Vu la décision en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la cour le 19 décembre 1988, par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour M. X... ;
Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 10 septembre 1986 présentée par la S.C.P. LYON-CAEN, FABIANI, LIARD, avocat aux conseils pour M. Louis X..., demeurant à Annecy (Haute-Savoie) ... tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 20 juin 1986 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en décharge de l'imposition supplémentaire à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1974 dans le rôle de la commune de Annecy,
2°) lui accorde la décharge de l'imposition contestée par les moyens que le jugement est irrégulier faute de comporter le visa des conclusions et moyens échangés et de répondre à tous les moyens ; qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations ; que la notification de redressements n'est pas sufisamment motivée ; que l'imposition n'est pas fondée, qu'il n'y a pas lieu à intérêts de retard ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 12 janvier 1987 présenté pour M. X... et tendant aux mêmes fins par les mêmes moyens et en outre au motif que la notification de redressements et la décision de rejet ne comportent aucune référence aux textes appliqués, que la S.C.I. "GOAPER-BOTTAZZI" n'est nullement fictive, que M. Y..., locataire en titre, a payé les loyers, que la décharge des pénalités de retard s'impose dès lors que le service avait dès 1975 tous les éléments nécessaires à l'établissement d'un redressement fiscal ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 1987, présenté par le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget et tendant au rejet de la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988, et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 22 juin 1989 :
- le rapport de M. CHANEL, conseiller ;
- et les conclusions de M. ROUVIERE, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant que les irrégularités qui peuvent entacher les décisions prises par le directeur des services fiscaux sur les réclamations contentieuses dont il a été saisi sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé de l'imposition ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le directeur aurait insuffisamment motivé sa décision notifiée le 28 septembre 1981 est, en tout état de cause, inopérant et doit, par suite, être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies A2 alors applicable du code général des impôts "Les notifications de redressements doivent être motivées de manière à mettre le contribuable en état de pouvoir formuler ses observations ou faire connaître son acceptation. L'administration invite en même temps l'intéressé à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de cette notification."
Considérant qu'il ressort de l'examen de la notification de redressements en date du 15 novembre 1978 que celle-ci donne pour motif que la location consentie par la S.C.I. GOAPER-BOTTAZZI à son associé M. X... n'est pas un véritable contrat de location, que le prix n'a pas le caractère d'un loyer et que les déductions opérées devaient être rejetées ; que, dans ces conditions, cette notification comportait des indications suffisamment précises pour permettre à M. X... de pouvoir formuler ses observations ou faire connaître son acceptation nonobstant la circonstance alléguée par le contribuable qu'aucune référence aux textes que l'administration entendait appliquer n'était mentionnée ; que, dès lors, le moyen tiré de la notification de redressements en date du 15 novembre 1978 serait insuffisamment motivée doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 15 du code général des impôts, " ...II. Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu ..." ; que les contribuables bénéficiaires de l'exonération ainsi édictée ne sont pas, par voie de conséquence autorisés à déduire de leurs revenus fonciers compris dans le revenu global les charges afférentes à ces logements ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction, qu'au cours de l'année 1974 à laquelle se rapporte l'imposition litigieuse, M. X... a déduit de son revenu global, à concurrence de ses droits dans la société civile immobilière GOAPER-BOTTAZZI dont lui- même et M. Y... sont les seuls associés, les déficits fonciers résultant de travaux effectués dans une maison d'habitation sise à Pringy (Haute-Savoie) appartenant à la société et que celle-ci aurait donné à bail à M. Y... ; qu'estimant que la société civile immobilière GOAPER-BOTTAZZI n'a été constituée par M. X... et M. Y... qu'en vue de faire échec aux dispositions précitées de l'article 15-II du code général des impôts, l'administration a réintégré les sommes correspondantes dans le revenu imposable de M. X... au titre de l'année 1974 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B alors applicable du code général des impôts "les actes dissimulant la portée véritable d'un contrat ... ou déguisant soit une réalisation soit un transfert de bénéfices ou de revenus ... ne sont pas opposables à l'administration, laquelle supporte la charge de la preuve du caractère réel de ces actes devant le juge de l'impôt lorsque, pour restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse, elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif" prévu à l'article 1653 C du même code ou ne s'est pas conformée à cet avis ; qu'en l'espèce, il est constant que l'administration n'a pas consulté le comité consultatif ; que, par suite, la charge de la preuve lui incombe ;
Considérant que MM. X... et Y... ont fondé la société civile immobilière GOAPER-BOTTAZZI par acte du 1er juin 1973 ; que cette société n'a eu pour seul patrimoine, pendant l'année d'imposition, que la maison de Pringy acquise par elle le 3 juillet 1973 et que les travaux de remise en état réalisés dans cet immeuble en 1974, d'un montant de 59 830 francs, n'ont pu être financés, eu égard à la modicité du capital social, que grâce aux fonds personnels des associés ; qu'il n'est pas contesté, nonobstant la circonstance alléguée par M. X... que cette situation n'aurait concerné que la période postérieure à 1977, que celui-ci a occupé la maison à titre de résidence secondaire ; que, dès lors, le requérant ne peut en l'espèce se prévaloir du bail consenti à son gendre M. Y... par la société civile, M. Y... n'ayant été légalement locataire qu'en 1975, moyennant un loyer modique, réduit en 1976 et 1977, tout en étant en fait, durant cette période, étudiant à Lyon où il occupait un autre logement ; qu'ainsi les associés doivent être regardés comme s'étant l'un et l'autre réservé la jouissance de l'immeuble ;
Considérant qu'eu égard aux circonstances susrelatées, et sans que M. X... puisse utilement se prévaloir de la réalité qu'il conviendrait de reconnaître aux opérations immobilières effectuées par la société civile immobilière postérieurement à l'établissement de l'imposition litigieuse, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que l'acte par lequel la société civile immobilière susmentionnée a été constituée par les deux seuls porteurs de parts de cette société a été inspiré par l'unique motif d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales qu'à défaut de cet acte, ils auraient normalement supportées ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1728 alors applicable du code général des impôts "Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire ou de présenter une déclaration ou un acte comportant l'indication de bases ou éléments à retenir pour l'assiette, la liquidation ou le paiement de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques établis ou recouvrés par la direction générale des impôts déclare ou fait apparaître une base ou des éléments d'imposition insuffisants, inexacts ou incomplets ou effectue un versement insuffisant, le montant des droits éludés est majoré soit de l'indemnité de retard prévue à l'article, 1727 s'il s'agit des versements, impôts ou taxes énumérés audit article, soit d'un intérêt de retard calculé dans les conditions fixées à l'article 1734" ;
Considérant qu'en déclarant un déficit foncier fictif, M. X... a fait apparaître une base d'imposition insuffisante ; que, dans ces conditions, nonobstant la circonstance, alléguée par le requérant, qu'il se serait scrupuleusement acquitté de ses obligations fiscales et que l'administration possédait dès 1975 tous les éléments nécessaires à l'établissement d'un redressement, le service a à bon droit, conformément aux dispositions précitées, majoré le montant des droits éludés des intérêts de retard ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement en date du 20 juin 1986, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en décharge de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1974 ;
Article 1er : La requête susvisée de M. X... est rejetée.