Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 14 mars 2023 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2302394 du 26 septembre 2024, le tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à sa demande en annulant les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination.
Procédure devant la cour :
I - Sous le n° 24DA02163, par une requête enregistrée le 23 octobre 2024, le préfet du Nord, représenté par Me Rannou, demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les décisions, contenues dans l'arrêté du 14 mars 2023, portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination.
Il soutient que :
- l'arrêté du 14 mars 2023 n'est pas contraire au 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. A... ne contribue pas effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ;
- les autres moyens présentés par M. A... devant le tribunal ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 5 juin 2025, M. A..., représenté par Me Maachi, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet du Nord ne sont pas fondés.
II - Sous le n° 24DA02198, par une requête enregistrée le 28 octobre 2024, M. A... représenté par Me Maachi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2302394 du 26 septembre 2024 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté du 14 mars 2023, rejetant sa demande de renouvellement d'un titre de séjour ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 mars 2023 dans cette mesure ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer le titre de séjour sollicité portant la mention " vie privée et familiale ".
Il soutient que :
- son insertion professionnelle lui permet de subvenir à l'entretien et à l'éducation de ses enfants de nationalité française ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations des articles 6 - 5° et de l'accord franco-algérien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- à la date de la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour, sa présence en France ne constituait pas une menace à l'ordre public, les délits qu'il a commis se rattachant à son premier séjour en France alors qu'il était mineur isolé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2025, le préfet du Nord, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 28 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller,
- et les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par deux requêtes n° 24DA02163 et n° 24DA02198, qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt, le préfet du Nord et M. A..., ressortissant algérien, relèvent appel du jugement n° 2302394 par lequel le tribunal administratif de Lille a, d'une part, rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté préfectoral du 14 mars 2023, refusant de renouveler son titre de séjour et d'autre part, a annulé l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destination contenues dans ce même arrêté.
Sur la requête n° 24DA02163 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) ". Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ".
3. D'une part, les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale en vigueur relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser tout renouvellement du certificat en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public.
4. D'autre part, lorsque l'administration oppose à un ressortissant étranger un motif lié à la menace à l'ordre public pour refuser de faire droit à sa demande de titre de séjour, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné le 7 avril 2017 à une peine d'emprisonnement avec sursis de trois mois pour des faits de vol en réunion et usage illicite de stupéfiants, le 5 octobre 2017 à une peine d'emprisonnement de deux mois pour des faits de vol en réunion, le 11 janvier 2018 à une peine d'emprisonnement avec sursis de quatre mois pour des faits de vol avec destruction ou dégradation et port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D, le 16 novembre 2018 à une peine d'emprisonnement de quatre mois pour des faits de vol en réunion en récidive et dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, le 24 juin 2020 à une peine d'emprisonnement de huit mois avec interdiction de détenir une arme soumise à autorisation pendant trois ans et confiscation des biens ou instruments ayant servi à commettre l'infraction pour des faits de violence avec usage ou menace d'un arme, le 30 mars 2021 à une peine d'emprisonnement de quatre mois avec sursis probatoire pendant deux années et obligation d'exercer une activité professionnelle, suivre un enseignement ou une formation professionnelle et obligation de réparer les dommages causés par l'infraction pour des faits de vol en réunion à deux reprises. À la date de l'arrêté attaqué, M. A... était placé en détention à domicile sous surveillance électronique. Compte tenu de la gravité des faits commis par l'appelant, de leur réitération et de leur caractère récent, le préfet du Nord, en estimant, à la date de l'arrêté du 14 mars 2023, que la présence de M. A... en France représente une menace actuelle pour l'ordre public, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvait légalement se fonder sur ce seul motif pour rejeter la demande de renouvellement du titre de séjour fondée sur le 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par suite, le moyen doit être écarté.
6. En deuxième lieu, la demande de renouvellement du titre de séjour dont bénéficiait M. A... ayant été présentée sur le fondement des stipulations précitées du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations du 5° de cet article.
7. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France pour la dernière fois le 10 juin 2019, vit en couple avec sa compagne de nationalité française, est le père de deux enfants français, à la date de l'arrêté attaqué, nés les 5 février 2019 et 4 janvier 2022 et bénéficiait d'un contrat de travail à durée indéterminée jusqu'à la date de la décision attaquée. Toutefois, compte tenu de la menace à l'ordre public que l'appelant représente, de la circonstance que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour n'a pas pour effet de séparer M. A... des membres de sa famille et des buts en vue desquels la décision contestée a été prise, le préfet du Nord n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur la requête n° 24DA02198 :
8. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français: / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
9. Ainsi qu'il a été dit au point 7, M. A... vit en couple avec une ressortissante de nationalité française et est père de deux enfants français, nés les 5 février 2019 et 4 janvier 2022. La communauté de vie de la famille est établie par les documents administratifs produits par l'intéressé. Il ressort des pièces du dossier et notamment, des attestations de la mère de ses filles, de sa belle-famille, de certaines factures, portant son patronyme, d'achat de vêtements, de jouets et de matériels de puériculture et de photographies que M. A... contribue effectivement tant à l'entretien que l'éducation de ses enfants. Ainsi il doit être regardé comme remplissant les conditions prévues par les dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et contrairement à ce que soutient le préfet du Nord, l'obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté du 14 mars 2023 a été prise en méconnaissance de ces dispositions.
10. Il résulte de tout ce qui précède que ni le préfet du Nord, ni M. A... ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 septembre 2024, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté du 14 mars 2023, refusant de renouveler son titre de séjour et d'autre part, annulé l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire ainsi que la décision fixant le pays de destination contenues dans cet arrêté. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 24DA02163 du préfet du Nord est rejetée.
Article 2 : La requête n° 24DA02198 de M. A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord et à M. B... A....
Délibéré après l'audience publique du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
N°24DA02163,24DA02198 2