 672 428 francs, avec intérêts et capitalisation des intérêts au 15 février et 6 juin 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 1991 :
- le rapport de Mme du Granrut, conseiller ;
- les observations de Me Y... substituant Me Z... pour Gaz de France ;
- et les conclusions de M. RICHER, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les époux A... qui circulaient en automobile rue Jackson au Chambon-Feugerolles le 2 octobre 1976 vers 18 heures 30, ont été victimes d'une collision avec un véhicule venant en sens inverse conduit par M. Jean X... à la suite de laquelle M A... a été tué et Mme A... blessée ; que par jugement du tribunal correctionnel de Saint-Etienne du 10 mai 1977, devenu définitif, M. Jean X... a été déclaré responsable de l'accident et, faute pour lui d'être assuré, le fonds de garantie automobile a été amené à verser à Mme A... des indemnités d'un montant total de 672 428 francs au titre des divers préjudices subis par elle et ses enfants mineurs tels qu'ils ont été évalués par l'autorité judiciaire ; que le fonds de garantie automobile, eu égard à l'existence d'un chantier de travaux sur les canalisations de gaz au lieu de l'accident, demande sur le fondement des dispositions de l'article L 420-3 du code des assurances issues de l'article 15 alinéa 4 de la loi n° 51-1508 du 31 décembre 1951, que Gaz de France soit condamné à lui rembourser la somme susmentionnée avec intérêts et capitalisation des intérêts ;
Considérant que le jugement susmentionné qui n'a pas d'autorité de chose jugée à l'égard de Gaz de France ne fait pas obstacle, contrairement à ce qu'il soutient, à ce que le juge administratif apprécie si et dans quelle mesure, sa responsabilité est engagée dans l'accident dont s'agit ;
Considérant, toutefois que les victimes des dommages ayant été indemniséess par le fonds de garantie automobile en l'acquit de M. X... automobiliste non assuré, l'obligation de Gaz de France à l'égard du fonds de garantie automobile ne saurait excéder les droits que M. X... aurait pu faire valoir à l'encontre de Gaz de France quant à la charge définitive de la réparation ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident dont s'agit a été causé par le fait que le véhicule conduit par M. Jean X... s'est déporté brusquement sur sa gauche ; que cette manoeuvre a été provoquée par la présence d'un chantier de Gaz de France qui, sur une longueur de 10 mètres, occupait la moitié de la voie ; qu'au moment de l'accident les feux clignotants fixés sur la barrière précédant le chantier n'étaient pas éclairés ; que si un panneau réglementaire avait été placé à 70 mètres an amont du chantier, celui-ci était dépourvu d'éclairage spécifique ; qu'ainsi Gaz de France n'établit pas que ce chantier faisait l'objet d'un entretien normal ;
Considérant toutefois qu'il résulte également de l'instruction que si M. Jean X... s'est trouvé contraint à une manoeuvre subite , il n'a pas su, en raison d'une vitesse excessive par temps pluvieux et en agglomération, conserver la maîtrise de son véhicule alors que la partie restant libre de la chaussée, en ligne droite, et comportant d'ailleurs un éclairage public, permettait le croisement de deux véhicules ; qu'il suit de là qu'il sera fait une juste appréciation de la responsabilité respective des auteurs de l'accident en l'établissant à un quart pour Gaz de France et à trois quarts pour M. Jean X... ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant qu'il ne sera pas fait une inexacte appréciation des préjudices subis par Mme A... et ses enfants mineurs en les évaluant à 672 248 francs au moins, somme que d'ailleurs Gaz de France ne conteste pas ; que, dès lors, il y a lieu de faire droit, à concurrence de 168.107 francs, aux conclusions du fonds de garantie automobile et de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que le fonds de garantie automobile a droit, comme il le demande, aux intérêts de la somme de 168 107 francs à compter, du jour de l'enregistrement de sa demande au tribunal administratif de Lyon, soit le 15 mars 1984, ainsi que, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil à la capitalisation desdits intérêts demandée les 15 février 1988 et 19 juin 1990 ; qu'en revanche une année ne s'étant pas écoulée depuis la précédente demande, la demande de capitalisation des intérêts en date du 6 juin 1988 ne saurait être accueillie ; que le fonds de garantie automobile ne justifie pas non plus, comme il l'allègue, d'une nouvelle demande de capitalisation au 7 juin 1989 ;
Article 1er : Gaz de France est condamné à verser au fonds de garantie automobile la somme de 168 107 francs avec intérêts au taux légal à compter du 15 mars 1984. Les intérêts échus les 15 février 1988 et 19 juin 1990 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 3 décembre 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du fonds de garantie automobile est rejeté.